Imágenes de página
PDF
ePub

tu ne pourras plus dormir. Voilà ce qui me paraît le plus convenable. De ma part, je ne serai ni incommodé ni gêné en rien tu peux t'en fier à moi. Je te prie de dire à M. Colin (père Lallemant) qu'il me paraît qu'on peut, en prenant bien ses mesures, faire d'abord à Paris une assemblée de trente ou quarante tant cardinaux qu'archevêques et évêques, pour accepter la bulle d'une manière courte, claire, précise, pure, simple et absolue. Le procès-verbal de cette assemblée extraordinaire peut servir de modèle à ceux des provinces. On peut y dresser un modèle de mandement, que les provinces suivront aussi. Si M. le cardinal de Noailles veut faire cette acceptation pure et absolue, et s'il commence par s'y engager par écrit, on ne peut lui faire trop d'honneur pour la présidence, etc.; sinon on doit y pourvoir autrement.

Donnez la lettre ci-jointe au bon Put (M. Dupuy) que j'aime de plus en plus. Je voudrais bien faire un présent à ma nièce, dès que je serai un peu plus au large. Ne pourriez-vous point examiner qu'est-ce qui conviendrait le mieux à son goût? Pensez-y avant votre départ : consultez même en secret quel. que ami.

Bonsoir, mon cher petit fanfan. Donne-toi bien à Dieu, et prie-le de te prendre à sa mode, car souvent on ne sait pas bien se donner: on ne se donne qu'à demi; on se reprend en détail, après s'être donné en gros; on se donne pour être plus à soi, en se flattant d'être plus à Dieu : voilà l'illusion la plus dangereuse. Il y a une bonne règle pour les donations, dans les Coutumes : donner et retenir ne vaut. Point d'autre lien, point d'autre amitié entre toi et moi, que Dieu seul : c'est son amour qui doit être à jamais toute notre amitié. Le veux-tu? sans cela marché rompu; point d'argent, point de Suisse. Bonsoir, bonsoir.

324.

AU PÈRE DAUBANTON.

Sur la constitution Unigenitus qui venait de paraître.

A Cambrai, 12 octobre 1713.

Dès que le roi appuiera fortement pour l'acceptation de la bulle, il y aura tout au moins vingt évêques contre un, pour l'accepter d'une façon pure, simple et absolue. Il est fort à désirer qu'on voie une acceptation unanime de tous: mais enfin, quand même il arriverait qu'une douzaine d'évêques refuseraient d'accepter sans quelque clause restrictive, le torrent prévaudrait, et le mal même se pourrait tourner à bien. Il est quelquefois nécessaire que le Je vous dois, mon révérend père, une des plus scandale arrive, ut eruantur ex multis cordibus co- grandes consolations que j'aie senties depuis que gitationes 1. L'autorité de l'Église n'en est pas moins je suis au monde; c'est celle de lire la nouvelle conscomplète et moins décisive, quoique quelques évê- titution contre le livre du père Quesnel. Cette consques s'y opposent : c'est ce qu'on a vu en plusieurs titution fait un honneur singulier non-seulement à conciles. Le grand point est d'aller en avant, et d'enla personne du pieux et savant pontife qui l'a dresgager tout le corps du clergé par l'acceptation de sée lui-même avec autant de travail et de discernepresque tous les évêques. Tout ce qui a été fait jus- ment, mais encore au siége apostolique, qui se qu'ici sera justifié par le saint-siége et par le clergé trouvait dans un très-pressant besoin de soutenir -de France: il deviendra le propre fait du clergé même, son autorité méprisée. dès que le corps de ce clergé aura fait une acceptation non restreinte. Mais il faut que le roi parle ferme il lui sera glorieux de le faire; et on ne pourra point se plaindre raisonnablement qu'il entre dans le spirituel avec une autorité qui opprime les consciences, puisqu'il ne fera que la fonction du protecteur des canons, qui est de procurer l'unanimité des membres avec leur chef pour une décision dogmatique canoniquement prononcée. La forme des bulles précédentes doit suffire pour celle-ci.

:

[blocks in formation]

Le pape a fait un portrait très-ressemblant de l'auteur, qui est le chef de tout le parti, et du parti même. Il a peint leur audace, leurs artifices, leurs détours, leur souplesse pour séduire les fidèles et pour échapper aux mesures les plus décisives. Sa Sainteté a très-bien caractérisé le livre; elle a montré une suite, un dessein caché, un venin répandu dans ies propositions mêmes qui choquent le moins, un art pour prévenir le lecteur contre la doctrine et contre la discipline générale de l'Église.

