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qui sont léans, emporteront tous leurs biens, lesquels ils ont apportés.

Quant aux quinze jours, que demandez de délai, rien ne s'en fera; mais on vous fera conduire jusques à Bray sur Seine.

Quant au sauf-conduit de deux cents hommes d'armes, il n'est nul besoin de l'avoir, puisqu'aurez conducteurs.

Toutefois, après plusieurs paroles, les dessusdits chevaliers, de Jonvelle et de Montagu, pour eux et pour leurs gens, firent traité avec ledit dauphin, par si qu'ils s'en iroient saufs leurs corps et leurs biens, en rendant ladite forteresse. Et à ce furent reçus, et tous les biens et joyaux qui étoient audit duc de Bourgogne, demeurèrentléan. Et avec ce demeura avecque le dauphin la dame de Giac ; laquelle, comme il fut commune renommée, fut consentante de ladite homicide. Et pareillement, y demeura Philippe Jossequin, et n'osa retourner devers la duchesse de Bourgogne, ni devers son fils, comte de Charrolois, pour tant qu'il n'étoit pas bien en leur grâce.

Lequel Philippe Jossequin étoit natif de Dijon, fils de l'armurier de feu le duc Philippe de Bourgogne; et par long temps avoit été moult féable, et aimé par-dessus tous du dessusdit duc de Bourgogne; c'est à savoir de ses serviteurs; et même lui faisoit porter son scel de secret, et signer lettres de sa main, comme si ledit duc les eût signées; et y avoit peu de différence du signé que contrefaisoit le dessusdit Philippe Jossequin, à

l'encontre de celui que faisoit le duc de sa propre main. Pour lesquelles besognes et grands autorité il fut par plusieurs fois moult haï de plusieurs seigneurs repairant en la cour d'icelui prince; mais néanmoins, étant en l'état dessusdit, il acquit de grands finances, et fit une moult notable maison dedans la ville de Dijon. Lesquelles chevances à son département, il délaissa en plusieurs lieux; c'est à savoir en Bourgogne, en Flandre et ailleurs ; lesquelles furent prises, comme confisquées des officiers du comte de Charrolois, et les donna à aucuns de ses serviteurs; et le dessusdit Philippe, ainsi comme dit est, s'en alla dénué de tous biens.

CHAPITRE CCXXI.

Copie des lettres envoyées par le dauphin en plusieurs bonnes villes du royaume, après la mort du duc Jean de Bourgogne.

Le lundi onzième jour de septembre, après ce que le duc de Touraine, dauphin, eut tenu, dedans la ville de Montereau grand conseil sur ses affaires; afin qu'il ne fût noté d'avoir rompu ladite paix, et aussi qu'on ne le tenît (tînt) pour parjure, fit écrire plusieurs lettres, lesquelles il envoya à Paris, Reims, Châlons et autres bonnes villes du royaume ; desquelles la copie de celles qui furent envoyées à Paris s'ensuit.

CHRONIQUES DE MONSTRELET. — T. IV.

13

<< Chers et bien aimés, nous tenons qu'assez avez eu la connoissance comment naguères nous convînmes avec le duc de Bourgogne, au lieu de Pouilly, après ce que nous lui eûmes accordé toutes les choses qu'il nous requit en faveur du bien de la paix, et pour eschever (éviter) la perdition de la seigneurie de monseigneur et de nous, et qu'entre les autres choses il nous promit, par la foi et serment de son corps, dedans un mois faire guerre aux Anglois, anciens ennemis de monseigneur et de nous, et en ce faisant il eût été accordé par entre nous deux d'ensemble convenir derechef à besogner et pourvoir aux besognes de ce royaume, contre les ennemis dessusdits; pour laquelle cause nous vînmes en cette ville de Montereau, et en icelle attendîmes dix-huit jours la venue dudit duc de Bourgogne, auquel fîmes bailler le châtel de cette ville de Montereau, en nous délogeant d'icelui.

Et après ce que nous convînmes avec lui en la manière qu'il demanda, nous lui remontrâmes amiablement comment, nonobstant ladite paix et sesdites promesses, il ne faisoit ni avoit fait aucune guerre auxdits Anglois, et avec ce n'avoit fait issir les garnisons qu'il tenoit, comme il avoit été traité et promis par ledit de Bourgogne; desquelles choses nous le requîmes. Lequel de Bourgogne nous répondit plusieurs folles paroles, et chercha son épée à nous envahir et villener (avilir) en notre personne. Laquelle, comme après nous avons su,

il contendoit à prétendre, et mettre en sa sujétion. De laquelle chose, par divine pitié, et par la bonté et aide de nos loyaux serviteurs, nous avons été préservés ; et il, par sa folie, mourut en la place.

Les choses dessusdites nous vous signifions, comme à ceux qui auront grand' joie, comme nous sommes certains, qu'en telle manière de tel péril nous avons été préservés. Et vous prions et néanmoins vous mandons sur toute bonne loyauté que toujours avez eue à mondit seigneur et à nous, que pour quelque chose qu'il advienne, vous ne laissiez que ne fassiez bonne résistance auxdits ennemis de monseigneur et de nous, et vous préparez à faire toute guerre. Et soyez certains que nous vous secourrons et aiderons et conforterons avec toute notre puissance, laquelle, par la grâce de Dieu, est bonne et grande. Et voulons que toutes choses advenues soient pardonnées, et que pour icelles à nul ne soit fait dommage ou déplaisance; mais l'abolition faite par mondit seigneur nous garderons de point en point, et ladite paix. Et ce vous promettons en bonne foi, et en paroles de fils de roi.

>> Et sur ce envoyons nos lettres-patentes au prévôt des marchands, des échevins et bourgeois de Paris, à icelles signifier à vous et aux autres, et à publier où il appartiendra; et de ce donnerons telles sûretés comme il voudra; et entretiendrons au duc de Borgogne et à ses serviteurs, et à tous autres qui ont tenu son parti, paix, comme elle fut

concordée et publiée, sans icelle enfreindre en aucune manière, désirant tenir tous les sujets de mondit seigneur et les nôtres, à résister en bonne paix auxdits ennemis. Et à ce est notre intention à nous employer en notre personne; et voulons que les choses dessusdites fassiez publier ès villes et places autour de vos marches, et que semblablement icelles choses vous assuriez de par nous. Chers et bien aimés, Notre-Seigneur vous ait en sa sainte garde.

» Ecrit à Montereau, où faut Yonne, le onzième jour de septembre.

Ainsi signé Charles Champion. >>

Au dos étoit écrit: « A nos très chers et bien aimés les bourgeois, clergé, manants et habitants de Paris. »

Auxquelles lettres, par espécial ès villes qui tenoient le parti du roi et du duc de Bourgogne, ne fut par eux rendue aucune réponse. Et pareillement messire Clignet de Brabant, qui se tenoit à Vitry, écrivit à plusieurs bonnes villes pour les attraire du parti du dauphin ; mais quand il vit qu'ils ne lui répondirent pas à son plaisir, il commença à leur faire très forte guerre.

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