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De là vient que les Grecs et les Romains n'ont jamais eu de comédie en prose.

MONGAUT (l'abbé). La meilleure traduction qu'on ait faite des lettres de Cicéron est de lui: elle est enrichie de notes judicieuses et utiles. Il avait été précepteur du fils du duc d'Orléans, régent du royaume, et mourut, dit-on, de chagrin de n'avoir pu faire auprès de son éleve la même fortune que l'abbé du Bois. It ignorait apparemment que c'est par le caractere et non par l'esprit que l'on fait fortune.

MONNOYE (Bernard de la), né à Dijon en 1641, excellent littérateur. Il fut le premier qui remporta le prix de poésie à l'académie française ; et même son poëme du Duel aboli, qui remporta ce prix, est, à peu de chose près, un des meilleurs ouvrages de poésie qu'on ait faits en France. Mort en 1728. Je ne sais pourquoi le docteur de Sorbonne Ladvocat, dans son dictionnaire, dit que les noëls de la Monnoye, en patois bourguignon, sont ce 'qu'il a fait de mieux: est-ce parceque la Sorbonne, qui ne sait pas le patois bourguignon, a fait un décret contre ce livre sans l'entendre?

MONTESQUIEU (Charles), président au parlément de Bordeaux, né en 1689, donna à l'âge de trentedeux ans les Lettres persanes; ouvrage de plaisanterie plein de traits qui annoncent un esprit plus solide que son livre: c'est une imitation du Siamois de Dufréni, et de l'Espion turc, mais imitation qui fait voir comment ces originaux devaient être écrits. Ces ouvrages d'ordinaire ne réussissent qu'à la faveur de l'air étranger; on met avec succès dans la bouche d'un asiatique la satire de notre pays, qui serait bien moins accueillie dans la bouche d'un compatriote: ce qui est commun par soi-même devient alors singulier. Le génic qui regne dans les

Lettres persanes ouvrit au président de Montesquieu les portes de l'académie française, quoique l'académie fût maltraitée dans son livre; mais en même temps la liberté avec laquelle il parle du gouvernement et des abus de la religion, lui attira une exclusion de la part du cardinal de Fleuri. Il prit un tour très adroit pour mettre le ministre dans ses intérêts; il fit faire en peu de jours une nouvelle édition de son livre, dans laquelle on retrancha ou on adoucit tout ce qui pouvait être condamné par un cardinal et par un ministre. M. de Montesquieu porta lui-même l'ouvrage au cardinal, qui ne lisait quere, et qui en lut une partie : cet air de confiance, soutenu par l'empressement de quelques personnes de crédit, ramena le cardinal, et Montesquieu entra dans l'académie.

Il donna ensuite le traité sur la Grandeur et la Décadence des Romains; matiere usée, qu'il rendit neuve par des réflexions très fines, et des peintures très fortes: c'est une histoire politique de l'empire romain. Enfin on vit son Esprit des lois. On a trouvé dans ce livre beaucoup plus de génie que dans Grotius et dans Puffendorf. On se fait quelque violence pour lire ces auteurs; on lit l'Esprit des lois autant pour son plaisir que pour son

instruction. Ce livre est écrit avec autant de liberté que les Lettres persanes; et cette liberté n'a pas peu servi au succès : elle lui attira des ennemis qui augmenterent sa réputation par la haine qu'ils inspiraient contre eux: ce sont ces hommes nourris dans les factions obscures des querelles ecclésiastiques, qui regardent leurs opinions comme sacrées, et ceux qui les méprisent comme sacrileges. Ils écrivirent violemment contre le président de Montesquieu; ils engagerent la Sorbonne à examiner son livre : mais le mépris dont ils furent couverts

arrêta la Sorbonne. Le principal mérite de l'Esprit des lois est l'amour des lois qui regne dans cet ouvrage, et cet amour des lois est fondé sur l'amour du genre humain. Ce qu'il y a de plus singulier, c'est que l'éloge qu'il fait du gouvernement anglais est ce qui a plu davantage en France. La vive et piquante ironie qu'on y trouve contre l'inquisition a charmé tout le monde, hors les inquisiteurs ; ses réflexions, presque toujours profondes, sont appuyées d'exemples tirés de l'histoire de toutes les nations. Il est vrai qu'on lui a reproché de prendre trop souvent des exemples dans de petites nations sauvages, et presque inconnues, sur les relations trop suspectes des voyageurs. Il ne cite pas toujours avec beaucoup d'exactitude; il fait dire, par exemple à l'auteur du Testament politique attribué au cardinal de Richelieu, que « s'il se trouve dans le peu«ple quelque malheureux honnête homme, il ne « faut pas s'en servir». Le Testament politique dit seulement à l'endroit cité qu'il vaut mieux se servir des hommes riches et bien élevés, parcequ'ils sout moins corruptibles. Montesquieu s'est trompé dans d'autres citations, jusqu'à dire que François I (qui n'était pas né lorsque Christophe Colomb découvrit l'Amérique) avait refusé les offres de Christophe Colomb. Le défaut continuel de méthode dans cet ouvrage, la singuliere affectation de ne mettre souvent que trois ou quatre lignes dans un chapitre, et encore de ne faire de ces quatre lignes qu'une plaisanterie, ont indisposé beaucoup de lecteurs ; on s'est plaint de trouver trop souvent des saillies à l'on attendait des raisonnements; on a reproché a l'auteur d'avoir trop donné d'idées douteuses pour des idées certaines : mais s'il n'instruit pas toujours son lecteur, il le fait toujours penser; et c'est là un très grand mérite. Ses expressions vives et inge

