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«< comme un service important qu'il rendait à la reine et comme le seul "moyen qui pouvait faire consentir le roi à lui donner la régence. Il lui

« nous avons ordonné et ordonnons,.voulons et nous plaist qu'avenant notre déceds « avant que notre fils aîné le Dauphin soit entré en la quatorzième année de son aage ou en cas que notre dit fils le Dauphin decedast avant la majorité de notre « second fils le duc d'Anjou, notre tres chere et tres amée épouse et compagne la Reyne mère de nos dits enfans soit régente en France, qu'elle ayt l'éducation et « l'instruction de nos dits enfans avec l'administration et gouvernement du Royaume, « tant et si longuement que durera la minorité de celuy qui sera Roy, avec l'advis « du conseil et en la forme que nous ordonnerons cy après; et en cas que la dite dame régente se trouvant après notre deceds et pendant sa régence en telle indisposition qu'elle eust sujet d'apréhender de finir ses jours avant la majorité de nos enfans, nous voulons et ordonnons qu'elle pourvoye avec l'advis du conseil,

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que « nous ordonnerons cy après, à la régence, gouvernement et administration de nos « enfans et du royaume, declarant dès a présent que nous confirmons la disposi«tion qui en sera ainsy par elle faite, comme si elle avoit esté ordonnée

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par nous. « Et pour témoigner à notre tres cher frère le duc d'Orléans que rien n'a esté capable de diminuer l'affection que nous avons toujours eue pour luy, nous voulons " et ordonnons qu'après notre deceds, il soit lieutenant general du Roy mineur en toutes les provinces du Royaume pour exercer pendant la minorité ladite charge « sous l'autorité de ladite dame Reyne régente et du conseil que nous ordonnerons «cy après, et ce nonobstant la déclaration registrée en notre cour de parlement qui le prive de toute administration dans notre Estat, à laquelle nous avons dérogé « et dérogeons par ces présentes pour ce regard. Nous nous promettons de son bon «naturel qu'il honnorera nos volontés par une obeissance entière et qu'il servira l'Etat et nos enfans avec la fidélité et l'affection à laquelle sa naissance et les grâces qu'il a reçues de nous l'obligent, déclarant qu'en cas qu'il vînt à contrevenir en quelque façon que ce soit à l'établissement que nous faisons par la présente décla«ration, nous voulons qu'il demeure privé de la charge de lieutenant général, dé« fendant très expressément en ce cas à tous nos sujets de le recognoître et de luy obeir en cette qualité. Nous avons tout sujet d'esperer de la vertu, de la piété et de la sage conduite de notre très chère et bien amée épouse et compagne, la Reyne « mère de nos enfans que son administration sera heureuse et advantageuse à l'Es«tat; mais comme la charge de régente est de si grand poid, sur laquelle repose le a salut et la conservation entière du Royaume, et qu'il est impossible qu'elle puisse <«< avoir la connoissance parfaite et si nécessaire pour la resolution de si grandes et « si difficilles affaires, qui ne s'acquiert que par une longue expérience, nous avons jugé à propos d'établir un conseil près d'elle pour la régence, par les advis duquel « et sous son authorité les grandes et importantes affaires de l'Etat soient résolues « suivant la pluralité des voix. Et pour dignement composer le corps de ce conseil, nous avons estimé que nous ne pouvions faire un meilleur choix pour estre ministres de " l'Estat que de nos tres chers et tres amez cousins le prince de Condé et le cardinal de Mazarin et de notre très cher et féal le sieur Seguier chancellier de France, garde des « sceaux et commandeur de nos ordres, et de nos tres chers et bien amés Bouthillier «surintendant de nos finances et de Chavigny secretaire d'Etat et de nos commandea ments; voulons et ordonnons que notre tres cher frère le duc d'Orléans, et en son ab"sence nos tres chers et amés cousins le prince de Condé et cardinal Mazarin soient

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«< fit voir qu'il lui importait peu à quelles conditions elle la reçût, pourvu « que ce fût du consentement du roi, et qu'elle ne manquerait pas de

