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évêques, trois archevêques, un cardinal romain (et) quel cardinal!) nous ont adressé leur carte.

Ces envois de cartes ne comportent évidemment pas une adhésion formelle, pas même une adhésion

qui l'ont jugé dans toute l'indépendance et toute l'impartialité de la justice.

« Que viendraient faire en tout cela, les catholiques, les prêtres, les évêques? Est-ce que les questions de justice pendantes devant les tribunaux, les regardent? Ont-ils reçu les témoignages? Ont-ils étudié les documents? Ont-ils les éléments indispensables pour juger?

<< Que serait le respect de la justice, s'il était permis de suspecter gratuitement ou la perspicacité ou la bonne foi des Tribunaux ?

<< Veuillez recevoir, Monsieur, l'assurance de mes sentiments dévoués. >>

«+ CARD. LECOT, arch. de Bordeaux. »›

Mgr Lecot exprime ici l'opinion de la grande majorité du clergé français auquel, en effet, on ne pouvait demander de faire une étude spéciale de ce colossal procès dont il était impossible de prévoir l'importance politique, sociale et religieuse que par la suite il prendrait.

Par contre, si nos prêtres n'avaient ni le devoir strict ni la possibilité de se livrer à cette étude, combien il est facheux que les hommes politiques qui dirigent le sentiment catholique au Parlement et dans la presse, n'aient pas cherché à voir clair dans des ténèbres accumulées à plaisir, mais qu'ils aient, au contraire, accrédité cette opinion que l'on ne pouvait être bon catholique qu'à la condition d'être convaincu de la culpabilité de l'officier juif et surtout de l'impartialité bien connue de ses accusateurs si bien pensants. Un prélat, dont on comprendra que nous taisions le

tacite; mais, consentis par des membres du haut clergé, toujours si réservés et si prudents, ils n'en ont pas moins une indéniable signification.

L'un des évêques qui nous ont ainsi honoré de l'envoi de leur carte nous a, au surplus, écrit quel

nom, a, de la question qui nous préoccupe et de l'attitude prise dans l'affaire par la majorité de nos coreligionnaires, une conception un peu différente de celle de Mgr Lecot. Voici quelques lignes de la lettre qu'il nous a fait écrire par un haut dignitaire de son clergé diocésain :

« Monsieur Léon CHAINE, Lyon,

« Monseigneur me charge de vous dire qu'il a pris le plus vif intérêt à votre communication. Il est assurément regrettable que l'attitude passive et effacée de la plus grande partie du clergé, pendant que l'opinion était soulevée par l'affaire Dreyfus, ait paru encourager ou approuver les passions et la partialité de quelques personnalités plus ou moins autorisées à représenter les intérêts religieux. On n'a pas su assez nettement et assez tôt distinguer l'aspect juridique et universel de ce cas, et, sans rien préjuger sur le fond, qui relevait des tribunaux, reconnaître au moins que les garanties du droit ne peuvent être violées pour personne, et qu'il n'y a pas d'intérêt supérieur à la Justice.

Mais Monseigneur, tout en reconnaissant le bien fondé de vos regrets, juge qu'il est trop tard aujourd'hui pour prendre attitude en cette affaire:

<< Notre attitude générale a été l'abstention. Ce n'était peut-être pas assez, mais le mieux est aujourd'hui d'y rester fidèle.

<< Il est plus aisé, après les événements, d'en distinguer le vrai sens et la portée que lorsque l'on y est mêlé à l'agitation et au trouble. Sa Grandeur s'abs

ques jours plus tard pour préciser qu'il n'avait pas entendu par là nous donner son approbation sans réserves.

Parmi les membres de l'épiscopat français aux

tiendra donc de tout acte qui serait de nature à réveiller les souvenirs de l'Affaire. Mais elle souhaite vivement qu'une nouvelle expérience trouve l'opinion catholique plus préparée qu'elle ne l'a été, et elle approuvera vos efforts dans ce sens.

