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Le roi envoya l'édit dans toutes les provinces de son empire....

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Alors les ministres du roi dirent: Qu'on cherche partout des filles pucelles et belles ; et celle qui plaira le plus aux yeux du roi sera reine au lieu de Vasthi....

Or il y avait dans Suze un Juif nommé Mardochée.... oncle d'Esther.... Et Esther était très belle et très agréa ble....

Et Esther plut au roi. Ainsi il commanda à un eunuque de l'admettre parmi les filles, et de lui donner son contingent avec sept belles filles de cha nbre, et de la bien parer; elle et ses filles de chambre....

Et Esther ne voulut point dire de quel pays elle était; car Mardochée lui avait défendu de le dire........ (1).

On préparait les filles destinées au roi pendant un an. Les six premiers mois on les frottait d'huile et de myrthe, et les six derniers mois de parfums et d'aromates.... Et le roi aima Esther par dessus les autres filles; et il lui mit un diadème sur le front, et il la fit reine à la place de Vasthi....

le plus d'ascendant sur eux. Telle a été et telle est encore la coutume des potentats asiatiques. Ils choisissent leurs successeurs avec la même liberté qu'ils en ont choisi les méres.

(1) Les critiques on dit que jamais le sultan des Turcs, ni Je roi de Maroc, ni le roi de Perse, ni le grand-mogol, ni le · roi de la Chine, ne reçoit une fille dans son sérail sans qu'on apporte sa généalogie et des certificats de l'endroit oùelle a été prise. Il n'y a pas un cheval arabe dans les écuries du grand-seigneur, dont la généalogie ne soit entre les mains du grand-écuyer. Comment Assuérus n'aurait-il pas été informé de la patrie, de la famille, et de la religion d'une fille qu'il déclarait reine? C'est un roman, disent les incrédules; et il faut qu'un roman ait quelque chose de vraisemblable jusque dans les aventures les plus chimériques. On peut supposer à toute force qu'Assuérus ait épousé une Juive; mais il doit avoir su qu'elle était Juive.

Cette objection a du poids. Tout ce qu'on peut répliquer, c'est que Dien disposa du cœur du roi, et qu'il laissa sen esprit dans l'ignorance.

Après cela le roi éleva en dignité Aman, fils d'Amadath, de la race d'Agag, et mit son trône au-dessus du trône de tous les satrapes; et tous les serviteurs du roi pliaient les genoux devant lui, et l'adoraient (le saluaient en lui baisant la main, ou le saluaient en portant leur main à leur bouche). Le seul Mardochée ne pliait pas les genoux devant lui, et ne portait pas sa main à sa bouche.... Aman, ayant appris qu'il était Juif, voulut exterminer toute la nation juive.... (1).

(1) C'est une coutume très antique en Asie de se prosterner devant les rois, et même devant leurs principaux officiers. Nous avons traduit dans notre langue cette salutation par le mot adoration, qui ne signifie autre chose que baiser sa main. Mais ce mot adoration étant aussi employé pour marquer le respect dû à la Divinité, a produit une équivoque chez plusieurs nations. Les peuples occidentaux, toujours très mal informés des usages de l'orient, se sont imaginés qu'on saluait un roi de Perse comme on adore la Divinité. Mardochée, né et nourri dans l'orient, ne devait pas s'y méprendre; il ne devait pas refuser de faire au satrape Aman une révérence usitée dans le pays. Onlni fait dire dans ce livre, qu'il ne voulait pas rendre au ministre du roi un honneur qui n'est dû qu'à Dieu; ce n'est là que la grossièreté orgueilleuse d'un homme impoli qui se glorifie secrètement d'être oncle d'une reine. Il est vrai qu'il paraît bien improbable u'on ne sût pas dans le sérail qu'Esther était sa nièce. Mais si on se prête à cette supposition, si Mardochée n'est regardé que comme un pauvre Juif de la lie du peuple, pourquoi ne salue-t-il pas Aman comme tous les autres Juifs le saluent?

Pour cet Aman qui veut faire pendre toute une nation parce qu'un pauvre de cette nation ne lui a pas fait la révérence, avouons que jamais une folie si ridicule et si horrible ne tomba dans la tête de personne. Les Juifs ont pris cette histoireaupied de lalettre; ils ont institué une fête en l'honneur d'Esther; ils ont pris le conte allégorique d'Esther pour une aventure véritable, parce que la prétendue élévation d'une Juive sur le trône de Perse était une consolatiou pour ce peuple presque toujours esclave.

....

pour

Et on jeta le sort devant Aman savoir quel mois et quel jour on devait tuer tous les Juifs; et le sort tomba sur le douzième mois, etc.... (1).