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• que

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« chefs dudit conseil, selon l'ordre qu'ils sont icy nomméz sous l'autorité de ladite dame Reyne regente; et comme nous croyons ne pouvoir faire un meilleur choix, nous « défendons tres expressement d'apporter aucun changement au dit conseil en l'aug«mentant ou diminuant, pour quelque cause ou occasion que ce soit, entendant « néantmoins que vacation advenant d'une des places du dit conseil par mort ou forfaiture, il y soit pourveu de telles personnes que lad. dame Régente jugera dignes par l'advis du conseil et à la pluralité des voix, de remplir cette place, dé«clarant que notre volonté est que toutes les affaires de la paix et de la guerre et « autres importantes à l'Estat, même celles qui regarderont la disposition de nos deniers soient délibérées aud. conseil par la pluralité des voix, comme aussy qu'il soit pourveu cas échéant aux charges de la couronne, surintendant des fi«nances, premier président et procureur général en notre cour du parlement de Paris, charges de secrétaire d'Estat, charges de la guerre, gouvernements des « places frontières, par lad" dame Régente avec l'advis du d' conseil sans lequel a elle ne pourra disposer d'aucune desd. charges; et quant aux autres charges, elle en disposera avec la participation dud' conseil; et pour les archeveschés, eveschés «et abbayes étant en notre nomination, comme nous avons eu jusques à présent « un soin particulier qu'ils soient conférés à des personnes de mérite et de piété « singulière et qui ayent esté pendant trois ans en l'ordre de prestrise, nous croyons, après avoir reçeu tant de grâces de la bonté divine, estre obligés de faire en sorte le même ordre soit observé pour cet effect; nous désirons que lad. dame Régente mère de nos enfans suive au choix qu'elle fera pour remplir les dignités ecclésiastiques l'exemple que nous lui en avons donné, et qu'elle les confère avec « l'advis de notre cousin le cardinal de Mazarin auquel nous avons fait cognoître l'affection que nous avons que Dieu soit honnoré en ce choix, et comme il est obligé par la grande dignité qu'il a dans l'Église d'en procurer l'honneur, qui ne « sçauroit estre plus élevé qu'en y mettant des personnes de piété exemplaire, nous « nous asseurons qu'il donnera de tres fidèles conseils conformes à nos intentions. « Il nous a rendu tant de preuves de sa fidélité et de son intelligence au manie«ment de nos plus grandes et plus importantes affaires, tant dedans que dehors « notre royaume, que nous avons cru ne pouvoir confier après nous l'exécution de cet ordre à personne qui s'en acquitast plus dignement que luy. Et d'autant que, pour des grandes raisons importantes au bien de notre service, nous avons été « obligés de priver le s' de Châteauneuf de la charge de garde des sceaux de France « et de le faire conduire au château d'Angoulesme où il a demeuré jusqu'à présent par nos ordres, nous voulons et entendons que le d' s' de Châteauneuf demeure au « mesme estat qu'il est de présent au d' château d'Angoulesme jusques après la paix « conclue et exécutée, à la charge néantmoins qu'il ne pourra lors etre mis en liberté que par l'ordre de la d" dame Régente avec l'advis du d' conseil qui ordonnera « d'un lieu pour sa retraite dans le royaume ou hors du royaume ainssy qu'il sera «jugé pour le mieux. Et comme notre dessein est de prévoir tous les sujets qui pourroient en quelque sorte troubler le bon etablissement que nous faisons pour conserver le repos et la tranquillité de notre Etat, la cognoissance que nous avons de la mauvaise conduite de la dame duchesse de Chevreuse, des artifices dont elle « s'est servie jusques icy pour mettre la division dans notre royaume, les factions

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<«< moyens dans la suite pour affermir son pouvoir et pour gouverner <«< seule. Ces raisons, appuyées de quelques apparences et de toute l'in<«<dustrie du cardinal, étaient reçues de la reine avec d'autant plus de fa<«<cilité, que celui qui les disait commençait à ne lui être pas désa«<gréable. »>

En effet, dès que Mazarin eut eu l'honneur insigne d'être désigné à la France et à l'Europe par le testament du roi comme principal ministre et comme le membre le plus important du conseil de régence après le prince de Condé, il ne songea plus qu'à se faire agréer en cette qualité par la reine Anne, et c'est à quoi il employa tout le mois de la longue agonie de Louis XIII, depuis le 21 avril, où parut la déclaration royale, jusqu'au 14 mai, où Louis XIII acheva de mourir.Tous les mémoires contemporains nous racontent les intrigues de toute sorte qui remplissent cette espèce d'interrègne près de finir chaque jour, et, chaque

