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d'autant plus toutes les parties. Une multitude de notes littéraires, de renseignements bibliographiques, d'anecdotes qui ne pourroient former un livre, que même je n'aurois jamais songé à mettre par écrit, sont venues se placer à la suite ou à l'occasion d'ouvrages mentionnés en ce Catalogue. Sans savoir beaucoup, j'ai beaucoup vu, et il est tout simple que bien ou mal j'aie beaucoup à dire; m'étant toujours spécialement occupé de livres, l'ensemble de mes connoissances et de mes réflexions s'est naturellement rapporté à ce qui leur est relatif. Un catalogue ainsi fait, et qui certainement ne ressemble à aucun autre, vaut-il la peine d'être mis sous les yeux du public? Ai-je réussi à en faire un livre, autre chose enfin qu'une aggrégation d'intitulés? c'est là le problème dont la solution ne peut me laisser sans quelque inquiétude.

On connoît déjà plusieurs catalogues de bibliothèques privées; la plupart n'ont que des notes rares et de peu d'étendue. Je ne pense pas que ce soit ainsi que doive être fait le catalogue d'une bibliothéque qui n'est ni ouverte à tous venants, comme le sont les collections publiques, ni à la disposition future et prochaine des amateurs, comme celles qui vont être vendues, et desquelles un catalogue fait préalablement connoître la composition. Pour les bibliothèques publiques, ou à vendre, on n'a besoin que de voir les titres des ouvrages que l'on voudroit ou consulter dans le dépôt public, ou acheter dans la vente qui doit intervenir; et même cette dernière sorte de catalogues, ceux des livres à vendre, exclut nécessairement la fréquence des notes. Que veut-on y

trouver?l'indication des livres. Ce que le rédacteur ajoute pour faire ressortir le mérite des ouvrages ou celui des éditions, n'est pas toujours favorablement accueilli par l'acheteur éventuel; il semble que chacune de ces notes soit une attaque dirigée contre la bourse de l'amateur. Chacun voudroit savoir que tel objet est à vendre, mais à condition, pour ainsi dire, que tout autre le sût le moins possible. C'est ce qui fait qu'ordinairement les connoisseurs ne manquent point d'une certaine indulgence pour les mauvais catalogues de bons livres, dans lesquels les titres, les dates, les noms sont estropiés, et à peine reconnoissables. Le catalogue d'une collection privée doit être combiné d'une manière toute différente; le lecteur y veut autre chose que des titres, puisqu'il ne lui est point loisible d'acquérir ces rares éditions, ces beaux volumes qu'on lui annonce, qu'on lui montre, mais qu'on ne lui offre pas; il faut donc qu'il y trouve quelque chose de plus, et à son usage; il faut enfin qu'il ait à lire dans le catalogue, puisqu'il ne pourra rien acheter dans la bibliothéque. C'est en quoi est tout-à-fait insuffisant le beau catalogue imprimé aux frais et du vivant de M. Caillard, qui étoit cependant assez instruit pour donner à la description de sa bibliothéque un tout autre intérêt que celui qui résulte du seul énoncé des titres. Celui de Crevenna est plus riche en annotations; elles y sont nombreuses, quelques-unes même sont assez étendues; mais elles décèlent trop souvent un homme qui n'est pas très fort en bibliographie, et qui l'est moins encore en littérature. Le catalogue Rewicsky, l'un des plus riches qui existent, ne se recommande ni par l'exactitude du libellé

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des titres, ni par les notes qui y sont peu nombreuses, et presque toutes empruntées de la Bibliographie. Celui de la Bibliothéque d'histoire naturelle de sir Joseph Banks ne contient absolument que des titres et des descriptions; mais la spécialité de la collection, son importance, l'exactitude de ces descriptions, le besoin de les trouver dans un répertoire où elles puissent être consultées avec foi implicite, tout cela fait de ce catalogue un ouvrage à part et unique en son genre.

