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UTRECHT, Ville & Province des Pays-Bas.

LA ville d'Utrecht avoit d'abord été bâtie fur le bord septentrional du

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Rhin, du côté de la Frife; mais le nombre des habitans s'étant augmenté, ont bâtit la nouvelle ville fur le bord méridional du Rhin, dans l'ifle & le territoire des Bataves. La puiffance de fes évêques s'accrut auffi par la libéralité des empereurs. En 1559, le pape Paul IV, érigea cet évêché en métropole, & lui donna pour fuffragant les nouveaux évêchés de Harlem en Hollande, de Middelbourg en Zélande, de Lewarde en Frife; de Déventer dans l'Over-Iffel, & de Groningue dans la province de même nom. Le premier archevêque fut Frédéric Skenk de Tautenberg, président de la chambre impériale de Spire en 1561. Après fa mort, arrivée en 1580, les Etats-généraux appliquerent à divers ufages les revenus de cet archevêché qui fe trouvoient dans l'étendue de la généralité.

La ville d'Utrecht s'eft extrêmement agrandie, embellie, & peuplée, depuis la réformation, en forte qu'on peut la mettre actuellement au rang des belles villes de l'Europe; elle eft de figure ovale, & peut avoir cinq milles de circuit; elle a quatre gros faubourgs, & quatre paroiffes; mais elle n'eft pas forte, quoique munie de quelques baftions & demi-lune pour fa défense; fes environs font charmans, & le long du canal qui mene de cette ville à Amfterdam, on ne voit qu'une fuite de belles maifons de plaifance, & de jardins admirablement entretenus.

La magiftrature de cette ville eft compofée d'un grand-bailli, de deux bourgmestres, de douze échevins, d'un tréforier, d'un intendant des édifices, d'un préfident, de trois commiffaires des finances, & d'un fénateur; eette magiftrature eft renouvellée tous les ans le 12 d'octobre, & tient fes affemblées à la maifon de ville, qui eft un bel hôtel.

Utrecht eft remarquable par le traité d'union des Provinces-Unies, qui s'y fit en 1579; par le congrès qui s'y tint en 1712, & dans lequel la paix de l'Europe fut conclue, le 11 d'avril 1713, le 13 de juillet fuivant, & le 16 de juin 1714; enfin par fon univerfité, l'une des plus célébres de l'Europe. Les Etats de la province l'érigerent le 16 de mars 1636, & elle a produit un grand nombre d'hommes illuftres dans les fciences.

La province d'Utrecht eft la quatrieme d'entre celles qui compofent la république des Provinces-Unies. Elle eft fituée entre la Gueldres, la Hollande & le Zuyderzée. Son fol eft à peu près par-tout très-fertile, & fon air eft généralement réputé pour très-fain. Dans fes parties orientales elle a quelques monticules fablonneux, & dans les occidentales quelques tourbieres. Le refte du pays, pareil aux meilleurs quartiers de la Hollande & de la Gueldres, produit des grains, des légumes, des fruits, & des pâturages en grande quantité & de très-bonne qualité. Le Rhin coule dans cette

province fous le nom de vieux Rhin & de Rhin courbe. Il y forme le
Leck, & le Vecht; le Leck, entre lequel & le vieux Rhin, l'on creufa
l'an 1373, l'utile & beau canal appellé Vaartfche Rhyn; & le Vecht qui
prend naiffance proche d'Utrecht, & va tomber dans le Zuyderzée proche
de Muiden. Les autres rivieres de la contrée font l'Eem, la Grift ou Greb,
la Mye, & le courbe Mydrecht.

L'on compte dans cette province 5 villes & 65 bourgs & villages, avec
une multitude de feigneuries & de maifons de plaifance. On la divife en
4 quartiers, qui ne comprennent aucunes villes, mais qui ont chacun leur
juge féparé, & qui font i". le quartier fupérieur, ou de Wyk, 2°. le quar→
tier inférieur ou d'Abkoude, 3°. le quartier d'Eemland, & 4°. le quartier
de Montfort. Les cinq villes de la province font Utrecht, Amersfoort,
Rhenen, Wyk, & Montfort.

