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M. Joffroy, d'Anvers, en prétendant que les modifications proposées par la chambre de commerce de cette ville mèneraient à l'anéantissement de la propriété. Il trouve la propriété foncière assez grevée, et ne veut enfin ni de l'impôt foncier unique, ni de l'impôt progressif. Il est donc bien réellement indifférent.

M. Macfie, d'Angleterre, fait part à l'assemblée de la conviction acquise par la chambre de commerce de Liverpool, que tous les droits sur les importations doivent cesser d'être prohibitifs ou protecteurs; sa conviction toutefois ne s'est pas encore formée sur la question de savoir dans quelle proportion il faut établir les impôts directs ou indirects. Ce qui a surtout attiré l'attention de la chambre de commerce de Liverpool, c'est la nécessité de maintenir la plus grande liberté au commerce et à l'industrie; elle trouve dans le monopole un obstacle qu'elle se propose de renverser.

Mile Royer, reprenant la parole, propose de diminuer chaque année l'impôt douanier et d'augmenter d'une somme égale l'impôt sur le revenu. L'impôt direct soulève des répugnances, dit-elle : il faut les vaincre en préparant la conscience publique à ne pas s'opposer systématiquement à la levée de l'impôt. Avant de réaliser des économies, il faudrait qu'une part du budget de la guerre fût employée à répandre l'instruction et à propager les principes de l'économie, science qui, malheureusement, ne rayonne pas assez.

L'impôt progressif n'est point juste, il devrait être repoussé. Mais, dit Mile Royer, il est peut-être des concessions à faire à notre époque, à cette époque de transition qui a tant d'iniquités à réparer. Depuis 6000 ans, depuis que l'humanité se connaît, depuis qu'elle a des institutions sociales, toutes ces institutions ont été au profit de certaines classes privilégiées, au profit de certaines races. Les lois ont donc créé, conservé, multiplié, en raison constamment progressive, des inégalités, des iniquités qui n'existeraient pas par le seul jeu des libertés naturelles. Des applaudissements prolongés ont couvert ces éloquentes paroles. Il était beau de voir une femme jeune, animée du feu de la science et de l'amour du vrai, assister à ces grands débats pour y ajouter la conviction entraînante d'une âme dévouée au progrès. Cela fait honneur à un sexe si riche

d'intelligence et d'enthousiasme, et qui malheureusement se tient trop éloigné des discussions dans lesquelles s'agitent des questions qui intéressent l'humanité tout entière.

Avant de clore ces importants débats, lesquels ont rempli trois séances, l'assemblée a entendu la communication d'une proposition de M. G. Clermont, de Verviers, sur l'abolition des douanes, conformément aux opinions développées par M. Ch. de Hardy de Beaulieu, puis quelques objections de M. Deheselle aux adversaires qu'il a rencontrés, et enfin la lecture d'un discours de M. de la Rousselière sur un projet d'impôt spécial à établir en faveur des ouvriers âgés et infirmes. Ces questions, seront mises à l'étude pour être discutées l'année prochaine. Il en est de même d'un projet présenté par M. Decocq sur la nécessité de créer un fonds provincial d'agriculture dans tous les pays.

La séance du 24 avait attiré un public nombreux : il s'agissait de la question de la réduction des dépenses militaires, comme moyen de réforme des impôts. Nous ne pouvons mieux résumer cette intéressante discussion qu'en citant un extrait du rapport de M. G. Jottrand sur cet objet.

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<< Ainsi, dit M. Jottrand, le seul obstacle sérieux à l'admission de l'impôt direct et unique se trouvait consister, en fin de compte, dans ce taux énorme auquel devrait forcément l'élever le maintien des budgets actuels. Ramenée ainsi de tous côtés constamment à la même idée, notre section n'a pas hésité à en aborder l'examen.....

» Trop de gouvernement, trop d'administration, trop de centralisation, mais surtout, et planant bien haut au-dessus de tout le reste, trop de soldats, de canons, de vaisseaux, telles sont les vues que d'une voix unanime, j'oserai le dire, notre section a condamnés dans le système de ceux qui, en Europe, ont charge de nations.

» De France, d'Angleterre, d'Espagne, un même cri s'est élevé. MM. Garnier-Pagès, Clamageran, John Bowring, Marcoartu, reniant pour l'avenir la gloire guerrière de leurs ancêtres, ont maudit, au nom de leurs pays respectifs, cette folle émulation d'armements militaires qui, commencée entre les deux grandes nations que sépare la Manche, s'étend fatalement à tous les pays d'Europe, créant partout entre les gouverne

ments et les peuples, le malaise, le trouble et la désaffection. » Honneur, s'est-on écrié, pour la France et pour l'Angleterre, au souverain ou au ministre d'une de ces deux grandes puissances, qui le premier prêtera l'oreille à cet esprit nouveau! quel que soit son passé, tout sera oublié, car en rendant la paix aux nations, il leur rendra la force, la liberté et rouvrira les ailes à cet essor sublime de la civilisation du XIXe siècle qu'en gémissant nous voyons s'arrêter. Et, au nom des nations faibles, je demande aussi le désarmement, s'est écrié un officier belge, M. le major Vandevelde; c'est pour elles surtout que je défends la permanence des armées; c'est leur meilleure sauvegarde; mais je déplore l'extension ruineuse qu'elles doivent leur donner pour prouver à ceux qui menacent qu'elles sont déterminées à se défendre.

