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bles à l'exercice de l'une ou de l'autre de ces trois puissances constitutives et distinctes, et c'est ce que nous devons faire présentement.

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Quelle est la forme du Gou. vernement la

l'exercice de la

lative.

Dans l'intérêt du Gouvernement même toutes les résolutions émanant de la puissance plus propre à législative, doivent être conformes, autant puissance légisqu'il se peut, à l'intérêt général; et l'intérêt général d'une société, en beaucoup de circonstances, par exemple en matière de contributions, de taxes, d'impôts, se forme de l'intérêt particulier du plus grand nombre des citoyens dont l'union constitue cette société (a).

Donc on entrevoit déja que, de tous les Gouvernemens simples, le Gouvernement aristocratique ou polygarchique, et sur-tout le dé

(a) Si la société est partagée en plusieurs classes, telles que celle des propriétaires et agriculteurs, celle des citoyens vivans de leur industrie, des manufacturiers, négocians et autres, l'intérêt général de la société pourra être apprécié d'après la manifestation et la connaissance des intérêts particuliers de chacune de ces différentes

classes.

On trouvera le développement de cette vérité ci-après, liv. 11, chap. 11, tit. 1.

me IV.

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mocratique, sont de leur nature les plus favorables, sous ce rapport essentiel, à l'exercice de la puissance législative, comme étant les deux Gouvernemens auxquels participent un plus grand nombre des membres de la société (a). « Plus le magistrat est nombreux, dit Rousseau, plus la volonté de corps se rapproche de la volonté générale » (b). qui est l'intérêt de la majorité des individus étant rassemblé dans un vou commun, dit Arrington, forme l'intérêt public... Et, dans le même sens, il a pu dire encore avec raison « si un homme ne sait pas quel est son propre intérêt, qui est-ce qui pourra le savoir » (c).

«Се

Ce n'est pas que nous ne soyons très-éloignés de penser que, chez un peuple nombreux, ce peuple entier, parvint-il à se réunir, pût aisément prendre une délibération conforme à l'intérêt général.

Ce n'est pas que nous ne soyons sur-tout

(a) Voy. ci-dessus, vol. iv, pag. 116 et suiv. (b) Contrat social, liv. 11, chap. 11.

(c) Politicaster, scène 11.

fort éloignés d'avoir, comme le premier des auteurs que nous venons de citer, une sorte d'enthousiasme et d'admiration pour ces assemblées nombreuses où, du temps des Gracques, le peuple romain se réunissait en foule, et donnait son suffrage par acclamation de dessus les toits (a).

Rien ne nous offre au contraire une idée plus affligeante de l'irréflexion, de la démence, du délire où les hommes peuvent être entrainés, que le spectacle de ces bruyantes et tumultueuses assemblées populaires.

Nous prouverons même par la suite qu'en général les assemblées nombreuses sont presque toujours celles que la prudence et la sagesse abandonnent le plus facilement, et où le résultat des délibérations se trouve le plus souvent en opposition avec celui que prescrivaient la justice, la raison, le bon sens, et conséquemment aussi l'intérêt général. Mais pourquoi cela.....?

C'est principalement parce que l'intérêt personnel véritable de chacun de ceux qui font

(a) Contrat social, liv. 11, chap. xv.

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partie de ces assemblées nombreuses, ne peut parvenir à s'y faire connaître; c'est parce que, dans ces assemblées nombreuses pleines de trouble, d'agitation, de désordre, il existe presque toujours quelques chefs de parti audacieux et turbulens, quelques démagogues fourbes et hypocrites, qui mettent obstacle, soit en employant la crainte, soit en faisant agir la ruse, l'astuce, l'intrigue, la suggestion, à l'expression libre, indépendante, éclairée, réfléchie, de toutes les volontés individuelles, et qui réussissent trop aisément à égarer une grande partie de la multitude.

Toutefois, ce n'est pas de la chose même, ce n'est pas réellement de la nature de l'institution, c'est uniquement de ses abus, au contraire, que proviennent tous les inconvéniens que l'on pourrait signaler ici; et, si, comme nous le verrons, il est des moyens faciles de parer aux inconvéniens sans renoncer aux avantages, il sera toujours vrai, en principe, que lorsque chacun pourrait librement faire connaître son opinion, manifester sa volonté, sa pensée, et déclarer ce qu'il considère comme utile à ses intérêts particuliers, il serait plus

facile, au moins sur beaucoup de points capitaux, dans un grand nombre de circonstances importantes, d'apprécier l'intérêt général, que là où chacun se trouve réduit à dissimuler ou à garder le silence sur ce qu'il sait; ou encore mieux, lorsque les résolutions se prennent et s'exécutent sans que les parties, souvent les plus intéressées, en soient jamais instruites que par de funestes suites et de désastreux résultats.

Ainsi, par exemple, et pour suivre la supposition dans laquelle nous avons dû naturellement raisonner d'abord, dans une société naissante, peu nombreuse, et occupant un territoire de peu d'étendue, l'intérêt général en beaucoup de points importans ne sera véritablement bien connu que parce que chacun y pourra dire librement ce qui convient davantage à son intérêt personnel.

Mais, si cette société est devenue un peuple nombreux, si son territoire s'est étendu, de sorte que tous ses membres ne puissent plus utilement se réunir et délibérer en commun, nous avons déja vu dans le paragraphe qui

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