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ouïrent dire comment ce roi Henri leur adversaire prenoit vigoureusement et prudentement les villes, cités et forteresses de ce royaume, qui étoient imprenables, eurent si grand doute, que bref ensuivant, par cette cremeur (crainte), envovèrent devers ledit roi leurs ambassadeurs pour traiter avec lui, qu'ils se pussent départir sauvement en dedans certain jour au cas que le Dauphin ne les secourroit au jour dessusdit, lequel ils lui feroient savoir. Entre lesquels traita le seigneur de Gamache la ville de Compiègne, dont il étoit capitaine, et aussi pour les forteresses de Remy, de Gournai-surAronde, de Mortemer, de Neufville en Hez, de Tressonsac, et d'aucunes autres au pays dessusdit; et bailla ôtage de les rendre le dix-huitième jour du mois de juin ensuivant ès mains des rois de France et d'Angleterre, ou de leurs commis et députés.

pour

Et en cas pareil traîtèrent messire Louis de Thiembronne pour la ville de Gamache, moyennant qu'ils s'en iroient où bon leur sembleroit, sous bon sauf-conduit dudit roi Henri atout leurs biens, et ladite ville et les habitants demeureroient paisibles, en faisant le serment de la paix finale. Et avec ce, fut rendue, par le pourchas de Pierron de Luppel en l'obéissance des deux rois la forteresse de Montagu, qui tenoit grands pays en sa subjection par sa force, et avoit fait de grands dommages aux villes de Reims et de Laon et ès pays à l'environ. Et d'autre partie, ceux qui tenoient

le châtel de Moy vers Laonois, sachant les renditions des villes et forteresses dessusdites, doutant que messire Jean de Luxembourg et les Anglois ne les allassent assiéger soudainement, boutèrent le feu dedans ledit châtel, et s'en allèrent à Guise: et pareillement ardirent et désolèrent les châteaux de Mouteront et de Bussy.

CHAPITRE CCLXXI.

Comment la reine d'Angleterre retourna en France grandement accompagnée; et des états qui furent tenus dedans Paris, et autres matières.

Le vingt et unième jour de mai de cet an mil quatre cents et vingt-deux, Catherine, reine d'Angleterre, qui long-temps par avant étoit purifiée de son premier fils nommé Henri, comme son père, arriva au port de Harfleur en noble appareil, et grand' compagnie de navires, pleins d'hommes d'armes et d'archers desquels le duc de Bedfort, frère du roi Henri, étoit chef. Et après qu'ils eurent pris terre, allèrent à Rouen, et de là au bois de Vincennes, devers le roi. Et chevauchoit la reine Catherine en état royal, toujours ledit duc avec elle, à très grand' puissance de gens d'armes. Auquel lieu alla de Meaux à l'encontre d'elle ledit roi Henri son seigneur et mari, avec ses princes; duquel elle fut reçue joyeusement comme l'ange

de Dieu; et des rois et reine de France fut faite toute liesse audit lieu du bois de Vincennes, pour la venue de leur beau-fils, et de leur fille la reine. Et le trentième jour de mai, prévigile de la Pentecôte, lesdits rois de France et d'Angleterre, et les reines leurs femmes, partirent dudit bois de Vincennes, et entrèrent à Paris en moult noble état ; et se logea le roi de France et la reine en son hôtel de Saint-Pol, et le roi d'Angleterre et sa compagne la reine furent logés au châtel du Louvre; esquels lieux célébrèrent chacun desdits rois en droit soi, réalement en leurs logis, la solennité de la Pentecôte, qui lors étoit. Et à cedit jour furent ensemble ledit roi d'Angleterre et sa femme tant glorieusement comme pompeusement à leur table à dîner, et couronnés de leurs précieux diadèmes. Là sirent aussi, en la salle où étoient le roi et la reine à table, où étoient gentement appointés, les ducs et princes, gens d'église, gonfanoniers et chevaliers de la gent angloise, chacun comme à son état appartenoit ; et furent remplis de diverses viandes et de boires précieux. Et tinrent à cedit jour lesdits roi et reine noble cour et large; et tous les Anglois qui étoient là venus à cette fête. Et là le peuple de Paris en grand nombre allèrent audit châtel du Louvre pour voir lesdits roi et reine d'Angleterre séants ensemble, en portant couronne; mais ledit peuple, sans être administrẻ de boire ni de manger par nuls des maîtres d'hôtels de léans se partirent, contre leur coutume, dont

ils murmurèrent ensemble; car, au temps passé, quand ils alloient en si haute solennité à la cour de leur seigneur le roi de France, étoient administrés des gouverneurs de boire et manger à sa cour, qui étoit à tous ouverte; et là ceux qui se vouloient seoir étoient servis très largement par les serviteurs du roi, des vins et viandes d'icelui. Mais alors le roi Charles qui, tout le temps de sa vie, avoit été comme ses prédécesseurs large et courtois, se séoit en son hôtel à Saint-Pol, avec lui la reine sa compagne, assez seuls, et, ainsi que tous, mis arrière et en oubli des grands seigneurs de son royaume, et aussi des autres. Et pour ce temps étoit issue et éloignée toute la puissance dudit royaume d'icelui roi Charles, et entrée ou arrêtée en son beau-fils le roi Henri. Et pour lors le dessusdit roi ne gouvernoit pas sondit royaume; mais étoit gouverné et mis comme au néant au regard de la noble et grand' puissance, qu'il avoit eue autrefois durant son règne. Pour lesquelles choses plusieurs loyaux François avoient au cœur grand' tristesse, et non pas sans cause. Esquelles jours icelui roi Heuri, étant audit lieu de Paris, fit en icelle ville cueillir la taille des marcs d'argent, dont dessus est faite mention, pour forger la nouvelle monnoie, ainsi et par la manière qu'on l'avoit déjà ceuillie ailleurs. Si s'en émurent plusieurs rumeurs ; mais finablement, pour la doute et cremeur dudit roi Henri, les Parisiens n'osèrent montrersemblant de désobéissance, ni rébellion aucunement.

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CHAPITRE CCLXXII.

Comment les deux rois allèrent de Paris à Senlis; du siége de SaintValery; la rendition de Compiesgne, et l'ambassade faite à messire Jacques de Harcourt.

LE vingt-deuxième jour de juin, les deux rois de France et d'Angleterre et les reines leurs femmes se partirent de Paris, et allèrent à Senlis, où ils séjournèrent aucuns jours; et de là, approchant le jour que la ville de Gamache se devoit rendre, y envoya le roi, pour icelle recevoir, le comte de Warwick, atout trois mille combattants en sa compagnie. Lequel comte, comme promis avoit été, entra en ladite ville le vingt-septième jour de juin, et rétablit les ôtages sains et haités (bien portant), lesquels il avoit menés avec lui; et après reçut les serments de ceux de la ville au nom des deux rois. Et avec ce, y commit capitaine messire Felton, natif d'Angleterre, avec certain nombre de gens d'armes et archers. Ces besognes accomplies, alla ledit comte devant Saint-Valery, que tenoient les Dauphinois, et icelle approchant, envoya ses coureurs devant la ville. De laquelle issirent à l'encontre d'eux environ cent hommes d'armes très experts, montés sur chevaux roides et habiles, qui de pleine venue se ferirent èsdits Anglois; et y eut d'une partie

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