Les Etats d'Utrecht font compofés de trois claffes, favoir du clergé, de
la nobleffe & des villes. Les membres de la premiere ne font pas en effet
ce que fon nom dénote, ce ne font pas des eccléfiaftiques en réalité; mais
ce font des représentans élus par les chapitres des cinq églifes d'Utrecht,
représentans qui peuvent être ou nobles ou roturiers, & qui pour l'ordi
naire font au nombre de huit. Les membres de la feconde claffe font les
gentilshommes poffeffeurs de terres nobles; & les membres de la troifieme
font les députés des cinq villes. Il exifte dans l'affemblée de ces Etats une
diftinction bien marquée en faveur de la ville d'Utrecht; fon fuffrage fur
toutes les matieres, l'emporte fur celui des quatre autres villes ensemble.
Elles ne peuvent la contredire en rien, & elle peut les contredire en tout.
Sur ce pied là, l'on a peine à comprendre pourquoi ces quatres villes pa-
roiffent aux Etats.

Le college des confeillers députés de la province eft composé de douze
affeffeurs, fournis par les trois claffes, à nombres égaux. La chambre des
comptes confifte en quatre perfonnes, & la cour provinciale de justice en
dix juges, y compris le préfident. A l'affemblée des Etats-généraux, Utrecht
affifte en la perfonne de trois députés de chacune des trois claffes de fes
propres Etats; & dans la répartition des taxes levées par la république,
cette province, mise en 1612 au taux de celle de Groningue, payes flo-
rins, 16 fols, 7 de chaque 100 florins impofés fur tout l'Etat.

Quant à la religion, il y a du mélange dans cette province, comme dans
toutes les autres de la république. L'on y compte 79 miniftres réformés,
45 prêtres catholiques, 3 pafteurs luthériens, 2 de remontrans, & 2 d'a-
nabaptiftes. Les miniftres réformés s'y partagent en trois claffes, savoir celles
d'Utrecht, d'Amersfoort, & de Rhenen. Chaque année, au mois de fep-
tembre, ils s'affemblent à Utrecht en fynode, non pas tous perfonnelle-
ment, máis par députés au nombre de 9, chaque claffe fe bornant pour
cet effet à nommer deux miniftres & un ancien d'églife.

La province ou feigneurie d'Utrecht, compofoit avec l'Over-Iffel, avant

P'union de 1579, le domaine temporel d'un évêché fondé l'an 696 fous la métropole de Cologne, & conféré pour la premiere fois à un moine nommé Willibrod. Devenu avec le temps Etat du S. Empire, cet évêché s'eft foutenu avec fplendeur jufques au commencement du XVIe. fiecle. A cette époque Henri de Baviere, qui en rempliffoit le fiege, & qui n'est point représenté dans l'hiftoire comme un prince jufte & doux, mécontenta fes fujets. Sa tyrannie donna lieu à des féditions & à des révoltes. Le duc Charles de Gueldres, voifin du pays, prit part à ces troubles; il entra d'abord en correspondance fecrete avec les nobles de la province; puis il fit marcher des troupes contre l'évêque. Et après cet éclat, celui-ci fe fentant trop foible pour réfifter, eut recours à Charles-Quint, en 1528, & lui vendit le temporel de fon évêché, avec tous fes droits de fouveraineté. Le pape ayant approuvé & confirmé cette vente, l'empereur incorpora bientôt Utrecht au refte des Etats Autrichiens, à titre de feigneurie. Il en joignit le gouvernement à celui des autres Pays-Bas, & Philippe II, fon fils, en jouit jufques à la grande révolution qui forma la république. Cependant il y eut encore trois évêques d'Utrecht après Henri de Baviere. L'autorité eccléfiaftique n'y fut pas abolie, quant au fiege, avec la puiffance temporelle. Et même le dernier de ces évêques nommé Frédéric, de l'a maifon de Tautenbourg, fut élevé à la dignité d'archevêque, ayant pour diocéfains les évêques de Lewarden, de Deventer, de Groningue, de Harlem & de Middelbourg. Mais dans les circonftances politiques où se trouva la contrée, l'on ne tarda pas à fentir l'inutilité ou même l'incommodité de toutes ces chofes. L'Etat républicain n'y eut plus aucun égard; & le fiege épifcopal d'Utrecht n'eft aujourd'hui qu'une dénomination purement titulaire.

