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HERMIONE.

Je conçois vos douleurs; mais un devoir austère,
Quand mon père a parlé, m'ordonne de me taire.
C'est lui qui, de Pyrrhus, fait agir le courroux.
S'il faut fléchir Pyrrhus, qui le peut mieux que vous?
Vos yeux assez long-tems ont régné sur son âme.
Faites le prononcer, j'y souscrirai, madame.

SCENE V.

ANDROMAQUE, CEPHISE.

ANDROMA QUE.

Quel mépris la cruelle attache à ses refus!

CEP HIS E.

Je croirais ses conseils, et je verrais Pyrrhus.
Un regard confondrait Hermione et la Grèce...
Mais lui-mème il vous cherche.

SCENE V I.

Les précédens, PYRRHUS, PHOENIX.
PYRRHUS, à Phanix.

Où donc est la princesse? pas dit qu'elle était en ces lieux?

Ne m'avais-tu

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Allons, seigneur, marchons sur les pas d'Hermione.

CÉPHIS E.

Qu'attendez-vous? rompez ce silence obstiné.

ANDRO MAQU E.

Il a promis mon fils.

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ANDROMA QUE.

Non, non, j'ai beau pleurer, sa mort est résolue.

PYRRHUS.

Daigne-t-elle sur nous tourner au moins la vue?

Quel orgueil!

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Hllons aux Grecs livrer le fils d'Hector.

ANDROMAQUE, se jettant aux pieds de Pyrrhus.

Ah! seigneur! arrêtez! Que prétendez-vous faire?

Si vous livrez le fils, livrez-leur donc la mère.
Vos sermens m'ont tantôt juré tant d'amitié;
Dieux! Ne pourrai-je au moins toucher votre pitié !
Sans espoir de pardon m'avez-vous condamnée?

PYRRHU S.

Phoenix vous le dira, ma parole est donnée.

ANDROMA QUE.

Vous qui braviez pour moi tant de périls divers?

PYRRHUS

J'étais aveugle alors, mes yeux se sont ouverts.
Sa grace à vos désirs pouvait être accordée;
Mais vous ne l'avez pas seulement demandée.
C'en est fait.

ANDRO MAQUE.

Ah! seigneur, vous entendiez assez
Des soupirs qui craignaient de se voir repoussés!
Pardonnez à l'éclat d'une illustre fortune.
Ce reste de fierté qui craint d'être importune.
Vous ne l'ignorez pas: Andromaque, sans vous,
N'aurait jamais d'un maître embrassé les genoux.

PYRRHUS.

Non, vous me haïssez; et dans le fond de l'âme,
Vous craignez de devoir quelque chose à ma flamme.
Ce fils même, ce fils, l'objet de tant de soins,
Si je l'avais sauvé, vous l'en aimeriez moins.
La haine, le mépris, contre moi tout s'assemble;
Vous me haissez plus que tous les Grecs ensemble,
Jouissez à loisir d'un si noble courroux.
Allons, Phon x.

Madame...

ANDROMA QUE.

Allons rejoindre mon éppux.

CÉPHIS E.

ANDRO MAQUE.

Et que veux-tu que je lui dise encore ! Auteur de tous mes maux, crois-tu qu'il les ignore? Seigneur, voyez l'état où vous me réduisez. J'ai vu mon père mort, et nos murs embrasés. J'ai vu trancher les jours de ma famille entière, Et mon époux sanglant trainé sur la poussière, Son fils, scul avec moi, réservé pour les fers. Mais que ne peut un fils' Je respire, je sers, J'ai fait plus. Je suis quelquefois consolée Qu'ici plutôt qu'ailleurs le sort m'eût exilée; Qu'heureux dans son malheur, le fils de tant de rois, Puisqu'il devait servir, fût tombé sous vos lois. J'ai cru que sa prison deviendrait son asile. Jadis Priam soumis fut respecté d'Achille. J'attendais de son fils encor plus de bonté.

Pardonne, cher Hector, à ma crédulité.
Je n'ai pu soupçonner ton ennemi d'un crime;
Malgré lui-même enfin je l'ai cru magnanime.
Ah! s'il l'était assez pour nous laisser du moins.
Au tombeau qu'à ta cendre ont élevé mes soins;
Et que finissant-là sa haine et nos misères,
Il ne séparât point des dépouilles si chères!

PYRRHU S.

Va m'attendre, Phoenix.

SCENE VII.

PYRRHUS, ANDROMAQUE, CEPHISE.

P.YRRH U S.

Madame, demeurez. On peut vous rendre encor ce fils que vous pleurez. Oui, je sens à regret qu'en excitant vos larmes, Je ne fais contre moi que vous donner des armes. Je croyais apporter plus de haine en ces lieux. Mais, madame, du moins, tournez vers moi les yeux. Voyez si mes regards sont d'un juge sévère, S'ils sont d'un ennemi qui cherche à vous déplaire. Pourquoi me forcez-vous vous-même à vous trahir? Au nom de votre fils, cessons de nous haïr. A le sauver enfin, c'est moi qui vous convie. Faut-il que mes soupirs vous demandent sa vie? Faut-il qu'en sa faveur j'embrasse vos genoux? Pour la dernière fois, sauvez-le, sauvez-vous. Je sais de quels sermens je romps pour vous les chaines; Combien je vais sur moi faire éclater de haines. Je renvoie Hermione, et je mets sur son front, Au lieu d'une couronne, un éternel affront: Je vous conduis au temple où son hymen s'apprête; Je vous ceins du bandeau préparé pour sa tête. Mais ce n'est plus, madame, un offre à dédaigner. Je vous le dis, il faut ou périr, ou régner. Mon cœur, désespéré d'un an d'ingratitude, Ne peut plus de son sort souffrir l'incertitude. C'est craindre, menacer, et gémir trop long-tems. si je vous perds, mais je meurs si j'attends. Songez-y, je vous laisse; et je viendrai vous prendre Pour vous mener au temple, où ce fils doit m'atte..dre; Et là vous me verrez soumis, ou furieux,

Je meurs,

Vous couronner, madame; ou le perdre à vos yeux.