J'admire le choix des propositions et l'ordre où elles sont mises : le choix fait qu'on est, sans discussion, d'abord saisi d'horreur à la vue de certains principes qui renversent tout. L'ordre fait qu'on trouve toutes les propositions de chaque genre ras semblées pour s'entr'expliquer, et pour faire sentir un système pernicieux.

On y voit une grâce qui a tous les caractères de

la grâce nécessitante des protestants les plus outrés, en sorte qu'il faut rétracter les canons du concile de Trente contre Luther et Calvin, aussi bien que les constitutions publiées contre Jansénius, si on tolère une telle grâce sous des termes adoucis et captieux. On y voit une réelle impuissance d'accomplir les commandements de Dieu, et d'éviter les péchés les plus énormes, même à l'égard des justes, toutes les fois qu'ils sont privés de cette grâce invincible à la volonté. On ne peut éluder cette affreuse conséquence qu'en alléguant un pouvoir éloigné d'accomplir par les forces de la seule nature les actes surnaturels, ou qu'en supposant, de mauvaise foi, qu'on peut, avec une grâce faible et disproportionnée à la tentation, faire les actes les plus forts.

On y voit le monstrueux système de Baïus et de Jansénius, qui disent que la grâce est nécessaire à la nature; ce qui est détruire la grâce même, et la réduire à être une partie essentielle de l'ordre naturel.

On y voit que le parti regarde la grâce de la foi comme la première : qu'il suppose une générale privation de grâce et un horrible abandon de Dieu à l'égard de tous les infidèles qui ne viennent point à l'Évangile, en sorte que toutes leurs actions les plus touchantes se tournent en démérite.

On y voit presque tous les chrétiens et catholiques qui vivent et meurent sans aucun secours actuel de grâce, comme le parti le suppose des Juifs, qui n'avaient, selon lui, que la lettre de la loi. Voilà le plan de Jansénius.

On y voit des principes qui tendent à changer toute la discipline de l'Église pour la pénitence, pour l'administration des sacrements, et pour la lecture des livres sacrés.

On y voit deux espèces d'églises, dont l'une se trouve dans l'autre : l'une, visible, grossière, tyrannique, et persécutrice des disciples de saint Augustin, n'est tolérée de Dieu que pour exercer leur patience; l'autre, composée des disciples de saint Augustin, est pure, courageuse, patiente; elle travaille à redresser celle du dehors.

On y voit l'esprit de présomption avec lequel l'auteur enseigne à mépriser les décisions, les censures et les anathèmes.

On y voit les principes du schisme contre l'Église, et de la sédition contre les princes. Le parti n'est soumis en apparence que quand il n'est pas encore le plus fort; il ne demeure dans l'Église que pour être la vraie Église lui-même, et abattre tout le

reste.

Les siècles à venir béniront à jamais un pape qui

a décrédité et flétri un livre si contagieux et si autorisé depuis un grand nombre d'années.

Une constitution si forte, si mesurée, si précise, sera le plus précieux monument de la tradition pour nos jours. C'est même une providence visible que, dans un temps où l'autorité du saint-siége est si traversée et si affaiblie, elle s'exerce encore avec tant de force pour les décisions de foi, et qu'il reste dans le cœur des nations un respect pour se soumettre à ses jugements. Voilà sa véritable grandeur: tout le reste peut lui être contesté; mais ceci demeure dans tous les cœurs catholiques. Si Rome cessait peu à peu d'exercer ce genre d'autorité, on ne la connaîtrait plus que par ses dispenses contre le droit commun, et elle demeurerait étrangement avilie.

Je suis ravi de ce que l'école des thomistes a eu part à l'examen et à la condamnation du livre. Voilà cette école intéressée de plus en plus à distinguer clairement sa doctrine de celle des jansénistes: il faut la piquer d'honneur, afin qu'elle demeure exactement dans ses bornes, pour ne servir point d'asile au parti.

Il serait fort à désirer, si je ne me trompe, qu'on pût faire au père Quesnel les monitions canoniques pour l'obliger à se conformer à la constitution.

1° Il devrait condamner son livre avec toutes les qualifications portées dans la constitution, purement, simplement, absolument et sans restriction, dans son sens propre, véritable et naturel, sans sous-entendre aucun changement de langage fait par le saint-siége. Vous savez que ce prétendu changement de langage est le subterfuge que le parti a souvent employé.

2o Il faudrait qu'il condamnât ainsi les cent et une propositions, avec le livre dont elles sont bien extraites.

