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Télémaque avoit fouvent remarqué que les réfo lutions du confeil fe répandoient un peu trop dans le camp. I en avoit averti Neftor & Philoctete: mais ces deux hommes fi expérimentés ne firent pas affez d'attention à un avis fi falutaire. La vieilleffe n'a plus rien de fouple, la longue habitude la tient comme enchaînée; & elle n'a plus de reffource contre fes défauts. Semblables aux arbres dont le tronc rude & noueux s'eft durci par le nombre des années, & ne peut plus fe redreffer, les hommes à un certain age ne peuvent prefque plus fe plier euxmêmes contre certaines habitudes qui ont vieilli avec eux & qui font entrées jufques dans la moëlle de leurs os. Souvent ils les connoiffent, mais trop tard ils gémiffent en vain, & la tendre jeuneffe eft le feul âge où l'homme peut encore tout fur lui-même pour fe corriger.

Il y avoit dans l'armée un Dolope nommé Eurimaque flatteur, infinuant, fachant s'accommoder à tous les goûts, & à toutes les inclinations des princes; inventif & induftrieux pour trouver de nouveaux moyens de leur plaire. A l'entendre, rien n'étoit jamais difficile. Lui demandoit-on fon avis? il devinoit ceJui qui feroit le plus agréable. Il étoit plaifant, railleur contre les foibles, complaifant pour ceux qu'il craignoit, habile pour affaifonner une louange délicate qui fût bien reçue des hommes les plus modeftes. Il étoit grave avec les graves, enjoué avec ceux qui étoient d'une humeur enjouée. Il ne lui coûtoit rien de prendre toutes fortes de formes. Les hommes finceres & vertueux qui font jours les mêmes, & qui s'affujettiffent aux regles de la vertu ne fauroient jamais être auffi agréa bles aux princes que ceux qui flattent leurs paffions dominantes, Eurimaque favoit la guerre; il étoit capable d'affaires c'étoit un aventurier qui s'étoit donné à Neftor, & qui avoit gagné sa confiance. I tiroit du fond de fon cœur un peu vain & fenfible aux louanges, tout ce qu'il en vouloit favoir,

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Quoique

had given him of their friendship and difcretion. Telemachus had often obferved that the refoluti ons of the council were a little too much known in the camp, and had advised Neftor and Philoctetes of it; but they, though men of great experience, did not fufficiently attend to fo ufeful an hint. Old age is not at all pliable; inveterate habits bind it as it were in chains, and its failings become incurable. Like trees whofe rough and knotty trunks are hardened by, length of time and cannot be ftraightned men hardly have it in their power at a certain age to bend them felves contrary to cuftoms which have grown old with them, and are entered into the very marrow of their bones. They often indeed are confcious of them when it is too late; they bewail them in vain, for tender youth is the only age wherein it is in a man's power to correct his errors.

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There was in the army a certain Dolopian, whose name was Eurymachus, who was fawning, infinuating, had the art of adapting himself to all the tastes and inclinations of the princes, and was ingenious and industrious in finding out new ways of pleafing them. When one heard him, one would think there was no difficulty in any thing; and when his advice was asked, he was fure to hit upon that which was moft agreeable. He was an entertaining fellow he bantered the weak, he cringed to thofe of whom he flood in awe, and fo skilfully feafoned his flattery that it was grateful to the most modeft car; he was grave with the grave, and merry with thofe who were merrily-inclined; for it was no pain to him to affume any form whatever. Sincere and virtuous men, who are always the fame, and who fubject themfelves to the rules of virtue, can never be fo agreeable to princes as thofe who flatter their prevailing paffions Eurymachus under ftood war; he was capable of bu finefs, and had in order to make his fortune attached himself to Neftor, whofe confidence he had won and from whofe heart, which was a little vain and fenfible to flattery, he drew every thing which he defired to know

Though

Quoique Philoctete ne fe confiât point à lui, la colere & l'impatience faifoient en lui ce que la confiance faifoit dans Neftor. Eurimaque n'avoit qu'à le contredire, en l'irritant, il découvroit tout. Cet homme avoit reçu de grandes fommes d'Adrafte pour lui mander tous les deffeins des alliés. Ce roi des Dauniens avoit dans l'armée un certain nombre de transfuges qui devoient l'un après l'autre s'échapper du camp des alliés, & retourner au fien. A mefure qu'il y avoit quelque affaire importante à faire favoir à Adrafte, Eurimaque faifoit partir un de ces transfuges. La tromperie ne pouvoit pas être facilement découverte, parce que ces transfuges ne portoient point de lettres. Si on les furprenoit, on ne trouvoit rien qui pût rendre Eurimaque fufpect.

Cependant Adrafte prévenoit toutes les entreprises des alliés. A peine une réfolution étoit - elle prife dans le confeil, que les Dauniens faifoient précisément ce qui étoit néceffaire pour en empêcher le fuccès. Télémaque ne fe laffoit point d'en chercher la caufe, & d'exciter la défiance de Neftor & de Philoctete; mais fon foin étoit inutile: ils étoient aveuglés.

