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TEMPLE. (WILLIAM ou GUILLAUME) Négociateur

Anglois.

WILLIAM TEMPLE étoit une créature du lord Arlington, qui étant

fecrétaire-d'Etat, & ayant la confiance du roi fon maître, fit donner la réfidence de Bruxelles à fon ami. Ce fut par cet emploi qu'il entra dans les affaires, dont il acquit quelque connoiffance fous les aufpices de ce grand homme-d'Etat. Il paffa de Bruxelles en Hollande, dans un temps, où P'invafion que les François avoient faite dans le Pays-Bas, fembloit rendre les intérêts de l'Angleterre & des Provinces-Unies inféparables. Lorfque M. Temple arriva à La Haye, il trouva le premier miniftre difpofé à écouter toutes les ouvertures qui pouvoient fervir à faire arrêter le progrès des armes de France, & à recevoir avec joie les propofitions qu'il y fit d'une nouvelle alliance. Elle fut propofée, négociée & conclue en quatre ou cinq jours: les députés de l'affemblée des Etats-généraux jugeant que dans cette conjoncture, où il étoit queftion de s'acquérir le roi d'Angleterre, on pouvoit bien paffer par-deffus les formes & en ufer un peu cavaliérement. Temple travailla après cela à une triple alliance, où on fit entrer la Suede, & enfuite une alliance défenfive particuliere entre le roi fon maître & ces provinces. Mais tous ces traités étoient à peine conclus, que le roi de la Grande-Bretagne, prenant de nouveaux engagemens avec celui de France, celle-ci fit révoquer Temple, qui demeura depuis ce temps-là fans emploi, jufques à ce que la paix étant faite entre l'Angleterre & les Provinees-Unies, en l'an 1674, le lord Arlington, qui lui continuoit fa protection, ie fit renvoyer à La Haye, comme ambaffadeur extraordinaire, & enfuite à Nimegue avec la qualité d'ambaffadeur plénipotentiaire pour la paix générale. Il y refta environ un an, au bout duquel il eut ordre ou a faires fur permiffion de fe retirer en Angleterre. Les Remarques qu'il l'état des Provinces-Unies, & quelques autres pieces, qu'il n'a communiquées qu'à fes amis, font connoître que c'eft un miniftre, qui a de trèsgrandes parties, & qui eft capable de fervir le roi fon maître, en des emplois de cette nature. Il a publié fes remarques après fa premiere ambaffade; on espéroit les voir augmentées & rectifiées en quelques endroits après la feconde. Je ne fais fi elles l'ont été.

Outre fes remarques fur l'état des Provinces-Unies des Pays-Bas, nous avons de lui plufieurs volumes de lettres écrites durant fes ambaffades & des Mémoires de ce qui s'eft paffé dans la chrétienté, depuis le commencement de la guerre de 1672, jufqu'à la paix conclue en 2679. Tous ces ouvrages font en anglois. Ce dernier renferme bien des chofes particulieres & curieufes. Temple y parle d'une premiere partie qui finit à l'an 1671,

mais qui n'a jamais vu le jour. Nous apprenons par la préface de Jonathan Swift, qui eft à la tête de la troifieme, que l'auteur avoit jeté au feu cette premiere partie, parce qu'il s'étoit brouillé avec le comte d'Arlington, qui y jouoit un rôle honorable.

SI

TEMPS, f. m.

