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hommes loyaux se doivent employer à la défension de ce royaume. Et supposé que les ennemis jà n'y descendissent, si ne voudroit pas souffrir le duc de Bourgogne, que les faux traîtres demeurassent en telle gouverne.

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Item, et en tant qu'il touche que si le duc de Bourgogne et autres de sa compagnie disoient que ceux qui gouvernent le roi leur ont fait, et font de jour en jour maints grands duretés et choses qu'il ne pourroient souffrir, et autres choses, si n'étoit-ce pas chose raisonnable ni suffisante pour ainsi détruire le royaume, ni par quoi ledit duc eût dû favoriser ou donner confort ou aucune aide aux Anglois; répond ledit duc de Bourgogne : que ce qui est ci-dessus dit, et moult d'autres choses innumérables qui seroient moult longues à réciter, est tout notoire que les gouverneurs, c'est à savoir, messire Henri de Marle, l'évêque de Paris, messire Tanneguy du Châtel, messire Burel de Dampmartin, maître Etienne de Mauregard, maître Philippe de Corbie, et plusieurs autres, ont été principaux promoteurs et conduiseurs desdites iniquités, à la perturbation de paix qui est en ce royaume, et d'autres grands excès et crimes, qui ci-après seront déclarés. Et pour tant ledit duc de Bourgogne s'est mis en armes, non pas pour détruire le royaume ou pour favoriser les Anglois, mais il est en armes pour enchasser et débouter lesdits gouverneurs de toute leur gouverne, et d'être entour le roi ; et ne cessera, tant qu'il aura la

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vie au corps, jusques à tant qu'il sera parvenu à sa bonne intention; car ils ne sont pas tels hommes, qu'ils doivent avoir telle autorité; ni pas ne leur est dû pour lignage, science, loyauté, expérience, ou autre bonté; mais est une grande ordure et dérision, que par gens de si petit fait et condition, la puissance des Anglois soit déboutée et enchassée. Et à ce doivent bien avoir regard les seigneurs et les nobles de ce royaume, et tous autres prud'hommes de souffrir telle bêterie et ordure, de se laisser ainsi détruire, suppéditer et déshonorer par tels gens, qui rien ne savent, et qui rien ne peuvent ni ne valent; car chacun communément voit qu'ils n'ont de puissance, d'autorité et de seigneurie, fors ce qu'ils entreprennent de faire, et que ils se donnent de gloire; et ils conduisent et ont conduit les choses dessusdites par grands cruautés, tyrannies et inhumanités; lesquelles ils ont toujours faites el font de jour en jour aux bons, vrais et loyaux sujets du roi, sous ombre de faire et mainlenir justice.

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Item, en tant qu'il touche que le roi, à la re- . quête du comte de Hainaut, à qui Dieu pardoint! a autrefois octroyé, pour le bien de paix, au duc de Bourgogne et à tous ceux qui l'on servi, moult grosses choses, et qui bien lui doivent plaire, mais que le duc ne voulut pas excepter, et n'en fit compte ; répond le dục: que pour le bien de paix et union de ce royaume, qu'il a toujours désiré et désire de tout son cœur, il se transporta devers

monseigneur le dauphin derrain trépassé et monseigneur de Hainaut, auxquels Dieu fasse bonne merci ! et après moult de paroles dites sur le fait de la paix, le duc de Bourgogne leur bailla une cédule contenant la volonté finale qu'il avoit sur icelle paix, en l'offrant à tous qui la voudroient avecque lui, excepté le roi Louis, naguère mort, pour aucuns intérêts qu'il avoit contre lui, dont le dauphin et le comte de Hainaut furent moult bien contents; lesquels, pour la perfection de cette matière de paix, se transportèrent à Compiegne. Et combien qu'en telles choses on doit procéder le plus hâtivement et diligentement qu'on peut, afin de faire cesser tout inconvénient de guerre; néanmoins les traîtres d'entour le roi, qui manient les besognes par allées, venues et voies frauduleuses, furent par espace de trois mois ou environ sans de ce prendre aucune conclusion. Toutefois, il est bien vrai que finablement le comte de Hainaut alla à Paris, et moyennant la reine, procura devers les traîtres, sur ladite besogne, certain appointement dont assez étoit content; mais ainçois (avant) que l'appointement fût entièrement passé, il s'aperçut secrètement et occultement qu'on devoit prendre lui et la reine et les emprisonner, afin qu'après ils fissent du dauphin leur volonté : pour quoi le comte de Hainaut prit un hâtif conseil de partir couvertement de Paris, el retourna à Compiègne, auquel lieu, assez tôt après sa venue, le dauphin trépassa par fausse et damnable manière. Laquelle chose