On avoit réfolu dans le confeil d'attendre les troupes nombreuses qui devoient arriver, & on avoit fait avancer fecrettement pendant la nuit cent vaiffeaux pour conduire, plus promptement ces troupes depuis une côte de la mer très-rude où elles devoient arriver, jufqu'au lieu où l'armée campoit. Cependant on fe croyoit en sûreté, parce qu'on tenoit avec des troupes les détroits en la montagne voifine, qui eft une côte prefque inacceffible de l'Apennin. L'armée étoit campée fur les bords du fleuve Galefe affez près de la mer. Cette campagne délicieufe eft abondante en pâturages, & en tous les fruits qui peuvent nourrir une armée. Adraite étoit derriere la montagne, & on comptoit qu'il ne pouvoit paffer. Mais comme il fue que les alliés étoient encore foibles, qu'il leur venoit un grand fecours, que les vaiffeaux attendoient des troupes qui devoient arriver, & que l'armée étoit divifée

Though Philoctetes did not make him his confident, yet the fire and impatience of his temper had the fame effects as Neftor's confidence. For Eurymachus needed only to contradict and provoke him, and he difcovered all. This fellow had received large fums of Adraftus, to fend him intelligence of all the defigns of the allies. The Daunian king had feveral deferters in their army, who were to make their escape one after another from the confederate and to return to his. When there was any thing of importance to be communicated to Adrastus, Eurymachus ufed to dispatch one of these deferters. The treachery could not eafily be difcovered; becaufe as they never carried any letters, nothing was found upon them if they were taken that could render Eurymachus fufpected.

camp,

Adraftus therefore conftantly prevented all the en terprises of the allies: a refolution was hardly taken in the council, but the Daunians did precifely what was neceffary to hinder its fuccefs. Telemachus was indefatigable in his endeavours to find out the cause of this, and to excite the fufpicions of Neftor and Philoctetes; but his cares were vain, for their eyes were not to he opened.

It had been refolved in council to wait for a large number of troops which were to arrive, and an hundred ships had been fent privately by night to tranfi port them the more expeditioufly from a very rugged fea-coaft to which they were to come, to where the army was encamped. Mean time the confederates thought themfelves fecure, because their troops were in poffeffion of the ftraits of the neighbouring moun tain, which was an almoft inacceffible fide of the Appennines. The army was encamped on the banks of the river Galefus, near the fea. This delightful country abounds in pafturage, and in all things neceffary to the fubfiftence of an army. Adraftus was on the other fide of the mountain, which the allies believed it was impoffible for him to pafs. But as he knew they were yet but weak, that a great re-inforcement was coming, that ships were waiting for TOM, IL F

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divifée par la querelle de Télémaque avec Phalante, il fe hâta de faire un grand tour. Il vint en diligence jour & nuit fur le bord de la mer & paffa par des chemins qu'on avoit toujours cru abfolument impraticables. Ainfi la hardieffe & le travail furmontent les plus grands obftacles; ainfi il n'y a prefque rien d'impoffible à ceux qui favent ofer & fouffrir; ainfi ceux qui s'endorment, comptant que les chofes difficiles font impoffibles, méritent d'être furpris & açcablés..

Adrafte furprit au point du jour les cent vaiffeaux qui appartenoient aux alliés. Comme ces vaiffeaux étoient mal gardés, & qu'on ne fe défioit de rien, il s'en faifit fans réfiftance, & s'en fervit pour tranf porter les troupes, avec une incroyable diligence a l'embouchure du Galefe; puis il remonta trèspromptement fur les bords du fleuve. Ceux qui étoient dans les poftes avancés autour du camp, vers la riviere crurent que ces vaiffeaux leur amenoient les troupes qu'on attendoit: on pouffa d'abord 'de grands cris de joie. Adrafte & fes foldats defcendirent avant qu'on pût les reconnoître. Ils tombent fur les alliés qui ne fe défient de rien, ils les trouvent dans un camp tout ouvert, fans ordre, fans chef, fans armes.

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Le côté du camp qu'il attaqua d'abord, fut celui des Tarentins où commandoit Phalante. Les Dauniens y entrerent avec tant de vigueur, que cette jeuneffe Lacédémonienne étant furprife, ne put réfifter. Pendant qu'ils cherchent leurs armes, & qu'ils s'embarraffent les uns les autres dans cette confufion, Adrafte fait mettre le feu au camp. Auffi-tôt la flamme s'éleve des pavillons, & monte jufqu'aux nues: le bruit du feu eft femblable à celui d'un torrent qui inonde toute une campagne & qui entraîne, par fa rapidité, les grands chênes avec leurs profondes racines, les moiffons, les granges, les étables & les troupeaux. Le vent pouffe impétueufement la flamme de pavillon en pavillon, & bientôt tout le camp eft comme une vieille forêt, qu'une étincelle de feu a embrasée.

Phalante, qui voit le péril de plus près qu'un autre,

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