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plus grand nombre désertèrent des postes

avancés.

Réduit à ces extrémités, le général Masséna reçut, le 30 mai, uné demande d'entrevue de la part de l'amiral Keith et des généraux autrichiens Ott et Saint-Julien, dont l'objet était de lui remettre une lettre du général Mélas: l'adjudant-général Andrieux fut chargé de la recevoir aux avantpostes. Le genéral Mélas complimentait le défenseur de Gênes sur ce que « la fortune » des armes lui avait été contraire, et n'avait » pas secondé son courage et ses talens ad» mirés de toute l'Europe: il faisait valoir » la défaite de Suchet; il suppliait Masséna » d'avoir pitié de la ville de Gênes, et dé » sacrifier aux sentimens d'humanité là >> vaine gloire de l'avoir défendue jusqu'à la » derniere goutte du sang de ses soldats et » de toute la population: il lui offrait la >> plus honorable capitulation ». Il étaît évident que le général autrichien ne faisait de telles ouvertures que parce qu'il était pressé de concentrer ses forces, et que la diversion

du siége de Gênes avait déjà produit tout l'effet que le premier Consul en pouvait attendre; Masséna se flattait que cette initiative annonçait la retraite prochaine des Autrichiens, et peut-être l'ordre déjà expédié de la levée du siége; il répondit : « que, » quoique cette ouverture fût prématurée, >> il se réservait cependant de traiter de son » objet lorsqu'il s'en serait suffisamment >> occupé ».

Le général Ott ordonna un nouveau bombardement qui produisit des murmures plus menaçans; Masséna toujours impassible parcourait les quartiers les plus exposés, contenait dans l'ordre et la discipline, par sa seule présence, les 5 à 6,000 combattans qui lui restaient, et 150,000 habitans dans une résignation dont ils s'étonnaient eux-mêmes. Enfin, n'ayant plus que pour deux jours de distributions assurées, aucun avis, aucun espoir de secours, il rassembla les chefs de corps, et leur dit : «< Ca» marades, nous avons rempli notre tâche; >> mais qu'il ne soit pas dit qu'on a triom

»

phé de nous; abandonnons ce vaste tom>> beau, n'emportons que nos armes et notre >> gloire, et faisons-nous jour à travers l'en>> nemi ». Tous lui déclarèrent que les officiers le suivraient et périraient avec lui; mais que leurs soldats, trop affaiblis pour combattre et même pour marcher, resteraient dans Gênes, et se livreraient à la discrétion du vainqueur; que leur courage était éteint, et que dans quelques heures il ne commanderait plus qu'à des cadavres : il fit encore une proclamation qui fut lue à la tête des compagnies; les soldats n'y répondirent que par un lugubre silence.

Sur une dernière sommation, et sous le prétexte d'un échange de prisonniers dont la misère et le désespoir faisaient frémir les cœurs les plus endurcis, la négociation fut renouée à Rivarolo entre l'adjudant-général Andrieux, qui remplissait les fonctions de chef d'état-major, et le général comte de Saint-Julien, le colonel de Best et le capi-: taine de vaisseau de Bivern.

Les alliés proposèrent d'abord

que la gar

nison retournât en France et que le général en chef restât prisonnier de guerre. Celuici s'indigna de cette proposition; l'amiral Keith lui écrivit : « Vous valez seul 20,000 << hommes ».

Masséna fit déclarer le 4 juin aux négociateurs autrichiens et anglais par ses délégués l'adjudant-général Andrieux et M. Morin; 1. qu'il ne signerait aucun acte dans lequel on aurait employé le terme de capitulation; 2°. que l'armée française évacuerait Gênes avec armes et bagages, ou que le lendemain de la rupture des négociations elle se ferait jour à la baïonnette.

Cette obstination rendit la négociation difficile, et pourtant la fit réussir. Les bases d'un traité d'évacuation de la ville de Gênes par l'aile droite de la vieille armée d'Italie. avec armes, bagages, artillerie et munitions, furent consenties, et le lendemain 5 juin, dans une entrevue des généraux des deux partis, qui eut lieu sur le pont de Conegliano, après une discussion dans laquelle le général Masséna montra la même fierté

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et mit aussi beaucoup d'adresse, les articles furent signés : rien n'y fut oublié ni pour l'honneur de l'armée, ni pour les intérêts des individus, et surtout pour ceux des malheureux Génois. Le général Ott traita les Français avec générosité; l'amiral Keith surtout donna au général Masséna une singulière preuve d'estime : « Votre défense, lui » dit-il, est trop héroïque pour que l'on >> puisse vous rien refuser ».

Le même jour la porte de la Lanterne fut occupée par deux bataillons hongrois, et le lendemain 6 juin, pendant que le général Gazan conduisait à Voltry la première colonne de la garnison de Gênes, Masséna, couvert de gloire, s'embarquait avec son état-major sur cinq corsaires français, et faisait voile pour Antibes.

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