<< Personnellement, Monsieur, j'ai profondément regretté, à partir de l'heure où il n'a plus été possible de douter de certaines irrégularités criminelles, que la conscience publique, en ses représentants les plus autorisés, ne parlât pas plus haut. Il s'est constitué à Paris, sous l'impression du même sentiment, un Comité Catholique pour la défense du droit, présidé par M. P. Viollet, membre de l'Institut, 6, rue Cujas. Je me permets de vous le faire connaître, si vous l'ignoriez, pour le cas où vous jugeriez bon d'unir vos efforts à ceux de cette modeste association, en vue de cet avenir qui vous préoccupe à bon droit.

« Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de mes sentiments les plus dévoués en N. S. »

X...

pr.

C'est par cette lettre que nous a été révélée l'existence du Comité Catholique pour la défense du droit, dont nous n'avions pas encore connaissance et qui, cependant, avait déjà fait entendre de si nobles, de si éloquentes protestations.

Il nous est naturellement impossible de donner, même en ne les faisant pas suivre des noms de leurs éminents signataires, les lettres des évêques qui nous ont fait l'honneur de nous féliciter de notre attitude. Nous n'avons même pas songé un seul instant à leur demander l'autorisation de publier ces lettres dont le caractère est purement confidentiel,

quels le numéro de la Justice Sociale a été adressé il en est certainement beaucoup qui ne l'ont pas lu. Ce qui nous incite à le croire c'est que plusieurs prélats que l'on sait très libéraux ne figurent pas au nombre de ceux qui nous ont fait parvenir un accusé de réception.

Cette manifestation qui, dans notre pensée, était destinée à passer beaucoup plus inaperçue, a encore rencontré la complète adhésion de religieux éminents, de prédicateurs célèbres, d'ecclésiastiques savants et du plus grand mérite.

Des membres de l'Institut, des professeurs du Collège de France, des maîtres de l'Université nous ont complimenté par des missives vraiment bien cordiales.

Notre lettre a rencontré encore le meilleur accueil auprès d'académiciens illustres, dont plusieurs sont des catholiques très orthodoxes. Mais où elle a été lue avec une particulière sympathie, c'est dans les milieux universitaires catholiques.

Enfin, n'oublions pas de mentionner que notre lettre a reçu un accueil vraiment trop flatteur de la part du Comité catholique pour la Défense du Droit. Ce Comité a pour fondateur et président M. Paul Viollet, l'éminent membre de l'Institut, à la science et au caractère duquel on rend un respectueux hommage dans tous les partis.

Son existence ne nous a été révélée que postérieurement au 29 mars de cette présente année. Aussi devons-nous exprimer ici le profond regret de

n'avoir pu, dans notre lettre, lui rendre le témoignage d'admiration qui lui était dû.

Le Comité catholique pour la Défense du Droit, composé exclusivement de catholiques, déclare « s'appuyer sur les principes de 1789 dont l'application loyale pourra, seule, après le triomphe définitif de la Justice et de la Vérité dans la crise actuelle, assurer en France la paix intérieure avec la pleine liberté religieuse », il dénonçe le mal profond causé au pays notamment par ces deux fléaux : l'antichristianisme, l'antisémitisme.

Plusieurs prêtres en font partie; car, on ne l'a pas assez remarqué, les ecclésiastiques ont été beaucoup moins ardents que les laïques dans cette guerre contre les Juifs, guerre dont ils sont cependant appelés, eux surtout, à payer les frais.

En dehors de ce Comité, bien des prêtres, tels que les abbés Pichot, Russacq, Brugerette et tant d'autres, furent héroïques et essayèrent inutile ment de faire luire devant des yeux aveuglés la double lumière de la raison et des principes évangéliques.

C'est ainsi que l'abbé Frémont, théologien éminent et l'un des maîtres de la parole contemporaine, n'a pas craint, au cours de plusieurs sermons, de profiter de sa présence dans la chaire de vérité pour faire comprendre, d'une façon discrète mais très claire, quelle était, sur ce sujet, sa mâle et fière conviction. Nous nous souvenons d'avoir entendu tomber de ses lèvres hardies la plus éloquente des

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