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CHAPITRE CCLXIV.

Comment messire Jean de Luxembourg alla devers le roi Henri pour la délivrance du comte de Conversan, son frère, et plusieurs autres matières.

En ce temps, alla messire Jean de Luxembourg, à privée mesgnie (suite), devers le roi Henri d'Angleterre, à son siége de Meaux, pour traiter de la délivrance du comte de Conversan son frère, lequel jà par long-temps avoit été prisonnier, et encore étoit dedans icelle ville, à Pierron de Luppel. Et lui là venu, fit et traita tant, par l'aide et moyen du dessuɛdit roi anglois, que son frère fut délivré de prison, moyennant certaine grand' somme de pécune qui fut promise à délivrer et payer audit de Luppel à jour assigné par les parties. Et depuis sa délivrance demeura icelui comte au service d'icelui roi durant le siége de Meaux; et messire Jean de Luxembourg retourna en Picardie, dont il étoit capitaine général, et en sa compagnie messire Hue de Launoy, qui nouvellement avoit été constitué maître des arbalêtriers de France, de par les deux rois de France et d'Angleterre.

Auquel an, Catherine reine d'Angleterre, accoucha d'un fils, audit royaume; lequel, par l'ordonnance du roi son père, fut nommé Henri, sur

les fonts; et avec les autres, qui à ce étoient commis, le leva Jacqueline de Bavière, duchesse de Brabant, qui lors étoit audit pays d'Angleterre Pour la nativité duquel le dessusdit roi Henri eut au cœur très grand' liesse ; et par tout sondit royaume d'Angleterre fut aussi menée très grand' joie, plus que par avant n'avoit été vue par très long temps de nuls autres enfants royaux. Durant lequel temps les Dauphinois prirent d'emblée la ville d'Avranches; que tenoient les Anglois, lesquels furent, que morts que pris, de deux à trois cents; dont moult déplut au roi d'Angleterre, quand ce fut venu à sa connoissance. Et y envoya de son siége de Meaux, certain nombre en l'aide du comte de Salsebery, qui étoit gouverneur de toute Normandie, lequel fit si bonne diligence qu'icelle ville fut reconquise, et plusieurs desdits Dauphinois morts et pris.

y

En après, en ces wêmes temps, retourna, par certain traité, des prisons du roi d'Angleterre, Artus, comte de Richemont, frère au duc de Bretagne en France; et après sa délivrance, vint atout grand nombre de gens d'armes audit siége de Meaux, servir le dessusdit roi d'Angleterre, auquel service il demeura durant la vie d'icelui roi.

CHAPITRE CCLXV.

Comment le seigneur d'Offemont alla pour entrer dedans Meaux, et fut pris par les Anglois ; et de la ville qui fut gagnée d'assaut par les assiégeants.

En ces propres jours, le seigneur d'Offemont assembla environ quarante combattants des plus experts et renommés en fait de guerre qu'il put finer, et les mena et conduisit jusques assez près de la ville de Meaux, où étoit devant le roi d'Angle'terre, comme vous avez ouï, sur intention d'entrer secrètement dedans icelle ville, pour aider et conforter les assiégés, qui par plusieurs fois l'avoient mandé pour être leur capitaine. Lesquels, sachant sa venue, étoient préparés de le recevoir, et avoient sur le soir mis une échelle dehors leurs murs par où il devoit monter atout ses gens. Et lors, au jour assigné par les parties, s'approcha ledit seigneur d'Offemont pour fournir el accomplir son entreprise; si rencontra aucuns de ceux du guet des Anglois, qui tantôt furent mis à mort ; el après alla jusques aux fossés de ladite ville; et commencèrent ses gens à monter dedans par l'échelle dessusdite, et de fait y en monta plusieurs : mais lui, qui alloit tout derrière pour les bouter, en passant en avant, sur une vieille planche par-dessus

un grand fossé, chut armé de plein harnois dedans ledit fossé, et ne put de là être tiré par ses gens, nonobstant qu'ils lui baillèrent deux lances l'une après l'autre, lesquelles lui demeurèrent ès mains.

Et entre temps ceux de l'ost, qui ouïrent le murmure et effroi, vinrent sur eux à grand' puissance sans délai, et les prirent. Si fut ledit seigneur d'Offemont navré cruellement au visage, et pareillement plusieurs de ses gens. Et en cet état le menèrent devers le roi d'Angleterre, qui de sa prise fut moult joyeux, et l'examina sur plusieurs propos, et après le fit mettre en bonne garde et bien panser de sa personne. Et le lendemain, les assiégés, tristes en cœur de cette aventure, doutant qu'au long aller ne pussent garder la ville et le marché, firent retraire aucuns des biens de ladite ville dedans ledit Marché; laquelle chose aperçue par les gens de Jean Guigny, Savoyen, qui étoit audit siége, s'émurent soudainement et allèrent assaillir ladite ville; et d'autre côté commença l'assaut de toutes parts, tel et si âpre, qu'en bref sut gagnée sans ce que les assiégés y fissent grand' perte ; et se retrahirent lesdits assiégés atout partie de leurs biens dedans le Marché. Toutefois il en y eut aucuns pris et morts, non pas grand nombre. Dedans laquelle ville se logea le roi anglois et grand' multitude de ses gens; et bref ensuivant gagna une petite île assez près du Marché, en laquelle il fit asseoir plusieurs grosses bombardes, qui moult ter

riblement grévèrent les maisons dudit Marché, et aussi les murailles d'icelle. Et par ces moyens fu rent lesdits assiégés fort contraints et mis en grand' nécessité; car avecque ce ledit roi d'Angleterre avoit fait dresser plusieurs engins, taudis, bouleverts et autres habillements près de la muraille. Et tant avoit ce continué, qu'iceux assiégés étoient de jour en jour en péril d'être pris d'assaut ; et si n'avoient nulle espérance d'être secourus par ledit dauphin, leur seigneur, pour ce que les jours étoient passés que ledit secours leur avoit été promis à envoyer. Et derechef, en continuant de mal en pis pour lesdits assiégés, furent pris par les Anglois les moulins dudit Marché: parquoi ils ne pouvoient moudre leurs blés, sinon en grand danger.

CHAPITRE CCLXVI.

Comment messire Jean de Luxembourg conquit cette saison les forteresses du Quesnoy, de Louroy, de Héricourt, et autres diverses matières.

OR convient parler d'une armée que fit en cet an messire Jean de Luxembourg, de par les rois de France et d'Angleterre, et avecque lui plusieurs seigneurs de Picardie: c'est à savoir messire Hue de Launoy, lors maître des arbalêtriers de France, le vidame d'Amiens, le seigneur de Longueval, le

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