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AMBORLIAS

D20 1147

V. 5

OU

HISTOIRE ET DESCRIPTION

DE TOUS LES PEUPLES,

DE LEURS RELIGIONS, MOEURS, COUTUMES, ETC.

ALLEMAGNE.

PAR M. LE BAS,

MAÎTRE DE CONFÉRENCES A L'ÉCOLE NORMALE.

DESCRIPTION GÉOGRAPHIQUE.

CONFIGURATION ET LIMITES DE

L'ALLEMAGNE.

La configuration de la grande presqu'île que nous appelons Europe, rend cette partie du monde plus propre qu'aucune autre à la civilisation. Ce n'est pas un continent immense comme l'Asie et l'Afrique : la mer entre dans les terres de trois côtés, et un cinquième de la surface se compose de péninsules, qui, au nombre de douze, s'avancent dans la mer et rendent l'étendue des côtes très-considérable par rapport à la surface. Les autres quatre cinquièmes forment le continent européen proprement dit, qui, du golfe de Gascogne, s'étend aux embouchures du Wolga, et de au golfe de la Kara.

Ce continent ne présente pas un plateau continu comme l'Asie centrale, ni des plaines à peine abandonnées de de la mer, comme l'Afrique septentrionale. Le caractère mixte domine dans la partie sud-ouest, et les plaines du nord-est sont resserrées entre des 1re Livraison. (Allemagne.)

mers intérieures, des presqu'îles, et les montagnes du sud qui, au moyen de fleuves nombreux, les alimentent d'un volume d'eau immense et presque toujours égal. Ces plaines septentrionales sont séparées des pays montagneux par une ligne, que l'on pourrait tracer de l'embouchure du Dniestr jusqu'à celle du Rhin, et qui traverserait l'Allemagne de l'est à l'ouest. Les bas-fonds du Rhin inférieur lient les plaines septentrionales à la plaine montagneuse de la France. Derrière ces plaines, traversées par de larges fleuves, se trouvent des montagnes et des collines, qui forment la Haute-Allemagne.

L'Allemagne, comme nous venons de le voir, appartient à un double système, des montagnes au sud, au nord des plaines immenses. Ce n'est point un pays rigoureusement limité par la nature: à l'ouest, si l'uniformité de langage constituait une nation, l'Allemagne empiéterait sur la France; elle s'étendrait au-delà du Rhin jusqu'en Lorraine et jusqu'en Alsace; elle dispute

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rait la Belgique aux peuplades celti à l'est elle plongerait au milieu ques; des peuples slaves; au sud même, malgré cette formidable barriere des Alpes, l'Allemagne s'étend dans les montagnes et cherche à pénétrer jusqu'en Lombardie; au nord, enfin, les limites sont à peine plus précises, car la Baltique envahit tantôt et tantôt abandonne ces plaines basses et marécageuses, moitié terre, moitié eau, comme la Hollande où l'on ne sait quand la terre commence et où s'arrête l'Océan.

Les limites de l'Allemagne ne varient pas moins historiquement. Pour les Romains, la Germanie était bornée à l'ouest et au sud par le Rhin et le Danube. Quant aux frontières du nord et de l'est, ils ne les connurent jamais. La Bavière, l'Autriche au-dessous du Danube, étaient alors habitées par des peuplades celtiques, comme les Boïes, par exemple, qui demeurèrent longtemps maîtres de la Bohême, d'où ils furent chassés par les Marcomans, peuplade germanique. Au moyen âge, la Bohême est slave, la Lorraine et l'Alsace sont allemandes. Ainsi le monde germanique a reculé de l'est vers l'ouest; Il s'étend aussi, à cette époque, jusque dans les Alpes. Dans les temps modernes, l'Allemagne a repris un mouvement contraire, de l'ouest vers l'est. Elle a abandonné l'Alsace et la Lorraine, mais pour enlever aux Slaves la Silésie, la Bohême, la Hongrie, etc. Ainsi le Rhin, ce fleuve symbolique de la vieille Allemagne, qui cache ensevelis sous ses eaux tant de châteaux et de poétiques légendes, le Rhin est à peine allemand aujourd'hui.

Il est un point cependant que l'Allemagne n'abandonne pas: c'est au sud, les Alpes et la Lombardie. Il est vrai que de ce côté, elle est conduite par la prudente et persévérante maison d'Autriche qui, effrayée des agrandissements de la Prusse dans le nord, y cherche des compensations par la conquête de l'Italie septentrionale. Il lui a fallu long-temps pour s'assurer une aussi belle conquête; mais doit-elle la conserver long-temps? Le jour de la dé

livrance ne luira-t-il jamais pour la malheureuse Italie?

Nous verrons dans la suite de ce travail les fluctuations successives des frontières de l'Allemagne; nous devons avant tout faire connaître la géographie physique de cette contrée, car depuis Herder et Montesquieu, il n'est plus permis de séparer l'histoire de la géographie. Nous commencerons par la Haute-Allemagne.

GÉOGRAPHIE PHYSIQUE DE L'ALLE

MAGNE.