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<< et les intelligences qu'elle entretient au dehors avec nos ennemis, nous font juger « à propos de luy défendre comme nous luy défendons l'entrée de notre Royaume pendant la guerre; voulons même qu'après la paix conclue et exécutée, elle ne «puisse retourner dans notre Royaume que par les ordres de la d. dame Reyne régente avec l'advis du d. conseil, à la charge néantmoins qu'elle ne pourra faire sa « demeure ni etre en aucun lieu proche de la cour et de la d. dame Reyne. Et quant « aux autres de nos sujets de quelque qualité et condition qu'ils soient que nous avons obligé de sortir du royaume par condamnation ou autrement, nous voulons que la d. dame Reyne régente ne prenne aucune résolution pour leur retour que par « l'advis du d. conseil. Voulons et ordonnons que notre très chère et très amée épouse et compagne la Reyne mère de nos enfants, et notre très cher et amé frère « le duc d'Orléans fassent le serment en notre présence et des princes de notre sang, et aux princes, ducs, pairs, maréchaux de France et officiers de notre couronne, « de garder et observer le contenu en notre présente déclaration sans y contrevenir en quelque façon et manière que ce soit. Si donnons en mandement a nos amés « et féaux les gens tenant notre cour de parlement de Paris, que ces présentes ils ayent à faire lire, publier et registrer pour etre inviolablement gardées et observées « sans qu'il y puisse être contrevenu en quelque sorte et manière que ce soit; car tel est notre plaisir. Et affin que ce soit chose ferme et stable toujours, nous avons signé ces présentes de notre propre main et fait ensuite signer par notre chère et « très amée épouse et compagne, et par notre très cher et amé frère le duc d'Orléans, « et des trois secrétaires d'Etat et de nos commandements étant de présent près de nous et fait mettre notre scel. Donné à St Germain en Laye au mois d'avril l'an « de grâce mil six cent quarante trois, et de notre règne le trente troisième. « Ce que dessus est ma très expresse et dernière volonté que veux être exécutée. Signé Louis, Anne, Gaston, et plus bas Philipeaux, Bouthillier et de Guenegaud. « A côté visa et scellées du grand sceau de cire verte, sur lacqs de soye rouge et verte, et encore est écrit: Leües, publiées, registrées, ouy et requerant et consentant le procureur général du Roy pour etre exécuté selon leur forme et teneur, à Paris en parlement le vingtunième avril mil six cent quarante trois. Signé Du Tillet. »

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jour, se prolongeant contre toute vraisemblance. Dans ces intrigues Mazarin ne s'épargna pas. N'ayant jamais été pour rien dans les déplaisirs qu'avait essuyés la reine, elle n'avait aucune raison d'être contre lui, sinon qu'il avait été un des amis les plus particuliers de Richelieu. Mais il n'avait aucune des manières de l'impérieux cardinal: il avait pris part au rappel de bien des exilés, et défendu la régence de la reine contre les ombrages du roi. Sa capacité était éprouvée, et Anne, naturellement paresseuse, sentait qu'elle avait besoin de quelqu'un qui lui laissât l'honneur de l'autorité suprême, mais qui portât tout le poids des affaires. En regardant parmi ses amis, elle n'en voyait aucun dont le talent fût assez certain pour emporter sa confiance. Si madame de Chevreuse eût été auprès de la reine, il est vraisemblable qu'elle aurait tout d'abord opposé à Mazarin un rival redoutable dans l'ancien garde des sceaux, l'Aubespine de Châteauneuf, que Richelieu avait fort employé avant de s'en défaire lorsqu'il lui devint suspect, et, qui avait laissé, et gardé jusque dans son exil, une assez grande renommée. Madame de Chevreuse n'eût pas manqué de le produire, et, avec son audace et sa persévérance, on ne sait ce qui serait arrivé. Mais madame de Chevreuse était hors France. La belle et noble Marie de Hautefort, qui avait donné à la reine tant de preuves d'une tendresse dévouée, et qui avait la hardiesse de madame de Chevreuse, avec des intentions tout autrement pures et désintéressées, n'avait pas encore reparu à la cour. La reine, en faisant cas de l'esprit et des manières de La Rochefoucauld, ne pouvait songer à un aussi jeune ministre. Les deux hommes qui étaient le plus près d'elle, Beaufort, le plus jeune fils du duc de Vendôme, et son grand aumônier, Potier, évêque de Beauvais, lui paraissaient des serviteurs dévoués, pour lesquels elle se proposait de faire beaucoup, mais sans oser leur remettre le gouvernement, auquel ils étaient encore bien étrangers. Attendre un peu lui semblait donc le parti le plus sage. C'était aussi l'avis de plusieurs de ses confidents intimes: le marquis depuis duc de Liancourt, l'oncle de La Rochefoucauld; le marquis de Mortemart, qui devint duc aussi, le père de Vivonne et de madame de Montespan; Beringhen, alors son premier valet de chambre; milord Montaigu, depuis longtemps établi en France, et qui eut toujours toute la confiance d'Anne d'Autriche. D'un autre côté, la princesse de Condé, son amie particulière, était vivement prononcée contre Châteauneuf, qui avait été un des instruments de Richelieu dans le procès de son malheureux frère, Henri de Montmorency, et la maison de Condé s'opposait à la trop grande élévation de la maison de Vendôme dans la personne du duc de Beaufort. Mazarin était soutenu auprès