» Je ne vous dirai point les magnifiques paroles dont ce sujet a fait retentir notre salle de délibérations; elles perdraient trop à passer par ma bouche. Ce débat, d'ailleurs, n'était pas de ceux qui se résument; que ceux à qui a fait défaut la chance de l'entendre, cherchent à en obtenir une lecture complète; ils y puiseront consolation et confiance en l'avenir, malgré même le triste spectacle des violences, des convoitises et des oppressions ouvertes ou hypocrites que nous offre en ce moment le monde des deux côtés de l'Atlantique; ils y verront le germe fécond de l'estime et du respect des nations entre elles, destiné à grandir et à étouffer sous ses larges rameaux, ces amours-propres, ces vanités, ces ambitions, puérils, mesquins ou criminels auxquels sont dus tous les maux de l'humanité. »

L'auteur du présent article, ayant eu l'honneur d'être nommé rapporteur des débats de la dernière séance, prend la libertė d'ajouter ici un extrait de son travail.

L'ordre du jour de cette séance était très-chargé.

Nous avons discuté l'importante question de l'uniformité à établir dans les lois relatives au commerce, à la navigation, aux assurances et au règlement des avaries. Le remarquable projet de code international pour le règlement des avaries présenté par MM. Théodore Bugels et Van Peborgh, d'Anvers, a été soutenu par les représentants des principales sociétés d'assurances d'Angleterre et des États-Unis. Il fera l'objet d'un examen sérieux de la part de la 5o section et nous prierons la

section de législation de bien vouloir participer à nos travaux. Un autre projet a été présenté par M. Caumont, avocat au Havre. « Le droit maritime, voilà l'immense tâche que le XIXe siècle a léguée au génie perpétuellement civilisateur du commerce de mer. Malgré les services sérieux rendus à toutes les nations du globe par le développement du droit maritime, avouons, messieurs, que cette matière est malheureusement au-dessous des besoins du monde commercial, et qu'il ne faut point être sourd au vœu formé par des hommes compétents et dévoués qui veulent élever le droit maritime au niveau des besoins universellement manifestés et reconnus. » MM. Nahuys, Geelhand, Rathbone, Macfie, Bradford, Wenmackers, d'Engelbrouner, Mayer-Hartogs et Baruchson ont pris successivement la parole sur cette question, qui sera mise, nous l'espérons, au programme de notre prochaine session.

M. Macfie nous a présenté un projet très-intéressant d'une union de tous les États pour les brevets, qu'il intitule le Patent union. Son projet très-important sera soumis à l'examen d'un des hommes les plus compétents en cette matière, M. l'avocat Tillière, qui a bien voulu se charger d'en faire un rapport.

La seconde question concernait les transports. J'ai eu l'honneur de communiquer à l'assemblée que je croyais savoir que le gouvernement belge s'occupait actuellement de cette question vitale pour l'accroissement de nos forces industrielles et commerciales. M. Mayer-Hartogs a demandé à l'assemblée que cette question fût mise à l'ordre du jour de la prochaine réunion du Congrès, afin de pouvoir être discutée sérieusement.

La troisième question avait trait au crédit foncier et agricole; nous avons entendu MM. Haeck, Nakawaski de Gheleke et le comte Arrivabene. L'attention de l'assemblée s'est portée sur quelques développements d'un projet d'organisation du crédit présenté par M. Haeck, qui démontre l'importance de cette création à plusieurs points de vue, à cause de sa nécessité et de son urgence, pour les résultats économiques qu'elle doit amener et les facilités qu'elle doit procurer pour la solution d'autres questions d'ordre intellectuel et moral. M. Haeck ajoute que cette organisation doit exercer une salutaire influence sur les principes fondamentaux du gouvernement du

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pays par le pays; il donne des raisons sérieuses de cette triple importance.

Au point de vue moral, l'organisation du crédit doit encore produire une influence immense, car on sait que dans les années de disette la mortalité et la criminalité sont excessives; améliorer la production n'est-ce point exercer une grande influence sur la moralité des populations : « Les institutions de crédit soutenues par le pays, dit M. Haeck, frappent sur le travail les impôts qu'il leur plaît d'établir; je ne dois pas sortir de mon pays pour en trouver des preuves; la Banque Nationale ne fonctionne qu'avec l'argent du pays; eh bien, elle prélève sur la circulation des effets de commerce les sommes qu'il lui plaît de prélever; il n'y a pas de contrôle, et le jour où elle voudra frapper de paralysie telle ou telle branche de travail national, elle le pourra. »

Les considérations présentées par l'orateur ont produit de la sensation, et la demande qu'il a adressée tendant à mettre la question de l'organisation du crédit à l'ordre du jour de notre prochaine réunion, a été accueillie par des applaudissements prolongés.

L'ordre du jour appelait ensuite la discussion suivante : De la falsification des denrées alimentaires au point de vue commercial. M. Bergé, auteur de la proposition, retenu par ses fonctions de secrétaire de la 4e section, n'ayant pu venir la défendre, le président, M. de Nayer, la recommande à l'attention du Congrès.

La dernière question posée comprenait l'exposé des résultats produits par les modifications apportées dans les tarifs douaniers des différents pays. M. Dumesnil Marigny a déposé sur le bureau un travail dont le défaut de temps n'a pas permis l'examen.

Avant que l'on ne terminât la séance, M. E. de Girardin a demandé que l'assemblée déclarât que c'est un progrès social que l'adoption par toutes les nations de l'uniformité des monnaies, poids et mesures. Cette proposition, appuyée par M. Joffroy, a été acclamée par des applaudissements prolongés. ÉDOUARD SEVE.

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