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PRÉCÉDÉES DE

LA CHASSE SOUS LES VALOIS

Par le comte Hector de LA FERRIÈRE.

Paris, Auguste Aubry, petit in-8, papier vergé. Prix: 7 fr. 50.

« Monsieur de la Roche,..... Je ne vous ai point écrit, je vous prie de m'en tenir pour excusé, car la cause qui m'en a gardé est que je n'ai point bougé d'ici d'avec la dame de ceans, sinon depuis quinze jours que le Roi y vient..... ledit seigneur est allé tout droit à Saint-Germain et moi ici pour voir la dame de céans, et est tant grand son ventre que je crois qu'elle ne portera plus grand fonguement. Je laisse ce propos pour vous dire que, au regard d'oiseaux, j'en suis assez fort pour cette heure, car j'ai trois vols pour MiIan, etc. » Anet, janvier 1518. Brézó.

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«Monseigneur mon Maréchal (de Montmorency), si..... veux-je vous avertir de la chèrè que nous faisons pour cette heure, c'est que le Roi soupe souvent en petite compagnie chez madame l'Amirale (Bonnivet) et à ma chambre, là où il doit faire des beignets après diner.... j'ai perdu un de mes bons sacrets pour Milan que jamais homme vit, et pour achever mon malheur, etc..... » Blois, 11 février 1521. Brézé.

M. de La Ferrière a raison. Malgré le mausolée de Jean Goujon, malgré de brillants faits de guerre et de chasse, Louis de Brézé, comte de Maulévrier, grand sénéchal de Normandie, n'a qu'un titre auprès de la postérité, c'est d'avoir été le mari de Diane de Poi

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tiers. Quelque épris que soit le lecteur du a noble et recommandable art de la vénerie », il sera plus affriandé par les passages que nous venons de citer que par le reste des vingt-six lettres, traitant de l'éducation des sacres et de l'accouplement des limiers, écrites par Louis de Brézé et publiées par M. le comte de La Ferrière.

Le mari de la « dame de céans » est plus moqué des Gaulois que loué des Francs. Est-ce justice?

Jusqu'où faut-il faire remonter la liaison coupable de ces deux amis d'enfance, -Henri d'Angoulème et Diane de Poitiers?

En janvier 1518, le roi François Ier n'avait guères que 23 ans ; il avait, ainsi que Diane, un peu moins de 4 ans de ménage; Diane qui n'avait pas 18 ans et la bonne reine Claude, plus âgée d'un an, étaient dans le même état de grossesse avancé, · Henri II étant né le 31 mars 1518, 18 ans jour pour jour après Diane. Le jeune roi « faisait grand'chère » chez le sénéchal de Normandie où « y avait force demoiselles de distinction et toutes belles », Louis de Brézé était un peu mûr pour toute cette folâtre jeunesse, ayant une vingtaine d'années de plus que le Roi, mais comment supposer de la complaisance ou de l'aveuglement chez ce quadragénaire, vert chasseur si content de sa dame et de son seigneur ? c'est pour le coup que grand veneur n'eût pas chassé de race. Il connaissait le faible des rois de France, étant petit-fils d'Agnès Sorel. Il savait comment on panit l'adultère; il avait l'âge de raison lors du drame de Romiers; en qualité de fils aîné, il avait dû hériter du poignard avec lequel Jacques de Brézé avait tué Charlotte et son complice.

L'indulgence n'est-elle pas plutôt ici d'accord avec la raison ? Cette gaillarde et chevauchante jeunesse ne faisait-elle pas plus de tapage que de mauvaise besogne? n'y avait-il pas assez de galanterie au soleil pour assouvir le cœur de toute cette chevalerie et la garder des intrigues traîtresses et mystérieuses? Si Diane fut aimée de François Ier à la façon des autres favorites, ne peut-on supposer que celle qui garda si longtemps le privilége des royales amours n'en subit la honte dorée qu'après la mort de son mari? La dernière lettre de Louis de Brézé est du 11 septembre 1530, elle est datée d'Anet, adressée au maréchal de Montmorency, et la dernière phrase est un post-scriptum ainsi conçu: «La dame de céans se recommande à votre bonne grâce. » Séduisante dame de céans, beauté patiente et

quasi éternelle, pourquoi le roi chevalier que tu aimais sans doute comme les autres aurait-il donné à sa maîtresse et refusé à son amie la grâce de ton père? Et si, en qualité de femme tu connaissais toutes les ruses d'amour, comment le roi se fût-il tenu vis-à-vis du sénéchal assez pour lui faire écrire : Sans la bonté et la gracieuseté du maítre, j'étais un des gentilshommes le plus déplaisant, mais l'espérance que j'ai de la connaissance qu'il a de ses bons serviteurs m'a déchargé de la part du plus grand ennui... Ledit scigneur m'a fait de l'honneur beaucoup et de la bonne chère plus qu'il n'appartient à un homme de mon état, car il a voulu que j'aie toujours été appelé au conseil et à la dépêche de ses affaires. Dame d'Anet, n'as-tu pas quelques années d'honnêteté à mettre dans la balance vis-à-vis tes trente ans de séduction, ne pourrais-tu t'agenouiller sans remords vis-à-vis des images sacrées dans la cathédrale de Rouen ? Pour moi j'aime à croire que tu vins à mal petit à petit et que ta devise était une prophétie : Tant grate chèvre que mal giste. Bienheureuses lettres, en tous cas, celles de Louis de Brézé, qui crèvent les ampoules et cassent comme jouets d'enfants les mots d'une coudée de S. M. Victor Hugo! Comme le « sénéchal bossu » déconcerte Triboulet et rend niaises ses folies! Quelle admirable rhéthorique! Mais quelle syntaxe puérile! les beaux vers, par Apollon et Corneille! et que le vieux Saint-Vallier querelle bien, suivant le précepte d'Horace, Iratusque chremes tumido delitigat ore. Mais comme l'histoire est falsifiée pour les besoin de la claque! J'ai cherché en quelle année l'auteur a placé le drame de le Roi s'amuse; il est prudent; au-dessous de la liste des personnages, il a écrit: Paris, 152..., 23 ou 24 probablement, puisque le procès de Saint-Vallier eut lieu en 1523 et que le roi partit pour l'Italie en octobre 1524. Le Roi s'amuse doit se passer à l'époque où Louis de Brézé écrivait la lettre citée plus haut, - janvier 1524. Or, en ce temps, la cour était à Blois et ne se souciait guères de Paris; Clément Marot était à Alençon, le roi et son sénéchal étaient compères et compagnons; nul ne savait si Diane était chaste ou non, le vieux Saint-Vallier se cachait et tremblait la fièvre, et la pauvre reine Claude mourait en langueur; explique qui pourra les injures de Triboulet au sénéchal devant le roi et « les plaisirs de vieillard reprochés à un «< jeune homme de trente ans, et la reine « jolie » qui laisse jouer Tribou