La Haute-Allemagne est bornée à l'ouest par le Jura, les Vosges et les Ardennes; au sud par les Alpes; a l'est par les monts Crapaks. Le Tyrol, une partie de la Bavière, les provinces allemandes de l'Autriche au sud du Danube, appartiennent encore au système des Alpes.

En quittant les Alpes, on descend vers le nord sur un grand plateau qui s'étend du Jura au Boehmerwald (Forêt de Bohême), dans une largeur qui varie d'une journée de marche jusqu'à quatre, et dont l'élévation movenne est de 1,200 pieds au-dessus du niveau de la mer. Če plateau est traversé par le Danube et s'abaisse par conséquent vers l'est; la vallée du Danube le lie à la Hongrie, qui forme comme un golfe entre les montagnes. Ce plateau est bordé au nord, et séparé des plaines qui avoisinent la mer, par une zone irrégulière, chargée de montagnes, de forêts et de plateaux secondaires, quelquefois entièrement interrompus, plus souvent traversés par des défilés.

La partie septentrionale des Vosges dans la Bavière rhénane, le Hundsrück dans le duché du Bas-Rhin, et les Ardennes dans le Luxembourg, se trouvent en deçà du Rhin, et pendant tout le moyen âge ont procuré aux peuples qui les habitaient une indépendance presque entière vis-à-vis de leurs puissants voisins de l'est et de l'ouest. Lorsque après la mort de Charles-le Téméraire on se partagea ses dépouilles, aucun intermédiaire n'exista plus entre la France et l'Allemagne; deux grands empires et

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deux grandes nations furent en présence. La lutte s'engagea bientôt sur les bords du Rhin; mais cette querelle de quatre siècles semble toucher à sa fin: la civilisation, qui passe incessamment de l'un à l'autre de ces deux grands peuples, efface chaque jour les haines nationales et rend la guerre de plus en plus difficile.

Occupons-nous d'abord de l'est, de la partie immédiatement en contact avec le système général des montagnes de l'Europe. Le groupe qui, sous le nom de Sudetes, de monts des Géants, de Erzgebirge, occupe la Moravie, la Bohême orientale, la Silésie supérieure, la Lusace et le royaume de Saxe, verse l'Oder dans la Baltique et l'Elbe dans la mer du Nord; de l'autre côté, la March se jette dans le Danube et la mer Noire. Ainsi, le commerce n'a pas eu de grandes difficultés physiques à vaincre pour pénétrer dans ces pays, si riches d'ailleurs en métaux ; et l'on conçoit le projet de l'empereur Charles iv qui voulait par un canal réunir la Moldau au Danube.

Depuis Charlemagne, la frontière allemande a toujours avancé de ce côté. Les rois de Bohême ont reconnu l'autorité de l'empire, les archiducs d'Autriche sont devenus rois de Bohême et souverains de plusieurs autres parties de ce territoire, enfin la lutte entre la Prusse et l'Autriche a eu pour cause et pour théâtre la partie nord-est de ces montagnes. Cependant la population slave qui les occupe a toujours conservé son caractere primitif; elle est là comme l'avant-garde de sa race, placée sur une haute tour. Bien que de trois côtés des populations germaniques l'environnent, et que même, par suite des conquêtes des chevaliers Teutoniques, les Alle

mands se trouvent aussi sur ses derrières, il semble qu'elle devient plus tenace de jour en jour; et pourtant en général aucune race ne parait aussi mobile que celle des Slaves. C'est ici le caractère puissant du sol qui a vaincu l'homme et qui le retient par une force constamment la même.

Une chaîne moins élevée (Zdarsky

Hory), qui forme la frontière de la Moravie et de la Bohême, se détache vers le sud de cette masse centrale. A l'ouest, le Riesengebirge et l'Erzgebirge la lient au Fichtelgebirge, montagnes centrales de l'Allemagne, qui forment les frontieres de la Bavière, de la Saxe et de la Bohême, et qui donnent naissance à quatre fleuves, l'Eger, la Saale, la Naab et le Mein, dont les deux premiers se jettent dans l'Elbe, le troisième dans le Danube, et le quatrième dans le Rhin. Le Fichtelgebirge, riche en minerai de fer, est comme le nœud des trois bassins germaniques; c'est le centre de l'Allemagne. Il rayonne dans trois directions différentes tandis qu'au sud e au sud-est il touche, lui, aux plaines de la Bavière et de la Franconie, au nordouest il lance, pour ainsi dire, le Thuringerwald et le Frankenwald, à l'est l'Erzgebirge, et au sud-est le Boehmerwald.

Cette derniere chaîne forme la frontière de la Bohême et de la Bavière, et de ce côté termine l'Allemagne et le bassin de la mer du Nord. Des masses de granit primitif avec leurs pentes rapides, leurs cimes dépourvues d'arbres, leurs flancs escarpés et couverts de noirs sapins, tel est l'aspect sauvage de la Forêt de Bohême. De tout temps les croyances populaires ont peuplé ces lieux de monstres et d'êtres surnaturels. Schiller y a placé le théâtre de ses brigands, et tout récemment on y a cherché la prison de Gaspard Hauser.

