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que les comtes de Castille administraient au nom du roi d'Oviedo, c'était toute une pléiade de petits monastères qu'annexèrent ultérieurement soit la riche abbaye de San Millan de la Cogolla, soit la collégiale de Valpuesta ; et c'était aussi, à l'avant-garde des territoires chrétiens, l'illustre abbaye de San Pedro de Cardeña, alors naissante, ou renaissante 3.

D'ailleurs, ce mouvement d'expansion monastique ne se limitait pas aux régions depuis longtemps rattachées à la couronne ; il gagnait les régions récemment conquises. Dans

1. Soit San Martin de Flabio (Llorente, Noticias, III, no 8, pp. 80-82, sous la date douteuse du 4 juillet 853); San Félix de Oca (Berganza, Antigüedades de España, II, escr. V, p. 371, sous la date inexacte du 15 mars 863); Orbañanos y Obarenes (acte du 1er mai 867; Llorente, Noticias, III, no 11, pp. 102-103) ; San Vicente de Acosta (acte de 871 ; ibid., no 12, pp. 107-108); San Martin de Ferran (Berganza, op. cit., II, escr. III, p. 370, sous la date erronée du 4 juillet 772); San Esteban de Salcedo (acte du 18 avril 873? Llorente, Noticias, III, no 14, pp. 172-173); San Roman de Dondisla (acte du 4 juillet 855? Berganza, op. cit., II, escr. IV, pp. 370-371, à l'année 775). Sur

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les dates signalées comine fausses, voir ci-dessous, Appendice VII. 2. San Cosme y San Damian (acte du 22 octobre 865; Revue Hispanique, VII, 1900, pp. 299-300); San Roman de Merosa (acte du 19 novembre 894; ibid., pp. 302-304).

3. Le premier document qui mentionne l'abbaye de Cardeña est un acte du comte Gonzalvo Tellez, 24 septembre 902 (L. Serrano, Becerro gótico de Cardeña, no cv, p. 120). Mais depuis quelle époque l'abbaye existait-elle ? Ce n'est pas ici le lieu de le rechercher. Notons simplement que Cardeña avait été repeuplée en 899 (Ann. Compost.) et rappelons aussi que d'après une inscription célèbre (Hübner, Inscr. Hisp. Christ., p. 105, no 101"), deux cents moines de l'abbaye auraient subi le martyre en 834. Bien que défendue par divers érudits dont le plus récent est le P. L. Serrano, op. cit., pp. XL-XLVII, cette inscription est absolument sans valeur ; voir sur la question, outre le P. Serrano, Dozy, Recherches, 3e éd., I, pp. 152-156, Tailhan, Bibliothèques, p. 277, n. 6 et p. 346 (aux Additions), et Juan Menéndez Pidal, San Pedro de Cardeña (restos y memorias del antiguo monasterio), dans Revue Hispanique, XIX (1908), pp. 82-111 (se reporter spécialement aux PP. 94-104).

le Leon, il n'était pas favorisé seulement par la propagande de saint Froilan et de ses émules; il était favorisé aussi par l'action du roi, lequel accueillait les moines mozarabes et leur confiait divers établissements; telle fut l'origine de Sahagun, qu'Alphonse III releva de ses ruines pour y placer l'abbé Alphonse 2, et de San Miguel de Escalada, filiation de Sahagun3; telle fut probablement aussi l'origine de San Isidro de Dueñas, qui paraît bien dater de la fin du Ixe ou du début du xe siècle +, et de San Cosme y San Damian, qui

1. Voir ce qu'en dit la Vita S. Froylani, dans Esp. Sagr., XXXIV, PP. 423-424; cf. Risco, ibid., pp. 180-182 et A. López Peláez, San Froilán de Lugo, pp. 119 et suiv. Parmi les fondations du saint, il faudrait peut-être compter le monastère de Moreruela de Távara (cf. M. Gómez-Moreno, dans Bol. de la Soc. española de excursiones, XIV, 1906, p. 98). Pour d'autres fondations effectuées en Leon, voir la charte de l'évêque Frunimio, 873 (Esp. Sagr., XXXIV, pp. 427429) et Risco, ibid., p. 154 et 240 (cf. pp. 241-242).

2. Détruite lors de l'invasion musulmane de 883 (ci-dessus, p. 204), l'abbaye de Sahagun fut réédifiée avant 904 (cf. le diplôme du 22 octobre 904; Cat., no 60). Mais depuis combien de temps avait-elle été édifiée, lorsqu'elle fut brûlée en 883 ? Maintes hypothèses ont été produites (voir, par exemple, Escalona, Historia del monasterio de Sahagun, pp. 13 et suiv.; Risco, Esp. Sagr., XXXIV, pp. 331-332 ; Tailhan, Bibliothèques, p. 277, n. 4; Díaz Jiménez, dans Bol. de la R. Acad. de la Hist., XX, 1892, p. 123). La vérité, c'est qu'on ne possède, sur les origines de Sahagun, que des témoignages ne permettant pas de fixer de date initiale; se reporter au Moine de Silos, ch. 41 (fragment de chronique perdue), aux diplômes de Ramire II, Ramire III, Alphonse V et Bermude III, cités dans Étude sur les actes des rois asturiens, p. 188, no 30, et au diplôme de Ferdinand Ier, 27 octobre 1049 (Escalona, op. cit., escr. xc, pp. 459-460).

