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avantages qu'il peut ou prendre ou donner; il a pénétré les projets des ennemis par leur arrangement; choifi tous fes poftes, combiné les rapports de toutes les pofitions, fixé tout pour l'attaque, tout prévu pour la défense; il a distribué à ceux qui le fecondent, les détails de l'exécution, & s'eft réfervé la partie la plus difficile, celle d'attendre les hafards & de les fixer.

Tout s'ébranle. Ces grands corps se heurtent. MAURICE tranquille au milieu de l'agitation, obferve tous les mouvemens, diftribue des fecours, donne des ordres, répare les malheurs. Sa tête eft auffi libre que dans le calme de la fanté. Il brave doublement la mort : il fait porter dans tous les lieux où l'on combat, ce corps foible qui semble renaître & fe multiplier par l'activité de fon ame. C'est de ce corps mourant que partent ces regards perçans & rapides qui règlent,

changent, ou fufpendent les événemens, & font les deftins de cent mille hommes. La fortune combat pour nos ennemis. Un hafard utile (20) a formé cette colonne, dont les effets ont été regardés comme le chef-d'œuvre d'un art terrible & profond. Toujours ferme, toujours inébranlable elle s'avance à pas lents, elle vomit des feux continuels, elle porte partout la deftru&tion. Trois fois nos Guerriers attaquent ce rempart d'airain, trois fois ils font forcés de reculer. L'ennemi pouffe des cris de victoire, le deftin de l'armée chancellè, la Nation tremble pour fon Roi. MAURICE voit des reffources où l'armée entière n'en voit plus. Il ramaffe toutes les forces de fon ame. Une triple attaque eft formée fur un nouveau plan. La colonne eft rompue, la France fe raffure, & Louis eft vainqueur. O MAURICE! puifque tu n'es plus, permets au moins qu'un Citoyen

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obfcur, mais fenfible, s'adresse à ta cendre reçois pour ce bienfait les hommages de mes Concitoyens & les miens: la postérité te doit fon admiration; mais nous, nous te devons un fentiment plus tendre, nous devons chérir & adorer ta mémoire.

Les grandes batailles, femblables aux tremblemens de terre, donnent prefque toujours de violentes fecouffes aux Etats; & plus le choc a été terrible, plus l'ébranlement s'étend & fe communique au loin. Tournay, Gand, Bruges, Oudenarde, Oftende, Ath & Nieuport tombent devant les vainqueurs de Fontenoy. Bruxelles qui étoit défendue par une armée entière, par dix-fept Généraux, par les rigueurs exceffives de la faison, dans le temps qu'elle croyoit MAURICE loin d'elle, eft étonnée de fe voir prefqu'en même temps inveftie, affiégée & prife au milieu des glaces de l'hiver. A ces conquêtes en fuccèdent

d'autres non moins rapides. Malines, Anvers, Mons, Louvain, Charleroi ouvrent leurs portes; Namur eft foudroyé. La honte irrite le courage de nos ennemis. Déja ils ont oublié Fontenoy. Ils ofent tenter une feconde fois la fortune. Une nouvelle bataille eft pour MAURICE un nouveau triomphe. Raucoux fera témoin de leur défaire. Tout ce que le génie de la guerre a pu inventer de plus terrible, fe réunit ici. Je vois une armée nombreuse & intrépide, postée fur des hauteurs, retranchée de toute part, foutenue par des redoutes, défendue par cent pièces d'artillerie, dont le feu combiné annonce une deftruction prefqu'i névitable. MAURICE a tout vu & tout difpofé. Trois attaques fe forment prefque en même temps contre trois poftes. Rien n'égale l'opiniâtreté de l'attaque que celle de la défenfe. Des

*Bataille de Raucoux le 12 Octobre 1746.

deux côtés c'est la valeur qui combat; mais MAURICE guidoit la valeur des François, & ils ont vaincu. Les ennemis fuyent à pas précipités,& mettent la Meufe entr'eux & leur vainqueur.

LOUIS qui doit à MAURICE tant de fuccès, n'a point la foibleffe de ces anciens maîtres du monde, plus fameux encore par leurs vices que par leur grandeur; chez qui les vertus étoient dangereufes, & qui ne pardonnoient presque jamais la gloire d'avoir bien fervi l'Etat. * Le Général qui avoit vaincu, en arrivant dans ces Cours foibles & barbares, étoit forcé de cacher ses victoires comme des crimes; & après de froids embrasse

* Ac ne notabilis celebritate & frequentiâ occurrentium introitus effet, vitato amicorum of ficio, noctu in urbem, noctu in palatium, ita ut præceptum erat, venit; exceptufque brevi ofculo & nullo fermone, turbæ fervientium immixtus eft. TACIT. ex Vit. Agric.

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