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let sur son lit comme un chien, etc. Patatras! Ossa sur Pélion! comme tout cela s'écroule. Grand Victor, ô mon maître, tu es bien le plus admirable ouvrier qui ait jamais exercé le métier de poésie, mais l'or que tu cisèles n'est pas sans alliage. Tel se croit MichelAnge et n'est que le Bernin. C'est la postérité qui juge et met chacun à son rang.

Publier des lettres de chasses écrites sous un Valois, se sentir quelques documents nouveaux dans la main et ne point aller jusqu'à Charles IX, eût été résister à la plus légitime des tentations. Aussi M. le comte de La Ferrière a-t-il consacré huit chapitres intéressants à la chasse sous les Valois. C'était bien le vrai temps de la chasse royale, à cor et à cri, venalio clamosa, le glorieux passe-temps des gentilshommes français, anglais et polonais, où le gibier se force et ne se tue pas, noble exercice qui n'était pas encore trop entaché de la roture des chasses à l'allemande et à l'italienne, où l'on se servait de rêts, de panneaux et d'épieux. Les dames couraient le cerf.

La jambe au vent, le toquet en tête, la reine Eléonore (1) et la dauphine Catherine chevauchaient comme Diane et les poëtes lauréats chantaient les dames et la chasse, Ronsard quittait sa lyre pour sonner de la trompe.

M. de La Ferrière n'a cu garde d'oublier le mâchelaurier mendomois. Mais puisqu'il le signalait comme poëte de vénerie et ami de Charles IX, comment n'a t-il pas cité les deux strophes suivantes de

(1) Si le roi François, suivant un passage d'une lettre déjà citée, avait en sa chambre un jeune chien « le meilleur que l'on vit oncques, la « Royne Eleonor» avait Mignonne.

Mignonne naquit aussi grande
Quasi comme vous la voyez
Mignonne vaut (et m'en croyez)
Un petit trésor, aussi est-ce
Le passe-temps et la liesse
De la Royne à qui si fort plaît
Que de sa belle main la prit.
Mignonne est la petite chienne
Et la Royne est la dame sienne

Mais elle n'était morceau de personne, pas même du chien du roi.

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l'ode III du livre II, dans lesquelles Ronsard prête à Catherine un goût de jeunesse que M. de La Ferrière, après Brantôme, signale comme lui étant venu plus tard, par nécessité de position?

Les vers qui sont à l'enfant (1)
Commenceront par la mère,
Laquelle du quatorze ans
Portant au bois la sagette,
La robe et les arcs luisans
Aux pucelles de Taygète;
Son poil au vent s'ébattait
D'une ondoyante secousse
Et sur le flanc lui battait;
Toujours la trompe et la trousse,
Toujours dès l'aube du jour
Allait aux forêts en quête
Ou de rêts tout à l'entour
Cernait le trac d'une bête,
Ou prenait les cerfs au cours,
Ou, par le pendant des roches,
Sans chiens abattait les ours

Et les sangliers aux dents croches.

Peut-être notre savant ami fait-il à tous ses lecteurs l'honneur de croire qu'ils savent Ronsard par cœur, autrement, pendant qu'il était en train de ronsardiser, comment n'a-t-il pas pris pour épigraphe de son chapitre VII les vers suivants?

Eurymódon (2) entrait aux jours de son printemps;
Son plaisir, son déduit, ses jeux, ses passe-temps
Etaient par le travail d'honorer sa jeunesse ;
Son corps était adroit, son esprit généreux;
Dédaignant, comme un prince actif et vigoureux,
De rouiller au logis ses beaux ans de paresse;
C'était un méléagre au métier de chasser;
Il savait par sur tous laisser courre et lancer,
Bien démêler d'un cerf les ruses et la feinte,
Le bon temps, le vieil temps, l'essui, le rembûcher,
Les gaignages, la nuit, le lit et le coucher,
Et bien prendre le droit, et bien faire l'enceinte.
Et comme s'il fût né d'une nymphe des bois,
Il jugeait d'un viel cerf à la perche, aux espois,
A la meule, andouillers et à l'embrunissure,
A la grosse perlure, aux gouttières, aux cors,

(1) François II.

(2) « Late regnans, comme qui dirait grand roi. »

(MARCASSUS, note sur Ronsard.)

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