le duc de Bourgogne déclara par ses lettres dessusdites. Après le décès duquel, le comte de Hainaut se transporta en son pays de Hainaut, auquel lieu lui fut adressé la réponse de ladite paix, dont il fut très mal content, disant qu'après le décès du dauphin les traîtres ont changé et mué ce qui paravant avoit été octroyé et passé ; et envoya icelle réponse au duc de Bourgogne. Laquelle réponse vue, par le duc Jean, à très grande et mûre délibération de conseil, il trouva qu'elle étoit moult mal gracieuse au regard du bien du roi et de son royaume, et du duc de Bourgogne. Et pour ce le duc ne fut pas bien content, et n'en fit compte; mais fut mû de faire et d'envoyer en plusieurs lieux de ce royaume lesdites lettres-patentes, contenant la désolation du royaume et sa bonne volonté et intention. Lesquelles lettres présenta en sa personne au comte de Hainaut, icelui comte étant malade, de laquelle maladie il mourut. Lequel en son bon sens et entendement ouït la lecture des lettres et les reçut agréablement pour faire publier en son pays, et dit que le duc de Bourgogne faisoit bien, car les traîtres d'entour le roi étoient pires que nul ne pourroit dire ni imaginer, en offrant au duc de Bourgogne son service de corps et de gens, si Dieu lui donnoit grâce de relever de sa maladie. Et si son corps, pour l'enfirmeté, demeuroit empêché, il lui offrit ses sujets, amis et bienveillants, et sa finance. Et lors jura un très grand serment, que s'il ne se fût l'autre jour hâtivement parti de Paris, que les traî

tres avoient conclu de prendre la reine et luimême, comme tantôt bien notoirement apparut en tant qu'il touche la reine; car ils prirent et empoignèrent et emportèrent tous ses biens au déshonneur du roi, d'elle et de toute leur génération. Il est vrai aussi que quand le duc de Bourgogne étoit à Lagny, le duc de Bretagne fut en grand péril à Paris; et convint qu'il s'en partit, pource qu'il procuroit la paix du royaume. En outre, dit le comte de Hainaut, en jurant comme dessus, que certainement il tenoit que si les Anglois étoient à un lez (côté) des portes de Paris, et le duc de Bourgogne fûtà l'autre lez à une des portes, ils lairroient ainçois (plutôt) entrer les Anglois ens (dedans) que le duc de Bourgogne. Et toutes les choses dessusdites dit le comte de Hainaut en la présence de madame de Hainaut, monseigneur de Charrolois, monseigneur de Saint-Pol, le trésorier de Hainaut, Jean Bâtard, maître Eustache de Lactre, monseigneur de ChampDivers et plusieurs autres.

>> Aussi, il y a bien apparu qu'ils n'ont nulle volonté de bien faire ; car nouvellement ils ont fait ardoir les lettres-patentes du duc de Bourgogne, en le palais à Paris ; par lesquelles le duc de Bourgogne offroit paix à tous ceux qui, avec lui, la vouloient avoir, comme ci-dessus est touché ; laquelle chose leur fut et est une pauvre vengeance et grand' foiblesse de cœur d'eux cuider venger d'ardoir un peu de parchemin.

» Item et finablement, afin que chacun sache la

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