de Monsieur par l'abbé de la Rivière, auquel il promettait tout, des abbayes, un évêché, et même le chapeau de cardinal. Il eut dès lors avec la reine plus d'une entrevue secrète. Il s'y montra empressé à la servir, ne répugnant point à lui sacrifier les anciens ministres de Richelieu qui lui déplaisaient le plus, et à s'entendre avec ceux de ses amis envers lesquels elle se croyait des obligations indispensables. Il eut l'art de se mettre assez bien avec l'évêque de Beauvais qui gouvernait la conscience de la reine. En même temps il affecta un grand désintéressement, et fit mine d'être tout prêt à s'en aller à Rome, où il promettait de servir encore les intérêts de la France. Anne avait été tenue trop éloignée des affaires pour les entendre et savoir quelle direction elle devait suivre; mais elle était naturellement sensée, et sa raison goûtait celle de Mazarin. Elle était vaine aussi : après avoir été longtemps opprimée, l'autorité royale lui souriait, et son âme espagnole avait besoin de respects et d'hommages. Mazarin les lui prodigua. Il se mit tout à fait à ses pieds pour parvenir jusqu'à son cœur. Sa qualité d'étranger, que plus tard on tourna tant contre lui, ne faisait rien à la reine qui elle-même était étrangère. La langue espagnole, que Ma- ́ zarin parlait et écrivait aussi bien que l'italien, était même entre eux un lien particulier. Ajoutez que, nourrie dans les maximes de la galanterie de son pays, Anne avait toujours aimé à plaire, qu'elle avait quarante et un an, qu'elle était belle encore, et que le ministre que lui désignait la dernière volonté de son mari avait le même âge qu'elle, qu'il était fort bien fait de sa personne et de la figure la plus agréable, où la finesse s'unissait à une certaine grandeur1. Mazarin plut donc à la reine, et elle résolut de le garder au moins quelque temps.

Il était impossible de conserver la disposition du testament de Louis XIII qui établissait Mazarin premier ministre et chef du conseil sous M. le Prince, puisqu'il s'agissait de faire casser par le parlement de Paris toute cette partie du testament, comme limitative de l'autorité de la régente. Il fut donc convenu que Mazarin renoncerait à l'espèce de droit que donnait la déclaration royale, mais qu'en même temps la régente,

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lui

Nous avons un portrait de Mazarin, gravé par Michel Lasne, en 1643. Le cardinal est représenté dans une bordure, tenant un livre et entre deux Termes : grands traits, vaste front, bouche pleine de finesse et de résolution. Voyez les mille portraits de la reine Anne, peints et gravés; entre autres, la belle gravure qui la représente entre ses deux enfants, déjà en veuve, et la bataille de Rocroy dans le lointain. Voyez enfin le Portrait de la reine Anne d'Autriche, par Madame de Motteville.

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