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noble royaume, par fortune de guerre, et tribulad'eux-mêmes être mis et gouverné en et par main de leurs anciens ennemis, dessous laquelle domination et gouvernement il leur falloit vivre de présent.

Et quant est à parler de l'état du roi Henri d'Angleterre, et de sa fenime la reine, lequel il fit ce jour, nul ne sauroit raconter les grands états, pompes et bobans qui furent faits en son hôtel, tant de lui comme de ses princes. Et de toutes parts venoient en grand' humilité les sujets de ce noble royaume de France, devers lui, pour lui honorer et exaucer. Et dès lors commença ledit roi du tout à gouverner et administrer les besognes dudit royaume, et faire officiers à son plaisir, en démettant ceux qui par le roi et le duc de Bourgogne mort, et icelui de maintenant, y avoient été mis de long-temps. Et d'autre part, constitua le comte de Kyme, nommé Effreville (Humphreville), capitaine-général de la ville de Melun, atout (avec) suffisante garnison de gens d'armes et de gens de trait; et le comte de Hautiton (Huntingdon), son consin-germain, fut fait capitaine du bois de Vincennes ; et à Paris, fut ordonné à demeurer avec le roi Charles, le duc d'Ecestre (Exeter), avec cinq cents combattants. Après lesquelles ordonnances, et que la fête de la Nativité Notre-Seigneur fut passée, se partit de Paris le dessusdit roi Henri, la reine sa femme, le duc de Clarence et de Bedfort, et autres de ses princes et grands seigneurs,

et s'en alla à Rouen, où il tint derechef plusieurs grands conseils sur le régime du royaume; et y séjourna certaine espace devant qu'il retournât en Angleterre.

Et pareillement le duc Philippe de Bourgogne, partant dudit lieu de Paris, s'en alla à Beauvais, à la fête et entrée de maître Pierre Cauchon, docteur en théologie, nouvel évêque d'icelle ville de Beauvais, moult enclin et affecté à la partie de Bourgogne. Laquelle fête passée, se partit ledit duc de là; et, par Amiens et Dourlens, s'en alla à Lille, et puis à Gand, où étoit sa femme la duchesse Michelle, où il séjourna environ trois semaines. Et le rouge duc en Bavière, qui étoit venu servir le roi Henri, son beau-frère, comme vous avez ouï, atout (avec) cinq cents combattants ou environ, s'en retourna hâtivement, par Cambrai, en son pays d'Allemagne, pour ce qu'il avoit ouï nouvelles que les Bohémiens, instruits et enseignés par un clerc de leur pays, qui étoit hérétique, s'étoient dressés et confusément émus du venin d'hérésie, non pas seulement contre notre sainte foi catholique, mais avec ce, contre les rois d'Allemagne, de Hongrie et de Bohème; et en grand' multitude leur faisoient guerre mortelle et très cruelle.

CHAPITRE CCXLIII.

Comment Henri, roi d'Angleterre, alla de Rouen à Calais, avec lui la. reine sa femme, et de là en Angleterre, où il fut reçu à très grand' joie de tous ceux du pays.

APRÈS ce qu'Henri, roi d'Angleterre eut ordonné ses besognes à Rouen, et commis en son lieu capitaine-général de toute la Normandie, son frère le duc de Clarence qui étoit moult prudent et renommé en armes, il se partit de là, et passa parmi Caux, avec lui la reine sa femme, son frère le duc de Bedfort, et bien six mille combattants; et vint par Poix à Amiens, la vigile Saint-Vincent; et fut logé en l'hôtel de maître Robert le Jeune, qui naguère avoit été constitué nouvel bailli d'Amiens, au lieu du seigneur de Humbercourt. Si fut moult honorablement reçu, et lui fit-on et à sa femme la reine plusieurs présents; et de là, par Dourlans, Saint-Pol et Thérouenne, alla à Calais, où il séjourna aucuns jours; et après passa la mer, et alla en Angleterre, où il fut reçu comme l'ange de Dieu. Et lui venu en sondit royaume d'Angleterre, s'employa hâtivement par toutes manières à couronner sa femme la reine. Laquelle coronation fut faite en la cité royale de Londres, chef et maîtresse de tout le royaume. Et là fut faite telle et si grande pompe, et boban et joliveté,

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que depuis le temps que jadis le très noble combattant Artus, roi des Bretons et des Anglois, commença à régner, jusques à présent, en Angleterre, qui étoit appelée la Grand' Bretagne, ne fut vue en ladite ville de Londres la pareille fête de nuls des rois anglois.

Après laquelle fête, ledit roi alla en propre personne par les cités et bonnes villes de son royaume ; et et leur exposa et déclara, comine homme discret et beau parleur, toutes les grands et bonnes avenues qui, par son labeur et peine, par long-temps, et en moult de places, lui étoient advenues en France, et les besognes qui restoient et demeuroient encore à faire audit royaume, c'est à savoir subjuguer son adversaire le dauphin de Vienne, seul fils du roi Charles, et frère de sa femme, reine d'Angleterre, qui, à lui contredisant, se disoit régent de France et héritier, et tenoit, occupoit, et possédoit en doute la plus grand' partie dudit royaume, disant que pour ce faire et pour conquerre, deux choses lui étoient moult nécessaires, c'est à savoir finance et gens d'armes. Lesquelles requêtes par lui faites lui furent accordées et octroyées libéralement de tout son peuple des bonnes villes dudit royaume. Et pour vrai il assembla tantôt si grand' pécune en or, argent et joyaux, qu'à peine les pourroit-on nombrer. Et ce fait, il elut en sondit royaume une grand' compagnie de toute la jeunesse du pays, des plus forts et des plus habiles à traire et combattre, et en bref

en cueilla et fit un ost qu'il joignit avec ses princes, chevaliers et écuyers, tant qu'en tout assembla bien trente mille combattants, pour derechef les mener en France, et combattre et subjuguer son adversaire le dauphin. Mais lui étant en sondit royaume d'Angleterre, et pour icelui obtenir plus sûr, prit et donna trèves à ses ennemis de Galles et d'Ecosse, et avec ce consentit la délivrance du roi d'Ecosse, qui par très long-temps avoit été prisonnier en Angleterre, comme dit est ailleurs, moyennant qu'il prît à femme sa cousinegermaine, sœur du comte de Sombresset (Sommerset), et nièce du cardinal de Winchestre, lequel fut principal envers le roi dessusdit de traiter icelui mariage et délivrance.

CHAPITRE CCXLIV.

Comment il s'émut grand discord entre le duc de Brabant et la duchesse sa femme, laquelle se départit de lui et s'en alla par Calais en Angleterre.

En ces mêmes temps fut moult grand discord entre le duc Jean de Brabante d'un part, et la duchesse Jacqueline sa femme d'autre ; et tant, qu'icelle duchesse se départit de l'hôtel de sondit mari, pource principalement, comme il fut commune renommée, qu'elle le véoit de petit gouvernement, et aussi qu'il se laissoit dominer et conduire par gens de

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