Emploi du Temps,

I une fois on admet que l'homme eft créé & placé fur cette terre, pour y travailler pendant le féjour qu'il y fait, à fa perfection, & que le degré de fon bonheur à venir dépendra de celui de la perfection qu'il aura acquife dans ce premier période de temps qui eft pour lui comme un temps d'apprentiffage; il fuit qu'il eft tenu i°. par fon devoir, c'eft-à-dire par une fuite de fes relations avec fon créateur, à faire tout l'ufage poffible de tous les inftans de fon existence préfente, pour perfectionner chacune de fes facultés. 2°. Par fon propre intérêt à pouffer auffi loin qu'il le peut, fes progrès vers cette perfection qui décidera du degré de perfection & de bonheur qui caractériseront fon état dans la vie à venir. Cet emploi du Temps dont notre devoir & notre intérêt nous impofent l'obligation, confifte d'un côté à ne point paffer d'inftans inutilement, & de l'autre à les employer tous de la maniere la plus avantageufe aux progrès vers la perfection de nos facultés. Que fera le jeune homme fi fon enfance a été confacrée à endormir fes talens faute d'exercice, ou à contracter des vices qu'il lui faudra combattre enfuite? Que fera l'âge mûr, fi la jeuneffe s'eft paffée dans l'oifiveté à l'égard du bien, ou dans les actes qui donnent l'habitude du mal? L'efprit fans lumieres acquifes par l'étude & l'expérience, la raifon fans droiture, fans jufteffe, acquifes par l'examen, la réflexion & le raisonnement; le cœur fans probité, fans bonté, fans goût de préférence efficace pour le bien, acquis par la pratique de la vertu, & par l'habitude de confulter la confcience; une jeuneffe paffée dans le déréglement & l'oifiveté conduit à un âge mûr inutile & fans capacité, qui eft suivi d'une vieilleffe méprifable, & à charge à foi-même & aux autres; la mort alors eft la fin d'un Temps deftiné à un apprentiffage effentiel, mais qui a été confacré à ce qui ne pouvoit fervir qu'à nuire au fuccès du feul ouvrage que nous avions à faire; la porte de la félicité eft fermée à celui qui atteint la fin de fes jours fans en avoir fait usage, où bien ce bonheur eft reculé d'autant que notre négligence à employer le Temps de notre vie, a retardé les progrès que nous avions à faire.

Pour les affaires même de la vie préfente, le non-emploi ou le mauvais emploi du Temps eft toujours extrêmement nuifible, les jours fe paffent

fans qu'on en tienne compte; on parvient au moment d'agir, & notre négligence le voit arriver fans que nous nous foyons mis en état d'exécuter rien de ce à quoi nous étions appellés; nous arrivons toujours trop tard.

Quel cas faire dans la fociété de ces gens oififs qui ne s'employent à rien poids inutiles à la terre, ils n'y fervent que comme des gouffres dans lefquels on jeteroit tout ce qu'ils dépenfent pour leur entretien & leurs plaifirs.

La philofophie morale & la religion nous apprennent que le Temps nous eft donné pour l'employer à notre perfection, & à celle de nos femblables; elles fe réuniffent pour nous en faire un devoir, elles nous offrent mille réflexions fur le peu de durée de ce Temps qui nous eft donné fur la rapidité de fa course, fur l'importance de fon emploi; mais ces réflexions acquierent encore plus de force, d'éclat, d'agrément & de coloris, quand elles font revêtues des charmes de la poéfie; c'eft ce qu'a fait voir M. Thomas, dans une ode qui a remporté le prix de l'académie françoise en 1752. Sa beauté nous engage à la tranfcrire ici toute entiere, pour être un monument durable à la gloire de l'auteur.

Le compas d'Uranie a mefuré l'espace.

O Temps, étre inconnu que l'ame feule embraffe,
Invincible torrent des fiecles & des jours,

Tandis que ton pouvoir m'entraîne dans la tombe,
J'ofe, avant que j'y tombe,

M'arréter un moment pour contempler ton cours.
Qui me dévoilera l'inftant qui t'a vu naître ?
Quel œil peut remonter aux fources de ton étre?
Sans doute ton berceau touche à l'éternité.
Quand rien n'étoit encore, enfeveli dans l'ombre
De cet abime fombre,

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Ton germe y repofoit, mais fans activité.
Du cahos tout-à-coup les portes s'ébranlerent;
Des foleils allumés les feux étincelerent
Tu naquis; l'éternel te prescrivit ta loi.
Il dit au mouvement, du Temps fois la mesure.
Il dit à la nature,

Le Temps fera pour vous, l'éternité pour moi.
Dieu, telle eft ton effence: oui, l'océan des Ages
Roule au-deffous de toi fur tes freles ouvrages,
Mais il n'approche pas de ton tróne immortel.
Des millions de jours qui l'un l'autre s'effacent,
Des ficcles qui s'entaffent

Sont comme le néant aux yeux de l'Eternel.