E

PAIX D'UTRECHT,

En 1723.

ET DE BADEN,

En 1724.

Le traité de la grande alliance fut conclu à la Haye, le 7 de septembre 1701; il étoit le fruit du reffentiment du roi Guillaume, & l'effet de fon habileté à profiter du dépit, dont la proclamation de Jaques III, à SaintGermain, animoit la nation Angloife. L'invafion des Etats d'Italie par les troupes de France, la rupture de la barriere, & le commerce des indes occidentales, étoient les raifons des trois puiffances contractantes qui s'uniffoient pour se procurer mutuellement fur ces points une fatisfaction au

gré de chacune. Leurs forces devoient agir de concert, en Europe. Dans les deux Indes, chacune devoit agir pour foi, & garder ce qu'elle pourroit conquérir. Les autres puiffances étoient invitées à entrer dans l'alliance; & on s'engageoit à ne point traiter de la paix fans un confentement unanime.

Après la mort du roi Guillaume, Louis XIV, pouvoit rompre cette ligue, en faisant aux Provinces-Unies de plus grands avantages, que ceux qu'elles fe promettoient de leur union avec l'empereur & l'Angleterre. Ses miniftres négligerent ce procédé d'une politique commune. Loin de raffurer les Etats-généraux fur leur barriere, par l'offre de féqueftrer les Pays-bas Espagnols entre leurs mains, jufqu'à ce que Philippe V univerfellement reconnu, fit avec eux un accommodement perpétuel; la cour de Versailles en promit la donation à l'électeur de Baviere, au nom de celle de Madrid; & pour prévenir les plaintes des Efpagnols fur le démembrement de la monarchie, que le teftament de Charles II défendoit, elle les flatta du projet chimérique de récompenfer la perte des Pays-bas, par la conquête du Portugal.

Quelque fecret que fût cet engagement avec l'électeur de Baviere, les alliés le pénétrerent; & ils s'en fervirent pour fermer toutes les voies aux traités particuliers, capables de rompre la grande alliance, ou de la borner aux trois premiers contractans. Le roi de Portugal perfuadé que la France avoit pris fon parti, pour ce qui le regardoit, refufa d'entendre à fes propofitions; & les Etats-généraux ne virent plus que dans les fuccès de leurs armes les moyens d'obtenir une barriere. La postérité aura peine à croire que la cour de Verfailles ait dérogé gratuitement au teftament, dont elle faifoit fon principal titre, & qu'elle y ait dérogé fi malheureufement, que, pour un allié qui ne lui offroit pas le moindre retour de sa libéralité, elle ait mis dans la néceffité, de lui faire la plus rude guerre, un voifin puiffant, dont elle pouvoit fe faire au même prix un allié plein de zele & d'affection. Rien n'obligeoit les deux rois à faire un fi bon parti à l'électeur de Baviere, puifque ce prince n'étoit pas en état de tenir contr'eux les places fortes du Pays-bas, où fa qualité de gouverneur général lui donnoit de l'autorité: puifque, fur des promeffes vagues de l'en récompenfer, il y avoit introduit leurs troupes; puifqu'enfin, menacé du ban de l'Empire par l'empereur, il n'étoit plus en fituation, à espérer que les grands alliés lui fiffent des conditions avantageufes.