Le roi commanda qu'on allât chez tous les Juifs dans tout l'empire, qu'on leur ordonnât de s'assembler, et de tuer tous leurs ennemis avec leurs femmes et leurs enfants, et de piller leurs dépouilles le treizième jour du mois d'Adar... Et le roi dit à la reine Esther: Vos Juifs ont tué aujourd'hui cinq cents personnes dans ma ville de Suze.... Combien voulez-vous qu'ils en tuent encore? Et la reine répondit: S'il plaît au roi, il en sera massacré autant demain qu'aujourd'hui ; et que les dix enfants J'Aman soient pendus. Et le roi commanda que cela fut fait (2).

Si Aman était en effet de la race de ce roi Agag que le prophète Samuel avait haché eu morceaux de ses propres mains, il pouvait être excusable de détester une nation qui avait traité ainsi l'un de ses aïeux; mais on n'égorge point du tout un peuple pour une révérence omise.

(1) Les critiques trouvent, avec quelque apparence de raison, Aman bien imbécille de faire afficher et publier dans tout l'empire le mois et le jour où l'on devra tuer tous les Juifs. C'était les avertir trop à l'avance, et leur donner tout le temps de s'enfuir, et mème de se venger: c'est une trop grande absurdité. Tout le reste de cette histoire est dans le mêine goût, il n'y a pas un seul mot de vraisemblable. Où l'écrivain de ce roman a-t-il pris qu'on coupait le cou à toute femme ou concubine du roi, qui eutrait chez lui sans être appelée? Cet Aman pendu à la potence dressée pour Mardochée, et tous les épisodes de ce conte du Tonneau, ne sont-ils pas agri somnia? Mais voici le plus rare du texte.

(2) Il faut pardonner aux critiques s'ils ont exprimé toute l'horreur que leur inspirait l'exécrable cruauté de cette douce Esther, et en même temps leur mépris pour un conte si dépourvu de sens commun. Ils ont crié qu'il était honteux de recevoir cette histoire comme vraie et sacrée. Que peut avoir de commun, disent-ils, la barbarie ridicule d'Esther avec

la religion chrétienne, avec nos devoirs, avec le pardon des injures, recommandé par Jésus-Christ? N'est-ce pas joindre ensemble le crime et la vertu; la démence et la sagesse, le plat mensonge et l'auguste vérité? Les Juifs admettent la fa. ble d'Esther; sommes-nous Juifs? et parce qu'ils sont amateurs des fables les plus grossières, faut-il que nous les imitions? parce qu'en tout temps ils furent sanguinaires, fautque nous le soyons? nous qui avons voulu substituer une religion de clémence et de fraternité à leur secte barbare? nous qui au moins nous vantons d'avoir, des préceptes de justice, quoique nous ayons eu le malheur d'être si souvent et si horriblement injustes?

il

Nous n'ignorons pas que la fable d'Esther a un côté sédui. sant; une captive devenue reine, el sauvant de la mort tous ses concitoyens, est un sujet de roman et de tragédie. Mais qu'il est gâté par les contradictions et les absurdités dont il regorge! qu'il est déshonoré par la barbarie d'Esther, aussi contraire aux mœurs de son sexe qu'à la vraisemblance!

FIN BU COMMENTAIRE SUR ESTHER.

AVERTISSEMENT DU COMMENTATEUR.

« Ce fut dans les querelles entre les tribus, et pen» dant la captivité en Babylone, que les voyants, les de » vins, les prophètes parurent. Nous avons déjà parlé

d'Élie, d'Élisée, d'Isaïe, de Jérémie: nous dirons des >> autres ce qui paraît nécessaire, sans entrer dans le » détail de leurs déclamations. Nous ne sommes pas >> assez habiles pour comprendre leurs discours, pour >> sentir le mérite de leurs répétitions continuelles, pour » distinguer le sens littéral, le sens mystique, le sens analogique, de leurs phrases hébraïques ou chaldé>>ennes, que la traduction rend encore plus obscures. >> Nous tâcherons au moins d'être courts, en parlant de » ces livres si longs.

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» Les Juifs ne lisent point les prophètes dans leurs » synagogues, ou du moins les lisent très rarement. Les » chrétiens, pour la plupart, ne les connaissent que par » quelques citations. Nous choisirons les morceaux les » plus curieux et les plus singuliers. Commençons par » Daniel, dont les aventures sont du temps de Nabu» chodonosor et de ses successeurs. >>

DANIEL.

Les critiques osent affirmer que le livre de Daniel ne fut composé que du temps d'Antiochus- Epiphane; que toute l'histoire de Daniel n'est qu'un roman, comme ceux de Tobie, de Judith, et d'Esther. Voici leurs raisons, qui ne sont fondées que sur les lumières naturelles, et qui sont détruites par la décision de l'Église, laquelle est au-dessus de toute lumière,

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