Un catalogue Solger, Nuremberg, 1762, 3 vol. in-8. contient de bons livres, et passe pour être enrichi de savantes notes. Le mot rare répété presque à chaque article, quelques lieux communs d'une latinité barbare, sont tout ce que l'on trouve dans ces trois amples volumes que j'ai parcourus avec grande espérance, et dans lesquels rien n'a payé mes peines. Un semblable reproche ne peut être fait au somptueux catalogue de l'inappréciable collection du comte Spencer. L'auteur de ce considérable ouvrage a travaillé sur un sur un plan tout-à-fait différent de celui que j'ai adopté; et notre manière de procéder devoit effectivement être toute autre. N'ayant à traiter que de livres très rares, la plupart assez mal connus, plusieurs même presque entièrement ignorés, M. Dibdin a cru convenable de décrire le matériel de tous, même lorsque d'autres bibliographes avoient déjà pris ce soin; de sorte qu'il suffit qu'un livre soit dans ce catalogue pour que l'on ait l'assurance d'en trouver aussi la description très détaillée, et ordinairement fort exacte. Si, au lieu de se borner aux livres du xvme siècle, et à quelques autres raretés de même genre, l'auteur eût entrepris l'entier

catalogue de cette bibliothèque, si riche et si nombreuse, il ne se seroit sans doute pas assujetti à accompagner chaque titre d'une minutieuse description, qui, trop souvent, auroit été sans intérêt comme sans utilité; et c'est tout justement ma position dans la rédaction de mon Catalogue. Ma Bibliothéque contient bien quelques livres d'une grande rareté, et dignes de l'attention des amateurs; mais ceux-là même ont été décrits dans d'autres ouvrages bibliographiques, et notamment dans celui que je viens de mentionner. Quant aux livres qui, fort intéressants par leur contenu, par la beauté de l'édition, par celle de l'exemplaire, ou par une rareté plus ou moins reconnue, ne sont cependant ni uniques dans mes mains, ni tout-à-fait introuvables, rien ne m'eût semblé plus oiseux, plus inconvenant même, que de grossir ce Catalogue par le détail circonstancié de leurs préliminaires, par l'indication du nombre de leurs pages, etc., renseignements dont on n'a que faire pour la grande majorité des livres. M. de Lama a mentionné toutes ces particularités, et très exactement, dans le catalogue de Bodoni, et erat his locus. J'ai dû en faire de même dans les Annales aldines, ainsi que Bandini dans celles des Junte; mais puisque toutes ces choses sont là, c'est un motif pour ne plus les introduire ailleurs.

Une circonstance peut nuire, et beaucoup, au succès de cet ouvrage. Je sais que trop de personnes s'attendent à y trouver amusement, quelquefois même instruction, 1 et c'est avec ces lecteurs que j'ai le plus à appréhender Tous leurs mécomptes seront à ma charge; je serai envers eux responsable de ce qu'ils chercheront en vain

dans mon livre. Je prie tout autre lecteur de considérer que je n'ai pas eu la volonté de faire de ce Catalogue un livre didactique de bibliographie, comme l'estimable Manuel de M. Brunet, comme l'ouvrage, plus étendu, et peut-être moins instructif, que nous a laissé Debure le jeune, et que ses habiles successeurs devroient refaire et perfectionner. Ce n'est, que l'on me permette cette expression, rien qu'un livre de fantaisie, et sans prétentions, une série d'intitulés formée par un ami des lettres, d'abord et surtout pour le bon ordre de sa bibliothéque. Une partie de ce griffonnage, et bien d'autre encore, que prudemment j'ai supprimé, n'étoit point destiné au public, et ne devoit jamais dépasser les limites du registre - catalogue sur lequel il fut d'abord tracé. Une fois décidé à courir les hasards de la publication, j'ai donné de nouveaux soins à ce premier travail; mais le fonds en étoit fait avec cet abandon, ce laissez-aller d'un homme qui, dans sa bibliothèque, en présence de ses livres, a écrit pour soi-même, et à leur sujet, une partie de ce que leur lecture lui a suggéré, sans vouloir positivement faire ou de la littérature, ou de la politique, ou même de la bibliographie; et véritablement je me suis trouvé un peu effrayé lorsque j'ai considéré que j'allois rendre le public confident et juge de toutes ces pensées secrètes.

On trouvera peut-être les notes trop multipliées, quelques-unes d'une longueur inattendue, et leur donnant presque forme de dissertations; mais elles auroient été plus étendues encore, et plus fréquentes sans mon application continuelle à éviter les longueurs et les redites.

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