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mais ce dernier, cet esprit éminent, encyclopédique, Schlegel, le premier révélateur de la littérature sanscrite, l'appréciateur fin et habile des poëtes dramatiques grecs et anglais, n'est point jugé avec une entière impartialité par M. Colin. Ce qui me sourit le plus dans l'oeuvre de notre collègue, c'est moins la partie esthétique, ce sont moins les recherches sur les origines de l'action et de l'art comique, que ses chapitres érudits sur Épicharme, sur le caractère et l'influence de ce poëte sicilien. On y recueille, sans fatigue, une instruction variée sur une partie moins connue et encore en litige de la poésie dramatique grecque. Certains chapitres précédents, au contraire, - par exemple, celui sur la danse, ne me paraissent pas libres de toute afféterie. Le caractère de M. Colin le portait quelquefois irrésistiblement vers le paradoxe, et ce qui dans l'improvisation ou la parole rapide d'un cours public attache et charme un auditoire mixte, ne résiste pas toujours à l'épreuve plus calme de la lecture.

Il n'est personne d'entre vous, Messieurs, qui ne sache quelle a été la carrière parcourue par M. Colin à Strasbourg même; ses antécédents, avant d'arriver ici, sont moins connus.

« Né à Épinal, en septembre 1801, et fils d'un principal de collége, la carrière de l'enseignement était toute tracée devant lui. C'est dans le modeste collége de Phalsbourg qu'il a débuté comme maître d'études; et il a successivement passé en cette qualité ou comme professeur dans les colléges de Mulhouse, de Troyes, de Limoges, de SaintDié; dans cette dernière ville, il a conquis de solides et respectables amitiés, qui ne se sont jamais démenties.

« M. Colin est arrivé à Strasbourg comme professeur de troisième en 1836; à partir de 1842, il a fait partie, comme professeur suppléant, de la Faculté des lettres; professeur titulaire en 1845, doyen et décoré en 1855, il a pris, en

1859, sa retraite. Ses élèves et ses amis ont pensé que cette détermination était trop précipitée; mais elle tenait évidemment à une sensation, à un pressentiment intime; peutêtre M. Colin espérait-il, dans une vie calme et retirée, conjurer le mal dont il éprouvait les premières atteintes.

<< M. Colin était le seul soutien d'une mère presque nonagénaire, qu'il allait visiter plusieurs fois par an dans une commune écartée du département des Vosges. Nous aimons à croire que le chef de l'Université de France mettra cette honorable vieillesse à l'abri du besoin et que l'État prendra la place du fils pieux et dévoué.

« Si vous me permettez, Messieurs, de mêler un souvenir personnel à cette esquisse de la vie littéraire de M. Colin, je dirai que, pendant un séjour assez prolongé au pied des montagnes de la Forêt-Noire, j'ai eu l'occasion, il y a onze ans, d'apprécier les qualités intimes de M. Colin, et de jouir de ses attentions pleines d'une exquise délicatesse. Je lui en ai gardé une reconnaissance mêlée de regrets, car je n'ai guère été en mesure de lui rendre la pareille; il est mort, sans que j'aie eu la triste satisfaction de le revoir encore une fois pendant cette crise douloureuse, qui l'a enlevé à ses devoirs de piété filiale. En me trouvant, le jour de l'enterrement, à côté de son cabinet d'études et de cette bibliothèque de choix, lentement collectée, en voyant ces groupes de plantes exotiques et indigènes, dont il ornait son modeste appartement, j'ai été saisi d'un indicible serrement de cœur, et je me suis rappelé les paroles sacramentelles de son poëte favori : σκιὰς ὄναρ ἀνθρωπός.» La séance est levée à 9 heures.

1. « L'homme est le rêve d'une ombre. » M. Colin est mort le 4 juillet dernier, à l'âge de 63 ans et 9 mois.

Séance du 8 août 1865.

Présidence de M. L. SPACH.

Présents MM. BECOURT, BRAUN, DE DARTEIN, Fée, LEDERLIN, ERNEST LEHR, MAURIAL, MUGNIER, MURY, DE SCHAUENBURG et SCHNITZLER.

