Imágenes de página
PDF
ePub

"

« Le ténor de poitrine est trapu et de taille moyenne. Ses cheveux sont ordinairement châtains. La voix de ténor, qui est la plus étendue et la plus complète, exige une constitution robuste, une large poitrine bombée. Ces constitutions sont petites de taille, avec des cheveux châtains, cette couleur annonçant une plus grande somme de force que le blond ou le brun. Ils ont, en outre, le cou long et épais, la tête dégagée, les pieds et les mains relativement petits, mais ils sont plutôt laids que beaux. Quand un homme de grande taille a une voix de ténor, c'est une voix de gorge, qu'il perd d'ordinaire entre trente et quarante ans. Le vrai ténor, au contraire, est dans toute sa force à trentccinq ans, et sa voix parfois se conserve jusqu'à l'âge de soixante ans.

« Il en est de même de la voix de femme appelée soprano. Les grandes belles femmes ont d'ordinaire une voix de contralto, jamais un soprano pur. Les grandes cantatrices,-et on n'est jamais une grande cantatrice sans une voix de soprano, le ténor des femmes, sont toutes de taille moyenne ou petite. Elles ont la poitrine large et de la gorge. Elles sont rarement très-belles, mais ordinairement très-intelligentes. Quand, par hasard, elles sont jolies, elles réunissent tout ce que Dieu a rêvé de beau, de grand et d'enivrant.

« Les plus beaux hommes ont d'ordinaire une voix de baryton. De même, les mezzo-soprani sont les plus belles femmes.

« C'est pourquoi j'ai fait de mon Don Juan un

baryton on m'a parfois reproché de n'en avoir pas fait un ténor; mais un ténor est rarement un homme à bonnes fortunes: le baryton est l'homme aimable de la société. Il arrive souvent que les barytons perdent leur voix de bonne heure.

« Dès que l'homme dépasse la taille plus que moyenne, il a une voix de basse. Plus la taille. monte, plus la voix descend! Le baryton-basse et le baryton-ténor peuvent se reconnaître à la taille: le premier est plus grand que l'autre. Je n'ai connu qu'un seul basse petit et gros. C'était un monstre. Sa voix était aussi extraordinaire que lui.

<< Il en est de même des contralti du sexe féminin.

<< En général, les ténors et les soprani sont d'une constitution plus robuste que les autres voix. Naturellement. Il leur faut plus de force et plus de souffle! Eux seuls tiennent tout! Ils réunissent en effet les trois voix humaines.

• Et ces grands colosses de basses, que l'on croit si forts, j'en ai vu que de petits ténors renversaient d'un seul bras. Ils sont, d'ailleurs, plus souvent malades. En général, les petits sont plus robustes que les grands.

[ocr errors]

Tels sont les principaux traits de cet amusant aperçu physiologico-musical.

En résumé, on voit que la physiologie est de mise aussi bien en musique qu'en littérature. Elle l'est également en peinture, en statuaire et en architecture, ce que je ferai voir rapidement.

-

LA PEINTURE.

Selon Voltaire, « il n'en est pas de la peinture comme de la musique et de la poésie : une nation peut avoir un chant qui ne plaise qu'à elle, parce que le génie de sa langue n'en admettra pas d'autre ; mais les peintres doivent représenter la nature, qui est la même dans tous les pays. »

Ici l'opinion de Voltaire a besoin, ce me semble, d'être un peu éclaircie. D'abord est-il bien vrai que la nature soit la même dans tous les pays? Voltaire, dans un autre endroit, reconnaît le contraire avec raison, et l'exprime à merveille. Un de ses person nages, qui est Anglais, dit à un autre, qui est Américain : « Votre climat est fait pour vous, et il n'est pas mauvais, puisque ni vous ni vos compatriotes n'avez jamais voulu le quitter. Les Esquimaux, les Islandais, les Lapons, les Ostiaks, les Samoïèdes, n'ont jamais voulu sortir du leur. Les rangifères, ou rennes, que Dieu leur a donnés pour les nour

rir, les vêtir et les traîner, meurent quand on les transporte dans une autre zone. Les Lapons aussi meurent dans les climats un peu méridionaux : le climat de la Sibérie est trop chaud pour eux ; ils se trouveraient brûlés dans les parages où nous sommes. Il est clair que Dieu a fait chaque espèce d'animaux et de végétaux pour la place dans laquelle ils se perpétuent. Les nègres, cette espèce d'hommes si différente de la nôtre, sont tellement nés pour leur patrie, que des milliers de ces animaux noirs se sont donné la mort, quand notre barbare avarice les a transportés ailleurs. Le chameau et l'autruche vivent commodément dans les sables de l'Afrique. Le taureau et ses compagnes bondissent dans les pays gras où l'herbe se renouvelle continuellement pour leur nourriture. La cannelle et le girofle ne croissent qu'aux Indes. Le froment n'est bon que dans le peu de pays où Dieu le fait croître. On a d'autres nourritures dans toute votre Amérique, depuis la Californie jusqu'au détroit de Lemaire. Nous ne pouvons cultiver la vigne dans notre fertile Angleterre, non plus qu'en Suède et au Canada. Dieu, dans toute la terre, a proportionné les organes et les facultés des animaux, depuis l'homme jusqu'au limaçon, au lieu où il leur a donné la vie. N'accusons donc pas toujours la Providence, quand nous lui devons souvent des actions de grâces. »

Ainsi donc la nature change avec les climats, et Voltaire sur ce point se réfute lui-même; mais ce n'est pas tout le caractère et le tempérament des

artistes changent aussi avec les climats, et ce changement seul suffirait, la nature fût-elle la même partout, pour produire des œuvres extrêmement diverses, aussi bien en peinture, quoi qu'il en dise, qu'en littérature et en musique.

[ocr errors]

N'est-ce pas encore Voltaire qui a dit : « Le beau, pour le crapaud, c'est sa crapaude? »

Ce mot est taxé de matérialisme par les spiritualistes dogmatiques. Voltaire était bien, cependant, aussi spiritualiste que ces messieurs, et un peu plus spirituel.

Que nous importent, au surplus, ces distinctions de spiritualistes et de matérialistes, qui ne reposent que sur une hypothèse et qui ne changent rien au fond des choses? Parlez tant que vous voudrez de beau idéal, pour peu que cela vous paraisse prêter à l'éloquence; car les trois quarts des soi-disant spiritualistes ne sont que des phraseurs. Toujours est-il que chaque race humaine se fait un beau idéal différent, et que la Vénus hottentote, avec son tablier de chair, porte par devant le surcroît de grâces que la Vénus callipyge portait par derrière : cela était le beau idéal grec, ceci est le beau idéal hottentot.

Stendhal remarque même plaisamment qu'on pourrait augmenter le nombre des diverses espèces de beau idéal, en faisant passer par chaque climat chacune des trois ou quatre formes de gouvernement. Et, comme il écrit au commencement de la Restauration, il annonce en riant qu'on verra naître un beau idéal constitutionnel. Prédiction qui s'est

« AnteriorContinuar »