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énergiques qui ébranlent son tympan. M. Delcasso trouve une différence bien marquée entre la pompe déclamatoire de la Marseillaise, par exemple, et les inspirations purement démocratiques, entre les couplets artistement grivois d'un Collé, les chansons élégamment poissardes d'un Vadé, et le débraillé des vers agrestes, nés sous la tente, dans l'atelier, dans la grange ou dans la taverne. Il ne peut, ditil, donner la qualification de populaires qu'aux chants faits par le peuple et pour le peuple, où il rencontre une veine de l'esprit français, un peu grossière, il est vrai, mais intéressante à suivre et à observer. Le choix des sujets, les pensées, les sentiments, les formes de la composition, le style, le rhythme, tout appelle l'attention du moraliste et du critique.

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La matière est des plus amples; M. Delcasso se borne à indiquer la voie, en évoquant quelques souvenirs personnels. passe d'abord en revue un certain nombre de couplets qu'il a recueillis, enfant, de la bouche même de ses camarades, citant de mémoire les paroles, telles qu'elles avaient cours à Paris dans le petit cercle où il a grandi vers le commencement du siècle. L'énumération embrasse des chansons enfantines, entre autres celles du Colimaçon, du Hanneton; du Ramoneur, de la Marmotte; des chansons goguenardes, écloses dans les guinguettes des barrières; les légendes de la Palice, de Cadet-Rousselle.

L'auteur s'arrête un peu plus longtemps à l'analyse de quelques rondes, compositions assez étendues, souvent dialoguées et presque dramatiques. Les Trois Tambours, la Violette, le Testament de l'únesse, le Bedeau de SaintGilles, donnent lieu à des observations rhythmiques fort in

téressantes.

Les poëmes cités ne brillent pas par une grande délicatesse d'esprit et de sentiment; ce qui les caractérise plus

particulièrement, c'est que l'accent tonique y concorde assez bien avec l'air. Suivant M. Delcasso, le peuple, guidé par l'instinct de l'oreille, imprime à ses vers improvisés une exactitude prosodique, souvent inconnue aux versificateurs lettrés et aux librettistes d'opéras. Ces considérations appliquées à la chanson de Malbroug ont motivé un certain nombre de rectifications, qui ont tous les caractères d'une restitution du texte primitif.

L'auteur du mémoire cite, en terminant, quelques.couplets militaires ou politiques, relatifs aux événements du premier Empire et de la Restauration, pièces restées inédites, pour la plupart, à cause de leur naïve rusticité et des caprices qui les ont produites, et conclut par un regret et par un vœu, exprimé par M. de Gérando, qui, affligé de voir la jeunesse française comme empoisonnée par tant de mélodies triviales, d'images ignobles et de maximes malsaines, aurait désiré que Béranger mît son merveilleux talent au service de nos écoles.

Cette lecture est vivement applaudie; parmi les membres présents, il en est peu qui ignorent que l'auteur du mémoire a consacré son beau talent à la réalisation du vœu qu'il a cru devoir rappeler à la fin de son travail.

M. Spach commence la lecture d'un mémoire intitulé: Euloge Schneider comme poëte et écrivain.

L'auteur, après avoir esquissé rapidement le portrait de cet homme ambitieux, impatient du joug, dévoré de passions ardentes, dont la figure sinistre apparaît avec un certain éclat au milieu des scènes sanglantes de la Terreur, nous le montre tour à tour recueilli par le chapelain de son village de Franconie, recevant de ce prêtre charitable les premiers éléments de l'instruction, puis élève du gymnase des jésuites de Würzbourg et de l'académie de cette ville, puis contraint, à la suite de déplorables excès, d'entrer

dans le couvent des Franciscains de Bamberg. Ses supérieurs, voulant sans doute lui imposer un frein salutaire, l'envoient bientôt après à Augsbourg avec la mission d'y enseigner l'hébreu; ses succès oratoires fixent sur lui l'attention du duc de Wurtemberg, qui l'appelle à sa cour en qualité de prédicateur, et, trois ans après, en 1789, l'électeur de Cologne l'attire à l'université de Bonn, où il accepte la chaire de grec et d'humanités. Il reste dans cette ville jusqu'en 1791, époque à laquelle, forcé de donner sa démission, il vient s'établir à Strasbourg, où ses destinées s'accomplissent.