3° Il faudrait qu'il promît une croyance intérieure, certaine et irrévocable de la justice de cette déci

sion.

4o Il faudrait que, conformément à la constitution, il condamnât tous les écrits faits pour soutenir le livre. S'il refusait de le faire, il faudrait, ce me semble, le déclarer excommunié et retranché du corps de l'Église catholique. Ce coup d'autorité ferait impression sur beaucoup de personnes qui ont encore quelque délicatesse de conscience en faveur de la catholicité.

Je prie de plus en plus tous les jours à l'autel pour la conservation du pape qui est si nécessaire et si cher à toute l'Église.

Je suis avec vénération, mon révérend père, etc.

[ocr errors]

225. AU PÈRE QUIRINI.

Ses regrets de n'avoir pas revu ce religieux avant son départ pour l'Italie. Exhortation à quitter les études de pure curiosité.

A Cambrai, 28 décembre 1713.

[ocr errors]
[ocr errors]
[blocks in formation]

A Cambrai, 1er mars 1714. Rien que deux mots, mon très-cher duc, pour vous réveiller, comme vous me l'avez permis. Retranchez-vous les menus détails pour abréger et pour remplir les grands devoirs de votre état? coupezvous court? prenez-vous les affaires par le gros? allez-vous droit à la racine de l'arbre pour finir? êtes-vous un peu sociable? Voilà bien des questions. Je prie Dieu qu'il fasse tout en vous, et que vous le laissiez faire, quoi qu'il vous en coûte. Mille respects aux bonnes duchesses. N'oubliez pas que vous m'avez promis la chère jeunesse pour la belle saison: j'en serai charmé. Pour vous, mon très-cher duc, je vous étoufferai en vous embrassant à la première vue, si vous ne faites pas tout ce que Dieu veut.

Je ne puis, mon révérend père, me refuser la consolation de vous dire combien j'ai été affligé de votre départ. Je ne méritais point que vous prissiez la peine de revenirici. Je vous avais même manqué en plusieurs occasions, où mes embarras infinis m'avaient ôté la liberté de contenter mon cœur. Je désirais de réparer tout le passé, et de vous posséder ici un peu de temps en repos. Nous aurions parlé des matières de religion, l'unique affaire des chrétiens, et surtout des ministres de l'Évangile nous aurions compté pour rien la science qui enfle, et nous aurions cherché en simplicité la charité qui édifie1. Nous aurions parlé avec amertume sur une critique téméraire qui ébranle tout en nos jours. Nous aurions déploré les divisions qui causent un si affreux scandale. Nous aurions conclu que rien n'est bon qu'une sagesse sobre, sapere ad sobrietatem : mais votre départ Il lui témoigne son amitié, et le plaisir que lui cause le retour

m'a ôté l'espérance de toute cette joie. Au moins souvenez-vous que, parmi tant de gens que vous avez vus en France, vous en avez connu un qui vous aime, qui vous honore, qui connaît ce que Dieu a mis en vous, et qui prie afin que celui qui a commencé l'ouvrage le continue jusqu'au jour de Jésus-Christ 3. Quittons tout ce qui n'est que curiosité, qu'ornement d'esprit. Sed postea quam mihi curarum ecclesiasticarum sarcina imposita est, omnes illæ deliciæ fugere de manibus, ita ut vix ipsum codicem inveniam 4.

La religion souffre de tous côtés; la vérité est en péril; le vaisseau de Pierre est agité par la tempête prions, humilions-nous, apaisons Dieu. Mettons-nous en état de réprimer les sociniens et les déistes, qui corrompent les esprits. Édifions les peuples pour les retenir dans une foi simple, malgré les artifices de tant de novateurs.

Donnez-moi de vos nouvelles, quand vous serez en repos. Apprenez-moi quelles sont vos occupations, et donnez-moi la joie de savoir que vous ne voulez point oublier celui qui sera, ad convivendum et commoriendum5, votre, etc.

[blocks in formation]

327.

A L'ABBÉ DE BEAUMONT.

du printemps.

22 mai 1714.

Votre lettre de Cosne m'a réjoui, mon très-cher fait sentir m'adoucit le cœur. Je ne vis plus que neveu. Le jeu poétique m'y amuse et l'amitié qui s'y d'amitié, et c'est l'amitié qui me fera mourir. Je ne vois ici le printemps que par les arbres de notre pauvre petit jardin.

....

Jam læto turgent in palmite gemmæ1.

Je vois aussi dans nos plates-bandes cet aimable objet.