Louis XIV, n'ayant pas réuffi à fe réconcilier la nation Angloise, qui n'avoit dans la grande alliance aucun autre intérêt actuel, que le maintien de l'ordre de fucceffion, qu'elle avoit établi; la reine Anne, livrée au confeil, , que Guillaume lui avoit laiffé, & dont les principaux membres, nourris dans fa politique & fa jaloufie contre Louis XIV fondoient la grandeur de l'Angleterre fur la fupériorité de la maifon d'Autriche, adopta le plan de fon prédéceffeur, & parut fe paffionner pour fon éxécution.

Par-tout

Par-tout où Louis XIV porta fes armes, il fe trouva des troupes Angloifes, qui en foutinrent, & repoufferent l'effort. Les généraux François perdirent contre le général Anglois leur ancienne fupériorité; & les armées Françoises ne furent plus animées de cette confiance, qui avoit fixé la victoire de leur côté, pendant un demi-fiecle. L'Allemagne & les Paysbas durent leur falut aux Anglois. Le duc de Savoie, toujours battu, lorfqu'il n'étoit aidé que des Impériaux & des Espagnols, fe défendit heureufement, & en vint à l'offenfive, avec le fecours des Anglois. La reine lui envoya des officiers, qui apprirent aux fiens à vaincre un ennemi, que jufques-là ils ne favoient que hair. Elle tint par fes flottes les côtes de France en inquiétude : elle troubla, elle ruina, par fes efcadres, le commerce des deux couronnes : elle nourrit de fon argent la rebellion au centre de la France: elle fit fon affaire particuliere du détrônement de Philippe V. Ce furent fes généraux, fes troupes, & fon argent, qui firent la guerre en Espagne. Ainfi que l'empereur l'avoit efpéré, l'Angleterre compta pour un grand facrifice, qu'il faifoit à l'alliance, la réfignation qu'il donna, en faveur de l'archiduc puîné, de fes prétentions fur la monarchie Efpagnole; & elle prit fur foi de la faire valoir.

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Quel que dut être le fuccès de la guerre, cette ardeur & cette paffion des Anglois en affuroit les principaux fruits à la maifon d'Autriche, qui en faifoit les moindres frais. Il n'y avoit point à craindre qu'une nation, auffi jalouse de fa gloire, abandonnất l'archiduc dans des prétentions, qu'elle s'étoit déterminée à foutenir avec tant d'éclat; & le corps germanique déclaré, auffi hautement qu'elle, en faveur de ce prince, ne pouvoit manquer de fe prendre d'émulation, & de fermer les yeux à tout autre intérêt. Cette confiance enhardit l'empereur Jofeph à des entreprises, qui avoient effrayé Léopold fon pere: tandis que le corps germanique étoit occupé de la grandeur de fa maifon, il ne craignit point d'attenter à fa liberté, & de lui annoncer, par un trait du defpotifme le plus hardi, les chaînes qu'il fe forgeoit, en travaillant pour l'accroiffement de la puiffance

Autrichienne.

Les électeurs de Baviere & de Cologne, déclarés ouvertement pour la France, avoient tenu contre les follicitations de Léopold aux dietes, pour les faire mettre au ban de l'Empire. Le premier, chaffé de fes Etats, après avoir ravagé à la tête d'une armée Françoife, les plus belles contrées de l'Allemagne, avoit encore trouvé les trois colleges affez éclairés fur leur reffentiment, pour ne pas facrifier à leur vengeance la plus précieuse prérogative des électeurs & des princes; & Léopold alarmé des difcuffions inféparables d'une procédure, qu'on lui demandoit dans les formes, avoit laiffé fon ennemi jouir du droit, que la paix de Weftphalie affura aux fouverains de l'Empire, de s'allier felon qu'ils fe le jugent avantageux. L'électeur, de concert avec l'archevêque fon frere, s'étoit fait un bouclier de la diftinction entre le chef de l'Empire & le chef de la maison Tome XXIX.

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