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sources que ce repos ne pouvait manquer de procurer à la Grande-Armée, se furent décidés à le troubler et à faire une campagne d'hiver, Napoléon dut sans perdre un instant reprendre l'offensive; son but devait être de livrer une bataille générale, et, comme l'a dit Montécuculli, de combattre à son choix, et jamais à la volonté de l'ennemi. Napoléon ne doutait plus que le corps prussien, s'il n'était déjà pris ou dispersé, ne fût du moins arrêté et contenu par le prince de Ponte-Corvo; et dans la position où l'armée russe était acculée, sa défaite livrait à l'empereur la ville de Kônigsberg et ses immenses magasins, la conquête de tout le territoire prussien était achevée, la guerre pouvait finir là. Quels puissans motifs de combattre, et quel prix de la victoire! Disons maintenant comment elle fut disputée,

Le corps d'arrière-garde de l'armée russe était avantageusement posté à cinq ou six cents toises en avant de Preussich-Eylau; l'infanterie couronnait le plateau qui do

mine le débouché de la plaine entre les bois : des batteries avancées sur la hauteur, à la gauche de la route, défendaient l'accès de la position. Le prince Bagration avait reçu l'ordre de s'y maintenir aussi long-temps qu'il le pourrait, pour donner au général Benningsen celui de faire arriver l'artillerie dont il avait débarrassé la marche de ses colonnes, et qu'il avait dirigée sur Eylau par une autre route. Le général Barclay de Tolly fut particulièrement chargé de la défense de la ville, et le corps d'arrièregarde fut renforcé de trois régimens d'infanterie.

Le 7 février, l'avant-garde française sous les ordres du grand-duc de Berg, soutenue par le corps d'armée du maréchal Soult : déboucha de la plaine vers deux heures après midi, par le hameau de Grünhofchen. Le maréchal fit attaquer la ligne russe de front par le 46° et le 18e régiment de ligne sur deux colonnes, et ordonna au général Viviez de tourner avec sa brigade la gauche de la position. L'infanterie russe, comman

dée par le général Markow, fut abordée à la baïonnette, et culbutée dès le premier choc; la cavalerie russe saisit le moment de la mêlée pour charger en flanc la colonne de gauche du 18e régiment, et renversa un de ses bataillons; mais le général Klein, qui suivant et soutenait l'attaque avec sa division de dragons, chargeant à son tour cette cavalerie, la refoula jusqu'auprès de la ville. On se battait corps à corps; le géné ral Markow s'efforçait avec sa réserve de rétablir le combat, lorsque la colonne du général Viviez, débouchant enarrière de son flanc gauche, le força de retirer son artillerie et d'abandonner la position. L'arrièregarde russe défilant à travers la ville, f suivie par les colonnes françaises qui y pé nétrèrent en même temps.

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Le combat se rengagea avec plus de fureur dans la ville d'Eylau. Napoléon, jugeant combien son occupation lui était nécessaire -pour faire déboucher ses troupes, appuyer sa gauche, et soutenir le centre de sa ligne de bataille, ordonna au maréchal Soult d'en

chasser l'ennemi. Benningsen, de son côté, s'obstina à conserver ce poste important, la clef de sa position. Le général Barclay de Tolly le défendit avec la plus grande opiniâtreté. Les Russes ne cédaient le terrain que pied à pied, dans les rues et dans les maisons où ils s'étaient renfermés; la nuit ne fit qu'accroître l'acharnement. Barclay, retranché avec quelques bataillons dans l'église et dans le cimetière situé sur un monticule, à la droite de la ville, soutint plusieurs attaques meurtrières, et fut lui-même grièvement blessé. Enfin, vers dix heures du soir, les Russes abandonnèrent la ville jonchée de leurs morts, et se retirèrent sous la protection d'une division d'infanterie que le général Benningsen avait fait marcher à leur soutien.

C'est ici le lieu de faire connaître la force numérique des deux armées, et d'indiquer leur position dans la nuit du 7 au 8 février. Il est difficile de savoir précisément de nombre de combattans présens sous les armes sur un champ de

bataille; on ne peut guère le déterminer que par aperçu, d'après l'organisation, les états de situation de l'époque la plus rapprochée, et les rapports officiels : c'est ce que nous avons essayé de faire.

Et d'abord, quant à l'armée française, d'après la composition des quatre corps d'ar mée qui combattirent à Eylau, celle de la réserve de cavalerie et de la garde impériale, nous trouvons cent, dix-huit bataillons et cent quarante-huit escadrons; en évaluant et compensant les pertes très-inégales dans les divers corps, et prenant un moyen terme, nous croyons être à peu près exacts en portant la force de l'infanterie à cinquante-cinq mille hommes, celle de la cavalerie à dix mille chevaux, celle de l'artillerie à trois mille cinq cents homines, ce qui donne un total de soixante-huit mille cinq cents combattans.

Napoléon, pour s'assurer la conservation du poste si difficilement arraché à l'ennemi, fit bivouaquer au-delà de la ville une des divisions du maréchal Soult (celle du général

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