Imágenes de página
PDF
ePub

que

« Item, fut défendu, de par les deux rois, nul n'entrât dedans lesdites villes et châtel, sur peine d'être décapité, sinon ceux qui étoient à ce commis.

le

» Item, entre les autres qui furent décapités en ladite ville, le furent deux moines de Joy en Brie; c'est à savoir le célérier dudit lieu, et dam Symon, jadis moine du Gart, avecque aucuns autres dessusdits. Et entre temps que les traités dessusdits se faisoient, y eut un gentilhomme de l'hôtel du roi d'Angleterre, nommé Bertrand de Chaumont, qui à la bataille d'Azincourt propre jour, étant François se rendit Anglois, pour tant qu'en Guienne tenoit sa terre dudit roi d'Angleterre, et pour sa vaillance étoit de lui moult aimé. Mais, comme dit est, durant le traité de Melun, icelui Bertrand, comme mal conseillé. par convoitise de pécune qu'il eut, aida à sauver et soustraire, hors de ladite ville, Amerion du Lau, qui avoit été, comme on disoit, coupable de la mort du duc Jean de Bourgogne ; laquelle chose vint à clarté et à la connoissance du roi d'Angleterre, dont grandement il fut troublé. Et pour ce même fait audit Bertrand fit couper la tête, assez bref ensuivant, nonobstant que son frère le duc de Clarence et le duc de Bourgogne le priassent d'avoir pardon pour le dessusdit. Auxquels il fit

1. Pour dom, de Dominus.

réponse que plus n'en parlassent, et que de son su ne vouloit avoir nuls traîtres en son ost. Et néanmoins qu'il fît cette justice pour montrer exemple aux autres, si voudroit-il qu'il lui eût coûté cinquante mille nobles, et ledit Bertrand n'eût oncques fait cette déloyauté contre lui.

CHAPITRE CCXL.

Comment, après le siége de Melun, les deux rois, les reines leurs femmes, et plusieurs princes et grands seigneurs allèrent à Paris en noble appareil.

APRÈS les besognes dessusdites conclues, comme dit est, le roi d'Angleterre et le duc de Bourgogne congédièrent premier aucuns de leurs gens, et se partirent atout (avec) leur ost de devant Melun, et prirent leur chemin à Corbeil, où étoit le roi de France et les deux reines, c'est à savoir de France et d'Angleterre, qui tous ensemble allèrent de la ville de Corbeil à Paris, c'est à savoir les deux rois, et avecque eux les ducs de Clarence, de Bourgogne, de Bedfort et d'Ecestre (Exeter), les comtes de Warwick, de Salsebery (Salisbury), et plusieurs grands seigneurs. Au-devant desquels rois et princes allèrent à l'encontre les bourgeois de Paris en grand nombre et en moult belle ordonnance. Et lors étoient les rues couvertes et parées

parmi Paris, en plusieurs lieux, de draps de parement moult riches. A l'entrée desquels fut crié : Noël! par le peuple, de carrefour en carrefour, partout où ils passoient. Et chevauchoient les deux rois moult noblement de front l'un d'emprès l'autre, le roi de France au dextre côté. Et après eux étoient les ducs de Clarence et de Bedfort, frères du roi d'Angleterre. Et à l'autre côté de la rue, à la main sénestre, chevauchoit le duc de Bourgogne, vêtu de noir; et après lui étoient les chevaliers et écuyers de son hôtel; et les autres princes et chevaliers suivoient les deux rois assez près. Et ainsi chevauchant parmi lesdites rues, encontrèrent les gens d'église à pied en procession, arrêtés par les carrefours où ils devoient passer. Et adonc ful présenté aux deux rois à baiser les saintes reliques que portoient iceux gens d'église ; et premier au roi de France, lequel se retourna devers le roi d'Angleterre, en lui faisant signe qu'il baisât premier. Et ledit roi d'Angleterre, en mettant la main à son chaperon, faisant révérence au roi de France, lui dit qu'il baisât ; et ce faisant, baisa ledit roi de France, et après lui le roi d'Angleterre. Et fut cette manière tenue par eux tout du long de la ville jusques à l'église Notre-Dame, en laquelle les deux rois et les princes dessusdits entrèrent, et firent leur oraison devant le grand autel. Et après remontèrent à cheval et s'en allèrent chacun en son logis: c'est à savoir le roi de France, et avecque lui le duc de Bourgogne, en son hôtel de St.-Pol.

Et de là ledit duc de Bourgogne, après qu'il eut reconvoyé le roi de France, alla loger en son hotel d'Artois. Et le roi d'Angleterre et ses deux frères se logèrent au châtel du Louvre; et leurs gens en plusieurs lieux par la ville, sinon aucuns de gens d'armes qui se logèrent ès villages autour de Paris.

. Et le lendemain, vinrent dedans Paris les deux reines de France et d'Angleterre, à l'encontre desquelles allèrent le duc de Bourgogne et plusieurs seigneurs d'Angleterre, et aussi les bourgeois de Paris en pareille ordonnance qu'ils avoient été le jour devant. Et fut derechef faite toute joie dedans Paris à la venue desdites reines. Quant est à parler des dons et présents qui furent faits dedans Paris aux dessusdits rois, et par espécial au roi d'Angleterre et à sa femme la reine, il seroit trop long à raconter chacun à part soi. Et par espécial, tout ce jour et toute la nuit, découroit vin en aucuns carrefours abondamment en robinets, détroits et autres conduits faits ingénieusement, afin que chacun en prensît (prît) pleinement à sa volonté.

En outre, par toute la ville de Paris généralement fut faite grand' liesse pour la paix finale des deux rois, plus que la langue ne pourroit raconter. En après, les dessusdits rois de France et d'Angleterre, et leurs princes, venus audit lieu de Paris, aucuns peu de jours ensuivant, fut faite grand' plainte et clameur par le duc Philippe de Bourgogne et le procureur de la duchesse sa mère, de

la piteuse mort de feu le duc Jean de Bourgogne ; et pour icelles complaintes sit le roi de France, comme juge en son hôtel de Saint-Pol, en la bassesalle. Et là étoit assis, sur le même banc ou séoit le roi de France, Henri d'Angleterre ; et auprès dudit roi de France séoit maître Jean le Clerc, chancelier de France; et assez près étoit maître Philippe de Morvillier, premier président en parlement, et plusieurs autres nobles hommes du conseil du roi Charles. Et d'autre côté, vers le milieu de la salle, séoit sur un bane le duc de Bourgogne, et avecque lui, pour l'accompagner, les ducs de Clarence et de Bedfort, les évêques de Thérouenne, de Tournai, de Beauvais et d'Amiens; messire Jean de Luxembourg et plusieurs autres chevaliers et écuyers de son conseil.

Adonc messire Nicolas Rolin, étant pour le duc de Bourgogne et la duchesse sa mère, demanda pour eux audience aux deux rois de parler, comme est accoutumé; et par iceux obtenue, proposa ledit avocat le félon homicide fait en la personne de Jean de Bourgogne, naguères occis, contre Charles, soi-disant dauphin de Vienne, le vicomte de Narbonne, le sire de Barbasan, Tanneguy du Châtel, Guillaume Boutillier, Jean Louvet, président de Provence, messire Robert de Loyre, Olivier Layet, et tous les coupables desdits homicides: contre lesquels et chacun d'eux, ledit avocat conclut, afin qu'ils fussent mis en tombereaux et menés par tous les carrefours de Paris, nues têtes, par trois

« AnteriorContinuar »