Tel est l'homme que M. Spach s'est chargé de dépeindre sous un aspect tout nouveau, mêlant dans sa polémique passionnée la religion, la poésie, la politique, et ne parvenant jamais, même dans ces jours néfastes où la révolution le mit si tristement en évidence, à effacer en lui le caractère indisciplinable du moine réfractaire.

Cette lecture intéressante sera continuée dans la prochaine séance.

La séance est levée à 9 heures.

Séance du mardi 27 novembre 1866.

Présents MM. SPACH, président; BÉCOURT, BECK, CAMPAUX, ESCHENAUER, GOGUEL, l'abbé Guerber, Kirschleger, LEMAISTRE-CHABERT, KIENLEN, RAULIN, DE SCHAUENBURG, SCHNITZLER.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. Il est procédé à l'élection de M. Guibal, professeur d'histoire au lycée, proposé dans la dernière séance; M. Guibal obtient l'unanimité des suffrages exprimés.

M. Spach dépose sur le bureau les ouvrages suivants :

Revue de l'Est, numéros de juillet et août 1866; Bulletin de la Société d'archéologie, sciences, lettres et arts de Melun, 3e année, 1er fascicule.

Sur la demande de M. le président, on procède à la rédaction du programme des lectures publiques, qui devra être soumis à l'approbation du Ministre. Ce programme est arrêté provisoirement ainsi qu'il suit :

M. Gransart les Conteurs modernes, Hoffmann et Edgar Poe;

M. Kirschleger: Sur Hebel;

M. Lederlin Sur un sujet de philosophie du droit;
M. Guibal: Sur Herder;

M. Spach Romans de Goethe; Hamlet de Shakespeare;
M. Goguel: Sujets d'histoire et de philologie;

M. Grucker: Un sujet de philosophie.

M. Spach annonce que les lectures publiques ne recommenceront que le 15 janvier prochain, la salle de la Mairie n'étant disponible qu'à cette époque.

M. le président annonce que l'assemblée générale annuelle de la Société des sciences, arts et agriculture du Bas-Rhin aura lieu dimanche, 16 décembre; M. Goguel y prendra la parole au nom de la Société littéraire.

Il est donné lecture d'une lettre de M. le Préfet, annonçant que le Conseil général du Bas-Rhin a voté pour 1867 une subvention de 500 fr. en faveur de la Société.

M. Spach achève la lecture de son mémoire sur Euloge Schneider.

Le séjour que Schneider fit à Bonn a été fécond en publications; en effet, il fit paraître, presqu'en même temps, un recueil de sermons, qui fut assez bien accueilli, un catéchisme, qui souleva une réprobation presque générale, et un volume de poésies lyriques, où il se montre en beaucoup d'endroits imitateur brutal et maladroit de Wieland. Il y a

bien çà et là quelques échappées de vue heureuses sur l'époque de son enfance, mais on y chercherait en vain un talent réel de versification et de conception ou des pensées originales. C'est l'œuvre d'un auteur sensualiste, déclamateur, se révoltant contre toute espèce de discipline.

Dès son arrivée à Strasbourg, où il avait été appelé en 1791 par le maire constitutionnel, Fréd. de Dietrich, Schneider fut nommé prédicateur par l'évêque constitutionnel et chargé de l'enseignement de l'éloquence sacrée au séminaire catholique. Dès l'année suivante, déjà, il passa au parti des Jacobins et se fit éditeur d'un journal politique, intitulé: l'Argus, où il ne cessa de se montrer violent, haineux, calomniateur, brûlant tout ce que naguère il avait adoré. M. Spach lit quelques extraits traduits de ce journal, entre autres un morceau intitulé: Correspondance secrète entre la cathédrale de Fribourg en Brisgau et celle de Strasbourg, et un discours prononcé en novembre 1793 lors de l'inauguration du décadi. Presque tous ces articles sont marqués au coin des principes démagogiques les plus exaltés et les plus furibonds.

Lorsque Schneider eut été nommé accusateur public, sa verve poétique se trouva-t-elle tarie? Cela n'est pas à croire, à en juger par les publications de l'Argus; mais on comprend quelle a dû être l'inspiration de cet homme toujours prêt à batailler et qui promena la guillotine dans la plupart des localités importantes du Bas-Rhin. Il succomba luimême sous les attaques de la faction Monnet; après avoir été exposé au pied de la guillotine sur la grande place de Strasbourg, il fut transféré à la Conciergerie de Paris, où il se montra lâche et perfide pendant le temps de sa détention, et mourut sur l'échafaud en avril 1794.

La séance est levée à 9 heures.

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