Inque novos soles audent se gramina tuto
Credere; nec metuit surgentes pampinus austros.

Sed trudit gemmas, et frondes explicat omnes 2. J'aime bien cette leçon de délicatesse pour les arbres :

Ac, dum prima novis adolescit frondibus ætas,
Parcendum teneris, et dum se lætus ad auras
Palmes agit, laxis per purum immissus habenis,
Ipsa acie nondum falcis tentanda; sed uncis
Carpendæ manibus frondes, interque legendæ 3.

Voici encore un endroit où la peinture est gracieuse :

1 VIRG. Eclog. VII, V. 48.

2 Ibid. Georg. lib. 11, v. 332, etc.

3 Ibid. v. 361, etc

Sponte sua quæ se tollunt in luminis auras, Infecunda quidem, sed læta et fortia surgunt '. Voilà les jeux d'enfants qui flattent mon imagination sous nos arbres. O que je vous souhaiterais à leur ombre! mais il faut vouloir que vous soyez au bain 2, et que vous fassiez provision de santé. M. l'abbé Delagrois me lit dans sa chambre et m'entretient dans la mienne : il est gai; il a le cœur bon, il a de la délicatesse dans l'esprit. Vous avez des espaces immenses à parcourir; vous allez égaler les erreurs d'Ulysse. Je compte tous vos pas, et mon cœur en sent le prix. Cette absence nous préparera la joie d'une réunion. Guérissez-vous, priez; soyez petit, souple dans la main de Dieu. Aimez qui vous aime avec tendresse.

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

Les noyers morts m'ont affligé : c'était ruris voyage en pays lointain, modérez votre ardeur. Je ne honos.

[blocks in formation]

Je souhaite, mon très-cher fanfan, que vous soyez arrivé à Manot en parfaite santé. Ne vous y arrêtez point; la saison est précieuse. Il ne faut faire qu'une fois en la vie un voyage de quatre cents lieues. La famille doit vous presser de partir : vous la dédommagerez au retour. J'ai ici M. l'abbé Delagrois et les enfants de M. le duc de Chaulnes. Je m'amuse; je me promène; je me trouve en paix dans le silence devant Dieu. O la bonne compagnie, on n'est jamais seul avec lui, on est seul avec les hommes qu'on ne voudrait point écouter. Soyons souvent ensemble, malgré la distance des lieux, par le centre qui rapproche, et qui unit toutes les lignes.

[blocks in formation]

A Cambrai, mercredi 30 mai 1714.

Il me tarde bien, mon très-cher fanfan, de vous savoir arrivé à Manot, et parti pour Barrèges. Le repos de votre vie, votre santé, votre force pour servir, la longueur de votre vie même, tout dépend de ce voyage. Si vous ne guérissez point cette année, vous ne guérirez jamais, et l'âge augmentera sans cesse votre mal. Au nom de Dieu, ne précipitez et ne négligez rien. Je vous en conjure, je l'exige de

VIRG. Georg. lib. 11, v. 47, 48.

2 L'abbé de Beaumont était alors aux eaux de Bourbon, près Moulins en Bourbonnais.

vous demande que Châteaubouchet, Fontaine et la Saintonge. N'allez ni à Tule, ni à Sarlat, ni même à Manot. Vous trouveriez des chemins salébreux et ennemis des roues. Vous êtes en droit de donner rendez-vous au père des quatorze enfants, et de vous excuser vers les bonnes tantes de Sarlat. Dites que je m'impatiente sur votre retour: ce n'est pas en vain que vous êtes grand vicaire.

Ut mater juvenem, quem Notus invido
Flatu Carpathii trans maris æquora
Cunctantem spatio longius annuo

Dulci distinet a domo,

[blocks in formation]

331. AU DUC DE CHAULNES.

↑ sance, et il me presse d'y ajouter la mienne. Mais que dirais-je? Je suis accoutumé au bon cœur qui

Avis an duc sur ses occupations particulières, et sur la fait tant de bien. Dieu veuille qu'elle soit revenue avec fidélité à suivre l'attrait de la grâce.

A Cambrai, 6 juin 1714.

Je rends compte, mon bon due, à madame la duchesse de Chaulnes, de ce qui regarde la petite troupe. Je parle comme je pense, et je dis vrai. Vous jugerez de ma sincérité sur les enfants par celle que je vais montrer au père sans ménagement

sur lui-même.

une bonne provision de sante! L'abbé de Beaumont m'a mis en peine en me mandant qu'elle avait besoin d'être saignée, et qu'elle n'avait pas pu l'être à Bourbon. J'espère que M. Gallet aura des nouvelles de son retour, et qu'il m'en fera part. Je ne puis exprimer, mon bon duc, combien je m'intéresse à sa santé et à la vôtre; laissez-moi vos chers enfants; ils sont les miens, ils me font plaisir. Je tâcherai de ne leur pas être inutile.

