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du Cap vers le milieu d'avril, et n'y laissa pas un seul bâtiment armé : il se dirigea d'abord sur l'île Sainte-Hélène, où il obtint adroitement du gouverneur un léger renfort. La totalité de ses troupes de débarquement ne s'élevait guère qu'à mille six cents hommes, en y comprenant les soldats de marine. Il arriva dans les premiers jours de juin à l'embouchure du Rio de la Plata, encore incertain s'il attaquerait d'abord Buenos-Ayres ou Monte-Video. Il donna la préférence à Buenos-Ayres, fit passer toute sa troupe sur les bâtimens de transport, et après avoir surmonté, avec autant d'habileté que de persévérance, les difficultés d'une navigation épineuse, il effectua son débarquement à douze milles de la ville, devant un corps de deux mille Espagnols postés sur les hauteurs, et qui ne firent aucun mouvement pour l'empêcher. Le général Beresford marcha sur eux; ils prirent la fuite à la première décharge, et abandonnèrent leur artillerie : ils brûlèrent un pont pour assurer leur retraite, et ce fut le seul obstacle que rencon

tra le général Beresford. Il entra le 27 juin dans la ville de Buenos-Ayres; le vice-roi l'avait déjà évacuée avec le peu de troupes de milice qu'il avait sous ses ordres, et s'était retiré à Cordova.

Pendant que Beresford marchait sur Buénos-Ayres, l'escadre faisait des démonstrations devant Monte - Video et Maldonado pour jeter l'alarme et contenir les garnisons de ces places, où se trouvaient les troupes régulières de la colonie.

La ville de Buenos-Ayres ayant été ainsi livrée, sans défense, à la merci du'vainqueur, le général Beresford accorda une sorte de capitulation aux habitans; il protégea, autant qu'il le pouvait, dans une telle circonstance, les propriétés individuelles; et, par une politique bien entendue, loin de considérer comme de bonne prise les embarcations du cabotage qui se trouvaient sur la rivière, il fit rendre aux négocians auxquels les cargai sons appartenaient, des marchandises évaluées à un million et demi de dollars: on trouva dans les caisses du gouvernement

un million deux cent mille dollars, qui furent envoyés en Angleterre. On s'empara aussi d'autres deniers publics et de magasins de quinquina pour une valeur de trois millions de dollars, qui furent destinés à être distribués entre les capteurs.

Aussitôt que le gouvernement avait été informé du départ du Cap de sir Home Popham, et de l'invasion qu'il avait entreprise, on lui expédia l'ordre de renoncer à cette expédition, et de revenir de sa personne en Angleterre. Cet ordre arriva trop tard, et quand la nouvelle du succès fut répandue, la joie publique, en exagérant les avantages et les conséquences, fit disparaître le blâme que le commodore avait encouru par sa téméraire désobéissance. Il s'était empressé de publier et d'adresser, de son autorité privée, à toutes les places de commerce et aux villes manufacturières, un manifeste pour annoncer l'importance de sa conquête et des sources de richesses qu'il venait d'ouvrir à ses concitoyens. L'illusion fut universelle; on ne parlait que de l'exploitation de mines

inépuisables, de plaines fertiles, d'une population inoffensive qui, fatiguée du joug de ses anciens maîtres, se soumettait avec joie à la nation dont la valeur les avait délivrés de l'esclavage. Mais ceux qui connaissaient l'Amérique méridionale, la situation respective des colonies espagnoles et le caractère des peuples, prévoyaient que cette invasion, au lieu d'ouvrir de nouveaux débouchés au commerce anglais, fermerait, au contraire, ceux qui s'étaient déjà établis; enfin, que la tendance des Américains du sud vers l'indépendance, et leur désir d'imiter les Américains du nord, ne permettait pas de croire qu'ils pussent supporter une domination étrangère. Le gouvernement anglais, qui n'approuvait pas l'expédition de sir Home Popham, se garda bien d'en avouer le motif odieux, la spoliation d'une riche colonie, et l'incitation à l'insurrection; il ne voulut ni caresser ni dissiper l'illusion publique sur les prétendus avantages de cette conquête ; il n'encouragea point l'empressement des spéculateurs, et se borna à expédier, comme

d'ordinaire, les ordres du conseil pour régler les transactions commerciales avec les pays soumis par les armes de sa majesté.

Cette conduite circonspecte fut bientôt justifiée par les événemens. Pendant qu'on délibérait à Londres sur le meilleur système à adopter par rapport au nouvel établissement de Buenos-Ayres, il était déjà retombé dans les mains de l'ennemi. Les Espagnols, surpris et battus par une poignée de soldats, précisément au point où l'attaque était moins vraisemblable et la défense moins préparée, ne tardèrent pas à rougir de leur terreur panique. Honteux de leur défaite, et voyant que les vainqueurs, peu nombreux; n'avaient d'autre garant de la conservation de leur conquête que la soumission et la docilité des habitans, ceux-ci se concertèrent, pour les chasser. Pendant que des émissaires de Buénos-Ayres parcouraient les campagnes pour les exciter à prendre les armes, une insurrection s'organisait au sein de la cité, sous les yeux même du général Beresford. Sa vigilance ne put ni pénétrer le secret de cette

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