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Mais il arrive un temps où les hommes, trop multipliés, ne peuvent plus vivre de leurs chasses. Il faut alors avoir recours à la culture. La culture entraîne des lois, les lois des abus. Seroit-il raisonnable de dire qu'il ne faut point de lois, parce qu'il y a des abus? Seroit-il sensé de supposer que Dieu a rendu l'état social le pire de tous, lorsque cet état paroît être l'état le plus commun chez les hommes ?

par

Que si ces lois qui nous courbent vers la terre, qui obligent l'un à se sacrifier à l'autre, qui font des pauvres et des riches, qui donnent tout à celui-ci, ravissent tout à celui-là; que si ces lois semblent dégrader l'homme en lui enlevant l'indépendance naturelle, c'est cela même que nous l'emportons sur les Sauvages. Les maux, dans la société, sont la source des vertus. Parmi nous la générosité, la pitié céleste, l'amour véritable, le courage dans l'adversité, toutes ces choses divines sont nées de nos misères. Pouvezvous ne pas admirer le fils qui nourrit de son travail sa mère indigente et infirme ? Le prêtre charitable qui va chercher, pour la secourir, l'humanité souffrante dans les lieux où elle se cache, est-il un objet de mépris? L'homme qui, pendant de longues années, a lutté noblement contre le malheur, est-il moins magnanime que le prisonnier sauvage dont tout le courage con

siste à supporter des souffrances de quelques heures? Si les vertus sont des émanations du Tout-Puissant ; si elles sont nécessairement plus nombreuses dans l'ordre social que dans l'ordre naturel, l'état de société, qui nous rapproche le plus de la Divinité, est donc un état plus sublime que celui de nature.

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M. de Humboldt a été guidé par le sentiment de ces vérités, lorsqu'il a parlé des peuples sauvages la sage économie de ses jugements et la pompe de ses descriptions décèlent un maître qui domine également toutes les parties de son sujet et de son style.

Ici nous terminerons cet article: nous avons payé notre tribut annuel aux Muses. Aux époques les plus orageuses de la révolution, les lettres étoient moins abandonnées qu'elles ne le sont aujourd'hui. Sous l'oppression du directoire, et même pendant le règne de la terreur, le goût des beaux-arts se montra avec une vivacité singulière. C'est que l'espérance renaissoit de l'excès des maux : notre présent étoit sans joie, mais nous comptions sur un meilleur avenir: : nous nous disions que notre vieillesse ne seroit pas privée de la lyre:

Nec turpem senectam

Degere, me citharâ carentem.

Derrière la révolution, on voyoit alors la monarchie légitime; derrière la monarchie légitime on voit aujourd'hui la révolution. Nous allions vers le bien, nous marchons vers le mal. Et quel moyen de s'occuper de ce qui peut embellir l'existence, au milieu d'une société qui se dissout. Chacun se prépare aux événements; chacun songe à sauver du naufrage sa fortune ou sa vie; chacun examine les titres qu'il peut avoir à la proscription, en raison de son plus ou moins de fidélité à la cause royale. Dans cette position, la littérature semble puérilité : on demande de la politique, parce qu'on cherche à connoître ses destinées; on court entendre, non un professeur expliquant en chaire Horace ou Virgile, mais M. de Labourdonnaye défendant à la tribune les intérêts publics, faisant de chacun de ses discours un combat contre l'ennemi, et marquant son éloquence de la virilité de son caractère.

SUR L'HISTOIRE

DES DUCS DE BOURGOGNE,

DE M. DE BARANTE.

Décembre 1824.

'HISTOIRE DE FRANCE est aujourd'hui l'objet de tous les travaux littéraires. Nous avons, dernièrement encore, parlé de la Collection des Mémoires relatifs à l'Histoire de France, depuis l'origine de la monarchie françoise jusqu'au treizième siècle, siècle

où commence la collection de M. Petitot. L'infatigable président Cousin avoit entrepris pour les historiens de l'empire d'Occident, ce qu'il avoit fait pour les principaux auteurs de l'histoire Byzantine. Sa traduction (dont les deux premiers volumes imprimés contiennent Éginard, Thégan l'Astronome, Nitard, Luitprand, Witikind, et les Annales de Saint-Bertin) étoit à peu près complète ses manuscrits existent; ils pourroient être d'un grand secours et épargner beaucoup de travail à M. Guizot. Les grandes Chroniques de Saint-Denis, publiées successivement dans le recueil de dom Bouquet, ne sont aussi, pour les premiers siècles de la monarchie, que des traductions des auteurs latins antérieurs à l'établissement de ces Chroniques.

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D'un autre côté, M. Buchon a commencé une Collection des Chroniques écrites en langue vulgaire du treizième au seizième siècle, ouvrage différent de celui de M. Petitot, qui ne publie que les Mémoires. Il a débuté par une édition de Froissart, aidé dans ses propres recherches par les recherches de M. Dacier : c'est de tout point un important et consciencieux

travail.

Enfin, la grande collection de dom Bouquet se continue on remarque pourtant avec peine qu'elle a marché moins rapidement depuis la res

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