3. Voir l'inscription qui se trouve dans Hübner, Inscr. Hisp. Christ. Suppl., p. 107, no 469.

4. Cf. un diplôme de Ferdinand Ier pour San Isidro de Dueñas, 1er octobre 1043 (Yepes, Coronica, IV, escr. xxv, fol. 445 v-446 r), où on lit : «< in primis locum... firmamus atque stabilimus cum suis « terminis... quomodo in privilegio domini Adefonsi, sive Garsiae, «sive Ordonii regis continentur. » Yepes, op. cit., fol. 198 v, place sans motif la fondation en 883, et, par une conjecture fort admissible, suppose que le monastère dut être peuplé de moines mozarabes.

remonte à 904 ou 905'. Enfin, tandis que les monastères léonais s'échelonnaient de Leon même et d'Astorga jusqu'aux bords du Duero 2, en Portugal, diverses communautés se formaient autour de Braga, de Porto 3 et jusque dans les environs de Coïmbre, où la célèbre abbaye de Lorvão, autre sentinelle avancée du Christianisme, semble avoir été édifiée dès le commencement du xe siècle 4.

Le clergé régulier n'était pas seul à recouvrer la prospérité que l'invasion musulmane lui avait ravie. De son côté, le clergé séculier sortait de l'état de détresse où l'avait plongé la conquête. Des églises rurales et urbaines surgissaient de tous côtés, principalement dans les Asturies 5, et il suffira de

1. Cf. le diplôme du 3 avril 905 (Cat., no 63). Sur la date de fondation, voir Díaz Jiménez, dans Bol. de la R. Acad. de la Hist., XX (1892), P. 136.

2. Sur les monastères qui existaient à Leon même, voir Risco, Esp. Sagr., XXXIV, p. 127, et, du même auteur, Historia de Leon, p. 10 et Iglesia de Leon (Madrid, 1792, pet. in-4o), PP. 94 et 96. - Sur un monastère voisin d'Astorga, cf. le diplôme du 29 janvier ou 2 février 895 (Cat., no 50). Quant à l'existence de monastères situés non loin du Duero, elle est attestée par le diplôme du 22 septembre (?) 907 (Cat., no 66), lequel concernerait peut-être San Pedro de la Nave (comparer l'acte analysé par Yepes, Coronica, V, fol. 29 r et daté par lui de 902); voir aussi le diplôme interpolé du 24 janvier 891 (Cat., no 47), lequel mentionne San Roman de la Hornija.

3. Voir les actes du 30 avril 870 (Port. Mon. Hist. Dipl. et chartae,I, no vi, pp. 4-5), 10 janvier 875 (no vш, pp. 5-6), 27 mars 882 (no Ix, p. 6), 21 février 897 (no XII, pp. 7-8), 29 février 908 (no xvi, p. 11).

4. Le premier document authentique relatif à Lorvão est l'acte du 13 avril 907 (Port. Mon. Hist. Dipl. et chartae, I, no xv, p. 10), et non, comme le dit M. Gama Barros, op. cit., II, p. 18, le diplôme de 850-866 (ibid., no III, pp. 2-3); sur ce diplôme, qui est mal daté, voir Étude sur les actes des rois asturiens, pp. 104-105.

5. L'étude archéologique des monuments asturiens n'est ni de notre compétence, ni de notre sujet. Rappelons cependant que les archéo

noter à cette place celles qui durent leur existence à la piété des rois. Auprès de la bourgade qui lui sert de capitale, Cangas de Onis, Fafila construit l'église Santa Cruz 2. Lorsque Silo, abandonnant Cangas, se fixe à Pravia, il élève à proximité de cette ville l'église de San Juan de Santianes 3. Quand Alphonse II établit sa cour à Oviedo, il y bâtit tout un ensemble de sanctuaires ; à l'intérieur de la cité, c'est la basilique San Salvador, avec son maître-autel dédié au Sauveur et ses

logues contemporains, réagissant contre les tendances de leurs prédécesseurs du xXVIIIe siècle, ou réfutant les assertions émises par M. A. Marignan (Les premières églises chrétiennes en Espagne, dans Le Moyen Age, XV, 1902, pp. 69-97), datent du Ixe siècle, pour la plupart, ceux de ces monuments qui subsistent. Voir V. Lampérez y Romea, Historia de la arquitectura cristiana española en la Edad Media, I (Madrid, 1908, gr. in-4o), pp. 261 et suiv., cet ouvrage fondamental ayant été complété par divers travaux de MM. Dieulafoy, Arthur G. Hill, F. de Selgas, A. Llano Moro de Ampudia, et de M. Lampérez lui-même, qu'il nous paraît inutile de citer ici.