M. Ernest Lehr remplit les fonctions de secrétaire en l'absence des deux titulaires.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. M. le président donne connaissance à l'assemblée d'une lettre de S. Exc. le Ministre de l'instruction publique en date du 21 juillet, qui annonce que, sur la demande qui lui en a été faite au nom de la Société littéraire, il alloue un secours de 200 fr. à Mme Colin, mère du feu doyen de la Faculté des lettres.

M. le baron de Schauenburg, tout en se rendant l'organe de la gratitude de la Société, exprime la pensée que le secours alloué étant peu considérable eu égard à l'état de gêne de Mme Colin, il y aura lieu de renouveler la demande dans un délai prochain.

M. le président fait observer qu'il faudra attendre, dans tous les cas, l'ouverture de l'exercice 1866.

Adopté, sous cette réserve.

M. Fée propose qu'en souvenir des services rendus par M. Colin à la Société, il soit ouvert parmi ses membres et les autres amis du défunt une souscription volontaire au profit de Mme veuve Colin.

Plusieurs membres appuient. D'autres font observer, d'une part, que l'assemblée de ce jour est trop peu nombreuse pour décider d'emblée une question, même de simple patronage, qui n'était pas à l'ordre du jour; d'autre

part, que la vente toute récente qui a été faite de la bibliothèque de M. Colin et à laquelle tous ses amis ont fait des acquisitions, pourrait dans ce moment paralyser le succès d'une collecte.

Il est décidé que la proposition de M. Fée sera reproduite à l'une des prochaines séances de la Société, pour être soumise à une nouvelle discussion.

L'ordre du jour appelle la lecture d'un travail de critique littéraire de M. Spach sur la Cité antique, de M. Fustel de Coulanges.

Ce travail, qui contient une appréciation aussi exacte qu'élégante du beau livre de M. de Coulanges, est écouté avec un vif intérêt. L'assemblée décide à l'unanimité qu'il sera inséré au Bulletin.

M. Braun, présent à la séance, donne lecture d'un fragment de vers, dans lequel il décrit en vers harmonieux les multiples opérations de la pose d'une conduite d'eau depuis le haut du Scharrach jusqu'à sa maison de campagne. Cette description qui, à raison de la difficulté d'un sujet tout technique, est un véritable tour de force de versification, est vivement applaudie.

L'ordre du jour appelle la lecture de morceaux inédits, en vers et en prose, laissés par feu M. Colin.

M. Ernest Lehr, sur l'invitation de M. le président, lit un fragment d'un traité pittoresque sur la pêche à la ligne, où M. Colin expose, avec un rare bonheur d'expression, les péripéties et les émotions d'une pêche à la truite dans la Forêt-Noire.

La séance est levée à 9 heures.

Séance du 14 novembre 1865.

Présents MM. SPACH, président; BRAUN, BÉCOurt, Beck, l'abbé DACHEUX, DE DARTEIN, FÉE, GOGUEL, l'abbé GUERBER, KIENlen, Kirschleger, Lederlin, Lehr, LEMAISTRE-CHABERT, MAURIAL, l'abbé P. MURY, le baron DE SCHAUENBURG, SCHNITZLER.

Le président dépose sur le bureau les publications suivantes:

1° Une brochure de M. Sabourin de Nanton, membre de la Société Les Commencements de l'imprimerie dans les Vosges, Strasbourg, 1865;

2o Mémoires de la Société de médecine de Strasbourg, t. IV, 3o et 4o fascicules, Strasbourg, 1865.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. M. Spach lit un travail consacré à la mémoire de deux membres de la Société, récemment décédés, MM. Lereboullet et P. Lehr.

Cette lecture est écoutée avec une très-vive sympathie.

ÉLOGE DE MM. LEREBOULLET ET PAUL LEHR.

<< Messieurs, depuis dix-huit mois, la mort a frappé plusieurs de nos confrères les plus méritants. La tombe venait à peine de se fermer sur la dépouille mortelle de M. Colin, que nous avons été privés du concours de l'un des fondateurs de notre Société. M. Lereboullet a été subitement enlevé, le 6 octobre dernier, à la science et à une famille éplorée. Le défunt comptait à peine 61 ans.

«Je devrais laisser à un membre plus compétent que moi la tâche à la fois douloureuse et honorable de dire les mérites du collègue dont nous déplorons la perte. Les études, qui ont valu à M. Lereboullet une place distinguée parmi

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