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Je vous l'avais prédit, qu'en dépit de la Grèce;
De votre sort encor vous seriez la maîtresse.

ANDROMA QUE

Hélas! de quel effet tes discours sont suivis?
Il ne me restait plus qu'à condamner mon fils.

CÉPRISE.

Madame, à votre époux c'est être assez fidelle.
Trop de vertu pourrait vous rendre criminelle.
Lui-même il porterait votre âme à la douceur.

ANDROMA QUE.

Quoi je lui donnerais Pyrrhus pour successeur?

CEP HIS E. .

Ainsi le veut son fils que les Grecs vous ravissent.
Pensez-vous qu'après tout ses mânes en rougissent?
Qu'il méprisat, madame, un roi victorieux,
Qui vous fait remonter au rang de vos aïeux;
Qui foule aux pieds pour vous vos vainqueurs en colère,
Qui ne se souvient plus qu'Achille était son père;
Qui dément ses exploits, et les rend superflus.

ANDROMA QUE.

Dois-je les oublier, s'il ne s'en souvient plus ?
Dois-je oublier Hector privé de funérailles,
Et traîné, sans honneur, autour de nos murailles?
Dois-je oublier son père à mes p'eds renversé,
Ensanglantant l'autel qu'il tenait embrasse?
Songe, songe, Céphise, à cette uuit cruelle
Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle.
Figure-toi Pyrrhus, les yeux étincelans,
Entrant à la lueur de nos palais brûlans,

Sur tous mes frères morts se faisant un passage,
Et, de sang tout couvert, échauffant le carnage.

Songe aux cris des vainqueurs, songe anx cris des mourans,

Dans la flamme étouffés, sous le fer expirans.

Peins-toi dans ces hor eurs Andromaque éperdue.
Voilà comme Pyrrhus vint s'offrir à ma vue;
Voilà par quels exploits il sut se couronner;
Enfin, voilà l'époux que tu me veux donner.
Non, je ne serai point complice de ses crimes
Qu'il nous prenne, s'il vent, pour dernières victimes,
Tous mes ressentimens lui seraient asservis!

CEP HISE.

Hé bien, allons donc voir expirer votre fils.

On n'a tend plus que vous. Vous frémissez, madame?

ANDROMA QUE.

Ah! de quel souvenir viens-tu frapper mon âme!
Quoi, Céphise, j'irais voir expirer encor

Ce fils, ma seule joie, et l'image d'Hector?

flamme il me

laissa

Ce fils
de sa
qne
pour gage?
Hélas, je m'en souviens! le jour que son courage
Lui fit chercher Achille, ou plutôt le trépas,
I demanda son fils et le prit dans ses bras:

« Chère épouse, dit-il, en essuyant mes larmes
» J'ignore quel succès le sort garde à mes armes;
» Je te laisse mon fils pour gage de ma foi;

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» S'il me perd, je prétends qu'il me retrouve en toi.
» Si d'un heureux hymen la mémoire t'est chère,
» Montre au fils à quel point tu chérissais le père.
Et je puis voir répandre un sang si précieux?
Et je laisse avec lui périr tous ses aïeux ?
Roi barbare, faut-il que mon crime l'entraîne?
Si je te hais, est-il coupable de ma haîne ?
T'a-t-il de tous les siens reproché le trépas?
S'est-il plaint à tes yeux des maux qu'il ne sent
Mais, cependant, mon fils, tu meurs, si je n'arrête
Le fers que le cruel tient levé sur ta tête.
Je l'en puis détourner, et je t'y vais offrir:
Non, tu ne mourras point, je ne le puis souffrir.
Allons trouver Pyrrhus. Mais non, chère Céphise,
Va le trouver pour moi.

CEP HIS E.

Que faut-il que je dise?

ANDRO MAQUE.

Dis-lui que de mon fils l'amour est assez fort...

pas

Crois-tu que, dans son cœur, il ait juré la mort?

L'amour peut-il si loin pousser sa barbarie?

CEP HIS E.

Madame, il va bientôt revenir en furie.

ANDROMA QUE.

?

HE bien, va l'assurer...

CEP HIS E.

De quoi ? De votre foi?

ANDRO MAQUE.

Hélas, pour la promettre est-elle encore à moi!
O cendres d'un époux ! ô Troyens ! ô mon père!
O! mon fils, que tes jours coûtent cher à ta mère !
Allons.

CEP HIS E.

Où donc, madame? et que résolvez-vous?

ANDRO MAQUE.

Allons, sur son tombeau, consulter mon époux.
Fin du troisième Acte.

ACTE IV.

SCENE PREMIÈRE.

ANDROMAQUE, CEPHISE.

CEP HIS E.

Ah, je n'en doute point! C'est votre époux, madame,
C'est Hector qui produit ce miracle en votre âme.
Il veut que Troye encor se puisse relever,

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