nieuses, dans lesquelles on trouve l'imagination de Montaigne, son compatriote, ont contribué surtout à la grande réputation de l'Esprit des lois : les mêmes choses dites par un homme savant, et même plus savant que lui, n'auraient pas été lues; enfin il n'y a guere d'ouvrages où il y ait plus d'esprit, plus d'idées profondes, plus de choses hardies, et où l'on trouve plus à s'instruire, soit en approuvant ses opinions, soit en les combattant. On doit le mettre au rang des livres originaux qui ont illustré le siecle de Louis XIV, et qui n'ont aucun modele dans l'antiquité.

Il est mort en 1755, en philosophe, comme il avait vécu.

MONTFAUCON (Bernard de ), né en 1655, bénédictin, l'un des plus savants antiquaires de l'Europe. Mort en 1741.

MONTPENSIER (Anne-Marie-Louise d'Orléans), connue sous le nom de Mademoiselle, fille de Gaston d'Orléans, née à Paris en 1627. Ses mémoires sont plus d'une femme occupée d'elle que d'une princesse témoin de grands évènements; mais il s'y trouve des choses très curieuses: on a aussi quelques petits romans d'elle qu'on ne lit guere. Les princes dans leurs écrits sont au rang des autres hommes. Si Alexandre et Sémiramis avaient fait des ouvrages ennuyeux, ils seraient négligés. On trouve plus aisément des courtisans que des lecteurs. Marte en 1693.

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MONTREUIL (Matthieu de), né à Paris cn 1621; l'un de ces écrivains agréables et faciles dont le siecle de Louis XIV a produit un grand nombre, et qui n'ont pas laissé de réussir dans le genre médiocre. Il y a peu de vrais génies, mais l'esprit du temps et l'imitation ont fait beaucoup d'auteurs agréables. Mort à Aix en 1692.

S. DE LOUIS XV. 5.

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MORERI (Louis), né en Provence en 1643. On ne s'attendait pas que l'auteur du Pays d'amour, et le traducteur de Rodriguez, entreprît dans sa jeunesse le premier dictionnaire de faits qu'on eût encore vu. Ce grand travail lui coûta la vie. L'ouvrage réformé et très augmenté porte encore son nom, et n'est plus de lui; c'est une ville nouvelle bâtie sur le plan le plus ancien : trop de généalogies suspectes ont fait tort sur-tout à cet ouvrage si utile. Mort en 1680. On a fait des suppléments remplis d'erreurs.

MORIN (Michel-Jean-Baptiste), né en Beaujolais en 1583, médecin, mathématicien, et, par les préjugés du temps, astrologue. Il tira l'horoscope de Louis XIV. Malgré cette charlatanerie il était savant. Il proposa d'employer les observations de la lune à la détermination des longitudes en mer; mais cette méthode exigeait dans les tables des mouvements de cette planete ce degré d'exactitude que les travaux réunis des premiers géometres de ce siecle ont pu à peine leur donner. Voyez l'art. CasSINI. Mort en 1659.

MORIN (Jean), né à Blois en 1591, très savant dans les langues orientales et dans la critique. Mort à l'oratoire en 1659.

MORIN (Simon), né en Normandie en 1623. On ne parle ici de lui que pour déplorer sa fatale folie et celle de Saint-Sorlin-Desmarets, son accusateur. Saint-Sorlin fut un fanatique qui en dénonça un autre. Morin, qui ne méritait que les Petites-maisons, fut brûlé vif en 1663, avant que la philosophie eût fait assez de progrès pour empêcher les savants de dogmatiser, et les juges d'être si cruels.

LA MOTTE-HOUDART (Antoine), né à Paris en 1572, célebre par sa tragédie d'Inès de Castro, l'une des plus intéressantes qui soient restées an

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