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ANDROMAQUE,

TRAGÉDIE

EN CINQ ACTES ET EN VERS;

DE RACINE,

Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre Français, en 1667.

12

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CHEZ FAGES, Libraire, au Magasin de Pièces de Théâtre, boulevard Saint-Martin, n.o 29; vis-à-vis la rue de Lancry.

i812;

PERSONNAGES.

ANDROMAQUE, veuve d'Hector, captive

Pyrrhus.

PYRRHUS, fils d'Achiîle, roi d'Epire.

ORESTE, fils d'Agamemnon.

HERMIONE, fille d'Hélène, accordée avec

Pyrrhus.

PYLADE, ami d'Oreste.

CLEONÉ, confidente d'Hermione.

CEPHISE, confidente d'Andromaque.
PHOENIX
Pyrrhus.

, gouverneur d'Achille, et ensuite de

Suite d'Oreste.

La Scène est à Buthrote, ville d'Epire, dans

une salle du Palais de Pyrrhus.

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ANDROMAQUE.

ACTE PREMIER.
SCENE PREMIERE.

ORESTE, PYLADE.

OREST E.

Oui, puisque je retrouve un ami si fidelle,
Ma fortune va prendre une face nouvelle;
Et déjà son courroux semble s'être adouci,
Depuis qu'elle a pris soin de nous rejoindre ici.
Qui Peût dit, qu'un rivage à mes veux si funeste,
Présenterait d'abord Pylade aux yeux d'Oreste?
Qu'après plus de six mois que je t'avais perdu,
A la cour de Pyrrhus tu me serais rendu?

PYLADE.

J'en rends grâces au ciel, qui, m'arrêtant sans cesse,
Semblait m'avoir fermé le chemin de la Grèce,
Depuis le jour fatal que la fureur des eaux,
Presqu'aux yeux de l'Epire, écarta nos vaisseaux.
Combien dans cet exil ai-je souffert de larmes?
Combien à vos malheurs ai-je donné d'alarmes?
Craignant toujours pour vous quelque nouveau danger,
Que ma triste amitié ne pouvait partager;
Surtout, je redoutais cette mélancolie,

Où j'ai vu si long-tems votre âme ensevelie.
Je craignais que le ciel, par un cruel secours,
Ne vous offrit la mort que vous cherchiez toujours
Mais je vous vois, seigneur; et, si j'ose le dire,
Un destin plus heureux vous conduit en Epire.
Le pompenx appareil qui suit ici vos pas,
N'est point d'un malheureux qui cherche le trépas.

OREST E.

Hélas, qui peut savoir le destin qui m'amène!
L'amour me fait ici chercher une inhumaine.
Mais qui sait ce qu'il doit ordonner de mon sort;
Et si je viens chercher ou la vie, ou la mort?

PYLAD E.

Quoi! votre âme, à l'amour, en esclave asservie,
Se repose sur lui du soin de votre vie !

Par quel charme, oubliant tant de tourmens soufferts,
Pouvez-vous consentir à rentrer dans ses fers?
Pensez-vous qu'Hermione à Sparte inexorable,
Vous prépare en Epire un sort plus favorable?
Honteux davoir poussé tant de vœux superflus,
Vous l'abhorriez. Enfin, vous ne m'en parlicz plus.
Vous me trompiez, seigneur.

ORESTÉ.

Je me trompais moi-même.

Ami, n'accable point un malheureux qui t'aime.
Tai-je jamais caché mon cœur et mes désirs?
Tu vis naître ma flamme et mes premiers soupirs.
Enfin, quand Ménélas disposa de sa fille

En faveur de Pyrrhus, vengeur de sa famille,
Tu vis mon désespoir; et tu m'as vu depuis
Traîner, de mers en mers, ma chaîne et mes ennuis.
Je te vis à regret, en cet état funeste,

Prêt à suivre, partout, le déplorable Oreste ;
Toujours de ma fureur interrompre le cours,

Et de moi-même, enfin, me sauver tous les jours.
Mais quand je me souviens que, parmi tant d'alarmes,
Hermione à Pyrrhus prodiguait tous ses charmes :
Tu sais de quel courroux mon cœur alors épris,
Voulut, en l'oubliant, punir tous ses mépris.
Je fis croire, et je crus ma yictoire certaine.
Je pris tous mes transports pour des transports de haine;
Détestant ses rigueurs, rabaissant ses attraits,
Je défiais ses yeux de me troubler jamais.
Voilà comme je crus étouffer ma tendresse.
En ce calme trompeur j'arrivai dans la Grèce;
Et je trouvai d'abord ses princes rassemblés,
Qu'un péril assez grand semblait avoir troublés.
J'y courus. Je pensai que la guerre et la gloire
De soins plus importans rempliraient ma mémoire,
Que, mes sens reprenant leur première vigueur,
L'amour acheverait de sortir de mon cœur.
Mais admire avec moi le sort, dont la poursuite,
Me fait courir alors au piége que j'évite.
J'entends de tous côtés qu'on menace Pyrrhus,
Toute la Grèce éclate en murmures confus.
On se plaint, qu'oubliant son sang et sa promesse
Il élève en sa cour l'ennemi de la Grèce,
Astyanax, d'Hector jeune et malheureux fils,
Reste de tant de rois sous Troye ensevelis.
J'apprends que, pour ravir son enfance au supplice,
Andromaque trompa l'ingénieux Ulysse,

Tandis qu'un autre enfant, arraché de ses bras,
Sous le nom de son fils, fut conduit au trépas.
On dit que, peu sensible aux charmes d'Hermione,
Mon rival porte ailleurs son cœur et sa couronne.
Ménélas, sans le croire, en paraît affligé,
Et se plaint d'un hymen si long-temps négligé.
Parmi les déplaisirs où son âme se noie,
Il s'élève en la mienne une secrette joie.
Je triomphe, et pourtant je me flatte d'abord,
Que la seule vengeance excite ce transport.

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