Mais moi, fur cet amas de fange & de pouffiere
Envain contre le Temps, je cherche une barriere;
Son vol impétueux me preffe & me pourfuit;
Je n'occupe qu'un point de la vafle étendue;
Et mon ame éperdue

Sous mes pas chancelans, voit ce point qui s'enfuit.
De la deftruction tout m'offre des images.
Mon œil épouvanté ne voit que des ravages;
Ici de vieux tombeaux que la mouffe a couverts;
Là des murs abattus, des colonnes brifées,
Des villes embrasées,

Par-tout les pas du Temps empreints fur l'univers.
Cieux, terres, élémens, tout eft fous fa puiffance:
Mais tandis que fa main, dans la nuit du filence,
Du fragile univers fape les fondemens;

Sur des ailes de feu loin du monde élancée,
Mon adive pensée

Plane fur les débris entaffés par le Temps.
Siecles qui n'êtes plus, & vous qui devez naître,
J'ofe vous appeller; hátez-vous de paroître :
Au moment où je fuis, venez vous reunir.
Je parcours tous les points de l'immenfe durée,
D'une marche affurée;

J'enchaîne le préfent, je vis dans l'avenir.
Le foleil épuisé dans fa brûlante course

De fes feux, par degrés, verra tarir la fource;
Et des mondes vieillis les refforts s'uferont.
Ainfi que les rochers qui du haut des montagnes
Roulent dans les campagnes,

Les aftres l'un fur l'autre un jour s'écrouleront.
Là de l'éternité commencera l'empire;

Et dans cet océan, où tout va fe détruire
Le Temps s'engloutira comme un foible ruiffeau.
Mais mon ame immortelle aux fiecles échappée
Ne fera point frappée,

Et des mondes brifes foulera le tombeau.

Des vaftes mers, grand Dieu, tu fixas les limites,
Ceft ainfi que des Temps les bornes font prefcrites.
Quel fera ce moment de l'éternelle nuit?

Toi feul tu le connois; tu lui diras d'éclorre;
Mais l'univers l'ignore;

Ce n'est qu'en périffant qu'il en doit étre inftruit. Quand l'airain frémissant autour de vos demeures Tome XXIX.

P

Mortels, vous avertit de la fuite des heures,
Que ce fignal terrible épouvante vos fens.
A ce bruit tout-à-coup mon ame se réveille,
Elle préte l'oreille

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Et croit de la mort méme entendre les accens.
Trop aveugles humains, quelle erreur vous enivre!
Vous n'avez qu'un infant pour penfer & pour vivre,
Et cet inftant qui fuit eft pour vous un fardeau.
Avare de fes biens, prodigue de fon étre,

Dès qu'il peut fe connoître

L'homme appelle la mort & creufe fon tombeau.
L'un courbé fous cent ans eft mort dès fa naissance,
L'autre engage à prix d'or fa vénale existence;
Celui-ci la tourmente à de pénibles jeux;
Le riche fe délivre au prix de fa fortune
Du Temps qui l'importune;

C'eft en ne vivant pas que l'on croit vivre heureux.
Abjurez, 6 mortels, cette erreur infenfée.

L'homme vit par fon ame, & l'ame eft la pensée.
C'est elle qui pour vous doit mefurer le Temps.
Cultivez la fageffe: apprenez l'art fupréme
De vivre avec foi-même,

Vous pourrez fans effroi compter tous vos inflans.
Si je devois un jour pour de viles richesses
Vendre ma liberté, defcendre à des baffeffes;
Si mon cœur par mes fens devoit étre amolli;
O Temps, je te dirois, préviens ma derniere heure ;
Hate-toi, que je meure!

J'aime mieux n'être pas, que de vivre avili.
Mais fi de la vertu les généreufes flames
Peuvent de mes écrits paffer dans quelques ames;
Si je puis d'un ami foulager les douleurs;
S'il eft des malheureux dont l'obfcure innocence
Languiffe fans défenfe,

Et dont ma foible main doive effuyer les pleurs.
O Temps, fufpens ton vol, refpede ma jeuneffe,
Que ma mere long-temps témoin de ma tendreffe,
Reçoive mes tributs de refped & d'amour!
Et vous, gloire, vertu, deeffes immortelles,
Que vos brillantes ailes

Sur mes cheveux blanchis fe repofent un jour.

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