1. On a maintes fois attribué à Pélage et Aurelio, respectivement, la construction de Santa Eulalia de Abamia et de San Martin del Rey Aurelio. Ce sont là de fragiles hypothèses, basées sur des interpolations introduites par Pélage d'Oviedo dans le texte du Pseudo-Alphonse. Pélage avait d'ailleurs simplement écrit que le roi Pélage avait été enseveli «< in ecclesia Sanctae Eulaliae de Velapnio » et Aurelio «< in ecclesia Sancti Martini » (cf. Pseudo-Alphonse, éd. García Villada, p. 67 et p. 72). De ces données, on a conclu que Pélage et Aurelio avaient bâti les églises où ils furent enterrés.

2. Hübner, Inscr. Hisp. Christ., p. 47, no 149 et Suppl., p. 70, no 384. Ne tenir aucun compte des réflexions que cette inscription a suggérées à M. Somoza, Gijón, II, pp. 465-474. Remarquer simplement que, d'après l'inscription, il semble que Fafila réédifia un édifice détruit.

3. Hübner, op. cit., p. 46, no 145 et mieux Vigil, Asturias monumental, p. 475. Divers érudits, dont Risco, Esp. Sagr., XXXVII, pp. 117-118, ont prétendu que San Juan de Santianes était, dès l'origine, non une église, mais un monastère; cette opinion ne repose que sur des conjectures, ou tout au plus sur un passage du diplôme refait du 20 janvier 905 (Cat., no 62), où on lit : « In territorio Praviae monas«terium S. Joannis Evangelistae, ubi jacet Silus rex et uxor ejus • Adosinda regina.

4. Pseudo-Alphonse, ch. 21; cf. Chron. Albeld., ch. 58.

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douze autels secondaires dédiés aux douze apôtres1; c'est, au Nord de ladite basilique, le temple de Santa Maria, avec son panthéon royal; c'est encore, dans le voisinage de San Salvador, l'église San Tirso, dont la beauté suscite l'enthousiasme d'un chroniqueur ; et c'est enfin, hors les murs, Santullano de los Prados 3. Un peu plus tard, Ramire construit, à quelque distance de la capitale, ces deux curieux monuments qui nous sont parvenus intacts, et qui se nomment Santa Maria de Naranco et San Miguel de Liño (ou

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1. Sur la foi d'une inscription fréquemment citée (Hübner, Inscr. Hisp. Christ., p. 104, nos 93*-96*), on a souvent tenté de prouver qu'Alphonse II n'aurait fait que réédifier une église primitivement bâtie par Fruela, puis détruite (voir, par exemple, F. de Selgas, La Basilica del Salvador de Oviedo de los siglos VIII y IX, dans Bol. de la Soc. española de excursiones, XVI, 1908, pp. 162-200). Mais cette inscription est apocryphe Hübner la tenait avec raison pour telle, et il est même probable qu'elle est l'œuvre de Pélage d'Oviedo, lequel l'a insérée dans le Libro gótico, fol. 2 (Vigil, Asturias monumental, p. 6, A 1a et p. 57, A 10a. On remarquera en effet qu'elle corrobore, à point nommé, la doctrine de Pélage touchant la fondation de l'évêché d'Oviedo par Fruela (comparer, dans la rédaction C du PseudoAlphonse, la phrase du ch. 16: « Rex iste [Froila] episcopatum in « Ovetum transtulit a Lucensi civitate. ») Dès lors, il est bien superflu de se demander si la primitive église d'Oviedo a été détruite par les seris révoltés sous Aurelio (Somoza, Gijón, II, p. 529), ou par les falsi christiani dont parle le canon II du Concile d'Oviedo de 821 (Risco, Esp. Sagr., XXXVII, p. 193), ou par les Arabes en 794 (Dozy, Recherches, 3e éd., I, pp. 131-132). Il y aurait lieu aussi d'émettre quelques doutes au sujet de l'architecte Tioda, auquel on attribue résolument la construction de l'église bâtie sous Alphonse II, mais cela serait ici hors de propos.

2. Pseudo-Alphonse, ch. 21 : « cuius operis pulchritudo plus praesens potest mirari, quam eruditus scriba laudare. »>

3. De tous ces édifices, il ne reste que peu de chose. Tandis que Santa Cruz de Cangas a disparu et que de San Juan de Santianes il ne subsiste que des vestiges, l'église San Salvador d'Oviedo a été démolie en 1383, celle de Santa Maria a été jetée bas au XVII° siècle, et celle de San Tirso a été presque entièrement reconstruite. Santullano de los Prados s'est conservée, mais « horriblemente encalada y pin<< tada » (Lampérez, Hist. de la arquitectura, I, p. 289).

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