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dans cette armée un très grand nombre de chrétiens attachés à son père. Jesu-Christ, soit par reconnaissance, soit par politique, lui apparut, et lui montra en plein midi un nouveau labarum, placé dans l'air immédiatement au-dessus du soleil. Ce labarum était orné de son chiffre; car on sait que Jesu-Christ avait un chiffre Cet étendard fut vu d'une grande partie des soldats gaulois, et ils en lurent distinctement l'inscription qui était en grec. Nous ne devons pas douter qu'il n'y eût aussi. plusieurs de nos compatriotes dans cette armée, qui lurent cette légende, vaincs en ceci; car nous nous piquons d'entendre le grec beaucoup mieux que nos voisins.

On ne nous a pas appris positivement en quel lieu et en quelle année ce merveilleux étendard parut au-dessus. du soleil. Les uns disent que c'était à Besançon, les autres vers Trèves, d'autres près de Cologne, d'autres dans ces trois villes à la fois en l'honneur de la sainte Trinité.

Eusèbe l'arien, dans son Histoire de l'Église, dit qu'il tenait le conte du labarum de la bouche même de Constantin, et que ce véridique empereur avait assuré que jamais les soldats qui portaient cette enseigue n'étaient blessés. Nous croyons aisément que Constantin se fit un plaisir de tromper un prêtre; ce n'était qu'un rendu. Scipion-l'Africain persuada bien à son armée qu'il avait un commerce intime avec les dieux, et il ne fut ni le premier ni le dernier qui abusa de la crédulité du vulgaire. Constantin était vainqueur, il lui était permis de tout dire. Si Maxence avait vaincu, Maxence aurait reçu, sans doute, un étendard de la main de Jupiter

CHAPITRE XVIII.

Du concile de Nicée.

CONSTANTIN, vainqueur et assassin de tous côtés, proté

geait hautement les chrétiens qui l'avaient très bien servi.
Cette faveur était juste, s'il était reconnaissant; et pru-
dente, s'il était politique. Dès que les chrétiens furent les
maîtres, ils oublièrent le précepte de Jesu et de tant de
philosophes, de pardonner à leurs ennemis. Ils poursui-
virent tous les restes de la maison de Dioclétien et de
ses domestiques. Tous ceux qu'ils rencontrèrent furent
massacrés. Le corps sanglant de Valérie, fille de Dioclé-
tien, et celui de sa mère, furent traînés dans les rues de
Thessalonique, et jetés dans la mer. Constantin triom-
phait, et fesait triompher la religion chrétienne sans la
professer. Il prenait toujours le titre de grand-pontife des
Romains, et gouvernait réellement l'Église. Ce mélange
est singulier; mais il est évidemment d'un homine qui
voulait être le maître partout.

Cette Église à peine établie était déchirée par les dis
putes de ses prêtres, devenus presque tous sophistes,
depuis que le platonisme avait renforcé le christianisme,
et que Platon était devenu le premier père de l'Église.
La principale querelle était entre le prêtre Arious, prê-
tre des chrétiens d'Alexandrie ( car chaque Église n'avait
qu'un prêtre), et Alexander, évêque de la même ville.
Le sujet était digne des argumentants. Il s'agissait de
savoir bien clairement si Jesu devenu verbe était de la
même substance que Dieu le père, ou d'une substance
toute semblable. Cette question ressemblait assez à cette
autre de l'école, utrùm chimera bombinans in vacuo
possit comedere secundas intentiones. L'empereur sentit
parfaitement tout le ridicule de la dispute qui divisait

les chrétiens d'Alexandrie, et de toutes les autres villes. Il écrivit aux disputeurs : « Vous êtes peu sages de vous » quereller pour des choses incompréhensibles. Il est in» digne de la gravité de vos ministères de vous querellerun sujet si mince. »>›

pour

Il paraît par cette expression, sujet si mince, quel'assassin de toute sa famille, uniquement occupé deson pouvoir, s'embarrassait très peu dans le fond si leverbe était consubstantiel ou non; et qu'il fesait peu de cas des prêtres et des évêques, qui mettaient tout en feu pour une syllabe à laquelle il était impossible d'attacher une idée intelligible. Mais sa vanité, qui égala toujours. sa cruauté et sa mollesse, fut flattée de présider au grand concile de Nicée. Il se déclara tantôt pour Athanase, successeur d'Alexander dans l'église d'Alexandrie, tantôt pour Arious; il les exila l'un après l'autre; il envenima lui-même la querelle qu'il voulait apaiser, et qui n'est pas encore terminée parmi nous, du moins dans le clergé anglican; car pour nos deux chambres du parlement, et nos campagnards qui chassent au renard, ils ne s'inquiètent guère de la consubstantialité du verbe.

