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Connaissez l'honnête homme humblement revêtu,
Et discernez le vice imitant la vertu.

Puis sondez votre cœur pour en vertus accroître ;
Il faut, dit Apollon, soi-même se connaître;
Celui qui se connaît est seul maître de soi,
Et sans avoir royaume il est vraiment un roi.

Commencez donc ainsi; puis sitôt que par l'âge
Vous serez homine fait de corps et de courage,
Il faudra de vous-même apprendre à commander,
A ouïr vos sujets, les voir, et demander
Les connaître par nom et leur faire justice,
Honorer la vertu et corriger le vice.

Malheureux sont les rois qui fondent leur appui
Sur l'aide d'un commis; qui, par les yeux d'autrui,
Voyant l'état du peuple, entendent par l'oreille
D'un flatteur mensonger qui leur conte merveille.

Aussi, pour être roi, vous ne devez penser
Vouloir, comme un tyran, vos sujets offenser.
Ainsi que notre corps, votre corps est de boue.
Des petits et des grands la fortune se joue.
Tous les regrets mondains se font et se défont,
Et, au gré de fortune, ils viennent et s'en vont,
Et ne durent non plus qu'une flamme allumée,
Qui soudain est éprise et soudain consumée.

Or, Sire, imitez Dieu, lequel vous a donné

Le sceptre, et vous a fait un grand roi couronné.
Faites miséricorde à celui qui supplie;
Punissez l'orgueilleux qui s'arme en sa folie;
Ne poussez par faveur un homme en dignité,
Mais choisissez celui qui l'aura mérité;
Ne baillez, pour argent, ni états ni offices;
Ne donnez au hasard les vacants bénéfices;

Ne souffrez près de vous ni flatteurs, ni vanteurs.
Fuyez ces plaisants fous qui ne sont que menteurs.
Et n'endurez jamais que les langues légères
Médisent des seigneurs de terres étrangères.
Ne soyez point moqueur ni trop haut à la main,
Vous souvenant toujours que vous êtes humain ;

Ayez autour de vous personnes vénérables,
Et les oyez parler volontiers à vos tables:
Soyez leur auditeur, comme fut votre aïeul,
Ce grand François qui vit encores au cercueil.

Ne souffrez que les grands blessent le populaire ;
Ne souffrez que le peuple aux grands puisse déplaire;
Gouvernez votre argent par sagesse et raison :
Le prince qui ne peut gouverner sa maison,
Sa femme, ses enfants et son bien domestique,
Ne saurait gouverner une grand'république.
Pensez longtemps avant que faire aucuns édits:
Mais sitôt qu'ils seront devant le peuple dits,
Qu'ils soient pour tout jamais d'invincible puissance,
Autrement vos décrets sentiraient leur enfance.
Ne vous montrez jamais pompeusement vêtu :
L'habillement des rois est la seule vertu ;
Que votre corps reluise en vertus glorieuses,
Non par habits chargés de pierres précieuses.
Or, Sire, pour autant que nul n'a le pouvoir
De châtier les rois qui font mal leur devoir,
Punissez-vous vous-même, afin que la justice
De Dieu, qui est plus grand, vos fautes ne punisse.

Je dis ce puissant Dieu, dont l'empire est sans bout,
Qui de son trône assis en la terre voit tout !
Et fait à un chacun ses justices égales,
Autant aux laboureurs qu'aux personnes royales.

CONTRE LES RÉFORMÉS.

Ronsard fut attaché à la foi catholique et il la défendit énergiquement contre l'hérésie. Du Bellay avait jeté en passant quelques traits à l'adresse de Genève; mais il s'en tint à la moquerie. Ronsard est plus ardent. C'est d'une plume de fer, dit-il dans son Discours sur les misères du temps, qu'il veut tracer les malheurs de la France et les crimes de la Réforme protestante:

Je veux de siècle en siècle au monde publier
D'une plume de fer sur un papier d'acier,

Que ses propres enfants l'ont prise et dévestüe,
Et jusques à la mort vilainement batüe (la France.)

Elle semble au marchand, accueilly de malheur,
Lequel au coing d'un bois rencontre le voleur
Qui contre l'estomac lui tend la main armée,
Tant il a l'âme au corps d'avarice affamée.
Il n'est pas seulement content de luy piller
La bourse et le cheval: il le fait despouiller,
Le bat et le tourmente, et d'une dague essaye
De lui chasser du corps l'âme par une playe:
Puis en le voyant mort se sourit de ses coups,
Et le laisse manger aux mastins et aux loups,
Si est-ce que de Dieu la juste intelligence

Court après le meurtrier et eu prend la vengeance:
Et dessus une roüe (après mille travaux)

Sert aux hommes d'exemple et de proye aux corbeaux.

Eh quoi? brusler maisons, piller et brigander,

Tuer, assassiner, par force commander,

N'obéir plus aux rois, amasser des armées,
Appelez-vous cela églises réformées ?

Jésus que seulement vous confessez icy

De bouche et non de cœur, ne faisoit pas ainsi,
Et saint Paul, en preschant, n'avoit pour toutes armes
Sinon l'humilité, les jeusnes et les larmes ;

Et les Pères martyrs, aux plus dures saisons
Des tyrans, ne s'armoient sinou que d'oraisons,
Bien qu'un ange du ciel, à leur moindre prière,
En soufflant eust rué les tyrans en arrière.

Plus loin, il accuse Théodore de Bèze, l'ami de Calvin, de remplir la France toute d'armes, et d'ajouter anx sectes protestantes la secte bézienne :

La terre qu'aujourd'huy tu remplis toute d'armes,

Et de nouveaux chrestiens desguisez en gendarmes, (0 traiste piété) qui du pillage ardents

Naissent dessous la voix.

Ce n'est pas une terre allemande ou gothique,

Ny une région tartare ni scythique;

C'est celle