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« Il n'est rien dans cette composition, dit-il encore, que je n'eusse été capable de peindre d'après nature, en consultant mes propres expériences. N'étais-je pas voyageur moi-même? N'avais-je pas couru le risque d'éveiller des inclinations qui, sans avoir une fin tragique, pouvaient causer des douleurs, des dangers et des maux? N'avais-je pas été souvent dans le cas d'obtenir des faveurs imméritées, de rencontrer des obstacles imprévus? » Ulysse est aimé de Nausicaa; elle meurt; il part néanmoins, «< moitié innocent, moitié coupable », dit Goethe. Lui-même n'avait-il pas été obligé de s'accuser souvent ainsi? Mais il avait poursuivi sa route, sacrifiant les intérêts de son cœur à ce qu'il considérait comme une nécessité de l'art, et se consolant par une confession poétique. Le personnage d'Ulysse, tel qu'il le conçoit, a de la ressemblance avec Weislingen, avec Clavigo, même avec Faust. Il y a cependant une différence essentielle: Clavigo et Weislingen partagent le sort de leurs victimes; Ulysse n'éprouve que le regret d'avoir causé un mal involontaire. C'était un défaut au point de vue dramatique, et ce fut peut-être une des raisons qui déterminèrent Goethe à abandonner le sujet on nous permettra d'ajouter à notre tour cette supposition à toutes celles du savant critique dont nous résumons le travail.

LE JOURNAL DE GOETHE

L

'ALLEMAGNE, à travers toutes ses révolutions litté

raires, ne cesse de revenir à Goethe, comme un voyageur, après avoir erré sur les chemins de traverse, regagne la grande route large et unie, que lui ont tracée des mains expérimentées. Toutes les fois qu'une école a dit son dernier mot, que ce soit la Jeune Allemagne avec ses revendications politiques, ou le naturalisme contemporain avec ses visées sociales et humanitaires, Goethe reparaît et reprend faveur lui, toujours lui. C'est le pôle immobile autour duquel la pensée allemande gravite et tourne depuis un siècle. Il semble qu'il y ait dans le public allemand cette conviction intime, que nul écrivain n'a réuni en sa personne, d'une manière aussi complète, tous les côtés du génie national.

Le catalogue de ce qui a été écrit sur Goethe n'est plus à faire il existe, et il forme tout un volume. Mais le recueil même de ses œuvres s'est enrichi d'une série toute nouvelle c'est son Journal. Il forme treize volumes dans l'édition monumentale publiée sous les auspices de la grande-duchesse

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