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de Hongrie et aussi de Behaigne (Bohême), étoit dehors contre les portes, séant en la chaire royale, portant en son chef couronne, et en sa main ayant verge royale, environné de plusieurs princes, chevaliers et autres gens d'armes. Et par la grâce du Saint-Esprit, si comme on croit. de commun accord ils élurent le cardinal de la Coulomne', natif de Rome, pape, ayant en ses armes un écu de vermeil, au milieu une colonne d'argent, couronnée d'une couronne d'or. Si fut porté à l'église cathédrale, et consacré par le cardinal Hostiense (d'Ostie), doyen des cardinaux, et fut nommé Martin, quint de ce nom. Laquelle chose fut tantôt divulguée par toutes les parties desdites nations, dont tout le clergé et le peuple rendirent grâces à Dieu, excepté la cité de Paris; car elle doutoit qu'icelui nouvel pape et le roi d'Allemagne ne fussent favorables au roi d'Angleterre et au duc de Bourgogne, plus qu'au roi de France et à son fils, au comte d'Armagnac et à tout le conseil royal.

1. Othon Colonne, qui fut élu le 11 novembre 1417.

CHAPITRE CLXXX.

Comment le seigneur de Chauny fut envoyé de par le roi en ambassade devers le duc de Bourgogne qu'il trouva à Amiens, et de la réponse qu'il eut dudit duc de Bourgogne.

APRÈS que le duc de Bourgogne eut par très long temps fait toutes ses préparations, sur intention de mener son entreprise à fin, et que tous ses gens d'armes et habillements de guerre furent prêts, se partit au mois d'août, le jour Saint-Laurent, de la ville d'Arras, et alla à Corbie, pour passer outre et tirer vers Paris. Auquel lieu de Corbie, la propre nuit qu'il y vint, mourut l'abbé dudit lieu, nommé Raoul de Roye. Pour la mort duquel ledit duc fut très courroucé; et après qu'il eut là été aucun peu de jours, s'en alla à Amiens, où il fut reçu de tous ceux de la ville moult honorablement, tant des gouverneurs d'icelle comme du commun; et crioit-on Noël ! par tous les carrefours où il passoit. Et se logea en l'hôtel de maître Robert Lejeune, son conseiller. En laquelle ville devant son département, il ordonna nouveaux officiers, c'est à savoir, le seigneur de Belloy fut capitaine, le seigneur de Humbercourt, bailli, Andrieu Clamel, procureur, et autres,

chacun en son degré, les commit selon son bon plaisir.

Anquel lieu d'Amiens lui furent apportées lettres de par le roi, signées de sa main, lesquelles lui présenta messire Aubert, seigneur de Chauny et de Varennes, en lui disant : «< Très noble prince » et redouté seigneur, comme il appert par ces » lettres du roi notre sire, il m'est enjoint et >> commandé que je vous enjoignisse de par lui, et >> commandasse détroitement en tant que pouvois, » que vous laissez le voyage qu'avez encommencé

en congiant (congédiant) votre ost; et que re>> tournez en votre pays, et lui récrivez pourquoi > vous avez fait cette assemblée outre son com» mandement. »

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Auquel ledit duc de Bourgogne répondit de sa bouche : « Vous, dit-il, sire de Chauny, si vous voulez, ou si vous ne voulez pas, vous êtes de >> notre lignage du côté de Flandre; mais néan>> moins pour cette légation par vous faite, en » vérité à peu tient que je ne vous fais trancher » la tête. » Et adonc ledit sire de Chauny, moult ébahi pour icelles paroles, se mit à genoux, lui humblement excusant à son pouvoir, disant comment il avoit été contraint de par le roi à obéir, en lui montrant les instructions à lui sur ce baillées de par le roi et son conseil. Et avec ce, fut grandement excusé des chevaliers étants autour dudit duc, pourquoi aucunement s'apaisa, et dit que par lui il ne manderoit pas son intention,

mais par un autre il lui récriroit, et que rien il ne feroit pour le mandement et défense du roi; mais à toute sa puissance prestement il iroit devers lui à Paris, et lui répondroit bouche à bouche de tous les articles à lui envoyés. Toutefois ledit duc fit répondre par son conseil à tous les articles de l'instruction à lui baillée de par le roi ; et ce bailla par écrit audit seigneur de Chauny; et avec ce, les noms des traîtres de son conseil, et officiers icelui veuillants détruire; et fit promettre audit sire de Chauny qu'il les bailleroit en la main du roi, et non d'autre. Et après qu'il eut besogné, se départit d'Amiens, et retourna à Paris devers le roi.

S'ensuivent avec les actes l'instruction baillée à messire Aubert de Chauny, seigneur de Varennes, par le roi et son conseil, de ce qu'il a à faire devers le duc de Bonrgogne.

de

<< Premièrement il parlera au duc de Bourgogne, en lui disant que le roi et monseigneur le dauphin sont moult ébahis des manières qu'il a tenues et encore tient vers le roi et sa seigneurie, vu qu'il est son parent tant prochain comme chacun sait, et à lui obligé par tant de manières, comme lui-même a toujours dit et confessé en toutes ses lettres et écrits.

» Item, et dit est, à déclarer ce que lui remontrera confiamment que ses gens et les sujets de ses pays, et autres, qui sont et s'avouent de lui', font guerre ouverte au roi et à ses sujets, en prenant par assaut et par siége les villes, châteaux et for

teresses du roi, et font toutes les cruautés et inhumanités par feu, par sang et autrement que faire pourroient les ennemis d'Angleterre, et encore pis.

» Item, en outre, lui remontrera comment ses gens et officiers prennent serment des habitants ès bonnes villes du roi, d'être obéissants au duc de Bourgogne; et avec ce leur font défense de par lui, que dorénavant ils ne paient plus rien au roi de ses aides ou redevances, que ils lui ont accoutumé de payer; laquelle chose est moult merveilleuse et contre l'honneur, autorité et seigneurie du roi. Item, il lui remontrera en outre comment les choses dessusdites, qui maintenant sont faites par ledit duc de Bourgogne, quant au point de la venue et descendue des Anglois, font croire et imaginer à plusieurs gens qu'elles sont faites au profit et avantage d'iceux Anglois, comme pour ôter la puissance du roi, et non résister aux mauvaises volontés, et efforcements desdits Anglois, et que le duc de Bourgogne soit leur allié et assermenté.

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Item, et pour ces causes, requerra ledit messire Aubert de Chauny, de par le roi, au duc de Bourgogne, qu'il veuille cesser de tels efforcements et choses dessusdites, et espécialement d'assaillir les bonnes villes du roi et de ses sujets, et de mettre siége devant, et aussi de prendre serments de lui obéir par les sujets du roi demeurants en ses bonnes villes. Et avec celui requerra que tous les gens d'armes qu'il a assemblés fasse départir, issir et retourner chacun en son

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