Il y a deux miracles très remarquables, opérés au concile de Nicée par les Pères orthodoxes; car les Pères hérétiques ne font jamais de miracles. Le premier, rapporté dans l'appendix du concile, est la manière dont on s'y prit pour distinguer les Évangiles et les autres livres recevables, des Évangiles et des autres livres apo cryphes. On les mit tous, comme on sait, pêle-mêle sup un autel; on invoqua le Saint-Esprit. Les apocryphes tombèrent par terre, et les véritables demeurèrent en place. Ce service, que rendit le Saint-Esprit, méritait bien que le concile eût fait de lui une mention plus ho norable. Mais cette assemblée irrefragable, après avoir déclaré sèchement que le fils était consubstantial au père... se contenta de dire encore plus sèchement : « Nous

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» croyons aussi au Saint-Esprit », sans examiner s'il était consubstantiel ou non.

L'autre miracle, accrédité de siècle en siècle par les auteurs les plus approuvés, jusqu'à Baronius, est bien plus merveilleux et plus terrible. Deux Pères de l'Église, l'un nommé Chrysante et l'autre Musonius, étaient morts avant la dernière séance où tous les évêques signèrent. Le concile se mit en prière. Chrysante et Musonius ressuscitèrent; ils revinrent tous deux signer la condamnation d'Arious; après quoi ils n'eurent rien de plus pressé que de mourir, n'étant plus nécessaires au monde.

Pendant que le christianisme s'affermissait ainsi dans la Bithynie par des miracles aussi évidents que ceux qui le firent naître, sainte Hélène, mère de saint Constantin, en fesait de son côté qui n'étaient pas à mépriser. Elle alla à Jérusalem, où elle trouva d'abord le tombeau du Christ, qui s'était conservé pendant trois cents ans, quoiqu'il ne fût pas trop ordinaire d'ériger des mausolées à ceux qu'on avait crucifiés. Elle retrouva sa croix, et les deux autres où l'on avait pendu le bon et le mauvais larron. Il était difficile de reconnaître laquelle des trois croix avait appartenu à Jesu. Que fit sainte Hélène? elle fit porter les trois croix chez une vieille femme du voisinage, malade à la mort. On la coucha d'abord sur la croix du mauvais larron; son mal augmenta. On essaya la croix du bon larron; elle se trouva un peu soulagée. Enfin, on l'étendit sur la croix de Jesu-Christ, et elle fut parfaitement guérie en un clin-d'œil. Cette histoire se trouve dans saint Cyrille, évêque de Jérusalem, et dans Théodoret. Par conséquent, on ne peut en douter, puisqu'on garde dans les trésors des églises assez de morceaux de cette vraie croix pour construire deux ou trois vaisseaux de cent pièces de canon.

Si vous voulez avoir un beau recueil des miracles opérés en ce siècle, n'oubliez pas d'y ajouter celui de saint Alexander, évêque d'Alexandrie, et de saint Ma

caire, son prêtre. Ce miracle n'est pas fait par la charité, mais il l'est par la foi. Constantin avait ordonné qu'Arious serait reçu à la communion dans l'église de Constantinople, quoiqu'il tint ferme à soutenir que Jesu-Christ est Omoiousios. Saint Alexander, saint Macaire, sachant qu'Arious était déjà dans la rue, prièrent Jesu avec tant de ferveur et de larmes de le faire mourir, de peur qu'il n'entrât dans l'église, que Jesu, qui est Omousios et non pas Omoiousios, envoya sur-le-champ au prêtre Arious une envie démesurée d'aller à la selle. Toutes ses entrailles lui sortirent par le derrière, et il ne communia pas. Cette émigration des entrailles est physiquement impossible; et c'est ce qui rend le miracle plus beau et plus avéré.

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CHAPITRE IX.

De la donation de Constantin, et du pape de Rome Silvestre.
Court examen si Pierre a été pape à Rome.

ON

Na cru pendant douze cents ans que Constantin avait fait présent de l'empire d'occident à l'évêque de Rome Silvestre. Ce n'était pas absolument un article de foi; mais il en approchait tant, qu'on fesait brûler quelquefois les gens qui en doutaient. Cette donation n'était en effet qu'une restitution de la moitié de ce qu'on devait à Silvestre; car il représentait Simon Barjone, surnommé Pierre, qui avait tenu vingt cinq ans le pontificat romain sous Néron, qui n'en régna que treize; et Simon Barjone avait représenté Jesu, à qui tous les royaumes appar

tiennent.

Il faut d'abord prouver en peu de mots que Simon Barjone tint le siége à Rome.

En premier lieu, le livre des actions des apôtres nedit en aucun endroit que ce Barjone Pierre ait été à Rome;

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