La Forêt de Bohême descend vers le Danube: c'est à Lintz que le fleuve s'ouvre un chemin entre ces montagnes et le rameau précurseur des Alpes. Lintz est la clef de l'Autriche; et cependant on n'a songé que de nos jours à fortifier cette ville, bien que le prince Eugene de Savoie eût déja reconnu que l'Autriche ne serait en sûreté que lorsqu'on aurait fait de Lintz une place forte.

A l'ouest du Fichtelgebirge se trouve le plateau de Franconie avec ses nombreuses forêts. Les montagnes de l'Allemagne centrale offrent beaucoup

de ces plateaux secondaires. Vers le nord-ouest se détache du Fichtelgebirge le Thuringerwald entre Lobenstein, Schmalkalden, Eisenach et Saalfeld. Sous les rois des deux premières races, ce pays fut le théâtre des guerres entre les Francs et les Saxons: aujourd'hui il se trouve partagé entre une dizaine de petits princes et la Prusse, qui vient de leur imposer son système de douanes et d'impôts : victoire paisible qui peut lui faire oublier l'échec qu'elle y a reçu en 1806.

La plaine de la Thuringe et les montagnes du Hartz s'adossent vers le nord au Thuringerwald et pénètrent fort avant dans la grande plaine septentrionale. C'est toujours dans ces montagnes, dont le Brunswik forme la partie la plus septentrionale, que la souveraineté des petits princes a trouun dernier asile: dans les plaines, au contraire, l'unite de domination est parvenue plus facilement à s'établir.

Le Hartz a eté le dernier refuge du paganisme et de la nationalité saxonne reculant devant les armes et les missionnaires des Francs : mais le Broken, point culminant de cette chaîne, a été bien puni de l'asile qu'il a donné aux sacrifices impies des Saxons; car ses ennemis lui ont fait en Allemagne la plus mauvaise réputation. C'est là, disent-ils, que s'assemblent, dans la nuit du premier mai, les sorcieres, arrivant de tous les points sur leurs manches à balai ; c'est là que Méphistopheles préside au sabbat. Tout le monde a lu le Faust de Goethe ; mais un autre poëme du même auteur, qui explique l'origine de ces croyances, mériterait bien aussi les honneurs de la popularité.

Une chaîne de collines, de plateaux et de montagnes peu considérables, se détache du Thuringerwald vers le nord-ouest: elle n'a pas même de nom collectif. Elle suit le courant du Weser, qui la quitte définitivement audessus de Minden pour parcourir les plaines de la Basse - Saxe jusqu'à la Frise. Ces montagnes, au point où le fleuve les abandonne, n'ont plus que quelques centaines de pieds de hauteur,

puis elles tournent vers l'ouest et se perdent entièrement près d'Ibbenbühren.

Au sud de ces collines jusqu'à la Hesse Electorale s'étend le Teutoburgerwald, pays couvert de collines et de forêts, où Arminius anéantit les légions de Varus. C'est la barrière de l'Allemagne contre toute incursion faite du côté du nord-ouest. Le Spesshard, le Vogelsberg et le Rhön occupent les contrées situées entre le Frankenwald et le Nassau: ils suivent le cours du Mein, et séparent l'Allemagne du nord de celle du midi. Le duché de Nassau, le pays le plus fertile en vin de toute l'Allemagne, est traversé par le Taunus et le Westerwald, qui forcent le Rhin, quand il arrive à Mayence, à se détourner vers l'ouest jusqu'à Bingen. Le Westerwald projette au nordest les monts Rothhaar et Egge, qui forment la frontière méridionale du Teutoburgerwald; d'autres chaînes aussi peu considérables s'avancent jusqu'aux sources du Wipper et jusqu'à Bonn sur le Rhin.

Il nous reste à jeter un coup d'œil sur les montagnes situées entre le Mein, le Rhin et le plateau bavarois. A l'endroit où la Regnitz se jette dans le Mein, s'élève une chaîne de montagnes, d'abord peu considérable, qui suit une direction méridionale sous le nom d'Albuch, et vers le sud-ouest prend le nom d'Alpes de Souabe, qu'elle conserve jusqu'aux sources du Danube. Au sud du Danube, elle descend jusqu'au Rhin, ou plutôt s'étend au-delà de ce fleuve; car ces montagnes ne sont qu'une continuation du Jura à travers lequel le Rhin s'ouvre un passage.

Une autre chaine, qui a des embranchements nombreux avec la première, accompagne le Rhin depuis Fribourg jusqu'au Mein, et sépare la vallée du Rhin supérieur du plateau montagneux de la Souabe. La partie méridionale decette chaîne, le Schwarzwald, est séparée de la partie septentrionale, l'Odenwald, qui occupe l'espace compris entre le Mein et le Rhin, par le défilé de la Bergstrasse, remarquable par une grande quantité de châteaux gothiques en ruine, et par la

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