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l'histoire nationale du Brabant par des faits qu'il serait trop long de rappeler; pourquoi, dis-je, cette fontaine, entourée de traditions et de sympathies populaires, représente-t-elle un petit enfant -occupé, comme dit Sganarelle, « à expulser le superflu de la boisson, dans une attitude charmante et avec un naturel parfait? On l'appelle en flamand Manneken-pis, nom qui parle assez de luimême. Les jours ordinaires, il est nu, en bronze; les jours de grande fête, il a divers costumes, dont on l'habille selon la circonstance, mais de manière à ne jamais gêner l'exercice de ses fonctions. Un gardien, qui reçoit un traitement spécial sur les revenus dont Manneken-pis a été doté par divers souverains et par la commune de Bruxelles, est chargé de l'habiller et de le coiffer, et aussi de lui découvrir la tête lorsque passe le saint sacrement dans les processions des kermesses. Manneken-pis, dans ce moment-là, ôte son chapeau, mais continue toujours.... d'être une fontaine.

Deuxièmement, pourquoi une autre fontaine de la même ville représente-t-elle un buste d'homme penché, en train d'expulser aussi le superflu de la boisson? et ici le mot superflu trouve son application plus juste encore; car, celui-là, c'est par la bouche qu'il expulse. On l'appelle le Cracheur, par politesse et par euphémisme.

Pourquoi enfin une troisième fontaine qui existait jadis, toujours dans la même ville, avait-elle pour figures, à ce que l'on m'a dit, trois femmes dont le sein laissait jaillir le lait?.....

La boisson! toujours la boisson!

Est-ce que ces trois faits ne signifient rien? Estce que mes amis de Belgique prétendraient que ces trois sujets, identiques au fond, se sont rencontrés dans leur élégante capitale par un pur effet du hasard? Mais le hasard lui-même, ici, aurait un sens! Des physiologistes concluraient de la coïncidence de ce triple hasard, qu'en ce temps-là du moins, je veux dire aux époques où furent élevées ces trois fontaines, les Bruxellois et les Brabançons étaient, comme parle Rabelais, « buveurs trèsillustres. »

Aujourd'hui encore, à l'occasion, les Bruxellois et tous les Belges aiment à verser le vin d'honneur, et aussi, je ne l'oublie pas, le vin de l'hospitalité. Les meilleurs vins de France se boivent en Belgique, parce que, les droits à payer étant les mêmes pour les vins médiocres et pour les plus grands crus, on préfère avec raison s'approvisionner de ceux-ci. Rien ne surpasse la qualité des grands vins de Bordeaux qui vous sont offerts avec largesse dans les bonnes maisons du Brabant et des Flandres, si ce n'est la qualité des grands vins de Bourgogne, qui vous sont prodigués sur les tables luxueuses du pays wallon, à Liége, à Mons, à Namur. Je connais des bourgeois de Namur qui ont des caves si vastes, qu'elles sont distribuées en galeries, en rues, avec des noms marqués sur des écriteaux. Namur s'est surnommée elle-même joyeusement la Gloute, et elle force les gens qu'elle accueille de l'aider à justifier, le verre en main, ce

surnom pantagruélique. Le Belge ne me démentira pas, je crois, lorsque je dirai, avec la chanson :

Il aime à rire, il aime à boire,

Il aime à chanter comme nous!

Si d'aventure il me dément, ce sera par fausse pudeur. Et, en tout cas, ce démenti des classes aristocratiques serait désavoué par le vrai peuple belge. Deux faits achèveront de le prouver.

Un jour, les brasseurs de Bruxelles voulurent augmenter d'un centime le prix du verre de faro, qui contient un demi-litre contrôlé, pour douze centimes, ou six cents. Le peuple bruxellois, ordinairement si sage, ami de l'ordre autant que de la liberté, commença une émeute et menaça de faire une révolution. On se hâta de rétablir le prix sacramentel de six cents, lequel encore aujourd'hui reste ainsi fixé, à la grande joie des buveurs, qui, tous les soirs, dans les estaminets, peuvent en absorber des quantités incroyables. Quelques-uns font gloire d'avaler dans leur soirée jusqu'à vingt et vingt-cinq demi-litres. Où les mettent-ils? Je n'en sais rien. Mais peut-être que deux des fontaines dont je viens de parler, feraient réponse à cette question.

Le dernier fait que m'a conté un de mes amis anversois, est celui-ci : Comme le prix du verre de bière à Anvers est un peu plus élevé qu'à Bruxelles, et que d'ailleurs le faro de Bruxelles est très-renommé dans tout le pays, quelques braves gens du

peuple, à Anvers, ont fait le petit calcul suivant : en prenant, le dimanche, un billet de chemin de fer, d'Anvers à Bruxelles et retour, par les wagons de troisième classe, ils peuvent, pour le même total de centimes, boire deux ou trois verres de plus à Bruxelles qu'à Anvers, et de faro encore! et ils ont, par-dessus le marché, l'agrément de passer la journée à Bruxelles. Tous les dimanches donc, dans la belle saison, ils se payent ce petit train de plaisir.

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L'ARCHITECTURE.

Le climat, la religion, la race, le tempérament, le caractère des peuples et des individus ne se marquent pas moins dans l'architecture que dans tous les autres arts.

Et

Chaque animal fait son logis à son image. l'homme aussi, en chaque pays, en chaque siècle. «< On pourrait classer les monuments, de même que les plantes, en diverses familles, groupées sinon par latitudes, du moins par époques, ces latitudes de l'histoire. Une nomenclature, ainsi comprise, serait tout simplement la botanique appliquée à l'architecture. »

Cette pensée, aussi juste que jolie, de notre ami M. Eugène Pelletan, montre comment l'architecture ne relève pas moins de la critique physiologiste, que ne font la sculpture proprement dite, la peinture, la musique et la littérature.

« Chaque oiseau a son nid, - - dit Alexandre Du

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