332.-AU MARQUIS DE FÉNELON.

Voir patiemment et humblement ses défauts.

A Cambrai, jeudi 12 juillet 1714. Je reçus hier au soir, mon très-cher fanfan, votre lettre du 27 de juin. Elle me fait plaisir, en m’appreprendre que le cinquième bain ne vous avait point nant votre arrivée; mais je ne suis pas content d'apencore soulage. Il faut espérer que la patience dans l'usage de ce remède opérera; mais il faut garder le les médecins. Il faut même aller jusqu'au bout des plus exact régime, avec la plus parfaite docilité pour deux saisons, plutôt que de s'exposer à revenir avec une guérison douteuse.

J'ai compris, par votre lettre, que vous vous noyez toujours dans vos paperasses, et que votre vie se passe en menus détails. C'est manquer à votre vocation, négliger vos principaux devoirs, abandonner les bienséances, vous dégrader dans le monde et à la cour, vous mettre hors de portée des grâces dont vous avez besoin, vous exposer à être sans appui dans des temps de trouble, où les cabales ne manqueront pas de culbuter tout homme en place sans crédit. De plus, vous usez à pure perte votre santé. Que n'apprenez-vous à vous faire soulager? Pourquoi ne vous accoutumez-vous pas à donner les détails à des gens subordonnés ? Pourquoi ne vous bornez-vous pas à faire les choses qui ne peuvent être faites que par vous seul, et qui doivent toujours être en petit nombre? Pourquoi ne comparez-vous pas les principaux devoirs de votre état avec les menus détails, pour préférer ce qui est capital à ce qui est bien moins important? Pourquoi ne priez-vous pas pour obtenir le courage et la force qui vous manquent pour vaincre votre goût et votre longue habitude? Dieu ne vous manque point; c'est vous qui lui manquez, et qui ne voulez pas le secours qu'il vous offre. Prêtez-lui votre cœur; ouvrez-le-lui tout entier ; désirez de désirer la fidélité à ses impressions. Vous sentez son attrait; voilà ses avances vers vous vous n'en êtes pas moins abandonné à vos minuties; voilà votre infidélité, et votre résistance à la grâce. Je vous conjure, mon bon et cher duc, de ne lire point cette lettre, sans promettre à Dieu un vrai et prompt changement. Il le fera en vous si vous le laissez faire; mais il faut se laisser rompre en tout sens, et perdre toute consistance propre dans la main de Dieu pour le lais-frère le page est arrivé depuis deux jours. Il est doux, ser faire. Quiconque veut garder la forme qu'il a n'est point encore souple à l'opération de l'esprit intérieur qui détruit et qui refait tout.

L'abbé de Beaumont me mande qu'il a été comblé des bontés de madame la duchesse de Chevreuse,

mais sans mesure. Elle l'a logé, nourri, honoré de mille attentions. Il ne peut tarir sur sa reconnais

Voyez humblement et patiemment vos défauts. Il ne faut ni se flatter ni se décourager; mais recourir à Dieu avac une entière défiance de votre faiblesse, et une pleine confiance en sa bonté pour votre correction. Ne soyez point surpris de vos légèretés et de vos vaines complaisances. Eh! que peut-il venir de l'amour-propre, sinon des folies? comme il ne peut venir de l'amour de Dieu que des vertus. Cédez à l'esprit de grâce, qui vous reproche miséricordieusement vos fautes. Acquiescez sur-le-champ; condamnez-vous sans excuse; mais ne ravaudez point sur vous-même, et ne devenez point scrupuleux. Pax mulla diligentibus legem tuam, et non est illis scandalum'.

M. des Touches a demeuré ici plus de quinze jours. J'ai encore les enfants de la maison de Luynes, qui Le badinage et la bonne amitié ont été en perfection. sont fort aimables et fort aimés céans. Votre petit

sensé, de bonne volonté, et assez joli; mais il paraît d'une santé délicate. J'ai menacé Alexis de le rendre jaloux du nouveau venu.

Je passe en paix mes journées sans ennui; et le

temps étant trop court pour mes occupations, j'au

1 Ps. CXVIII, 165.

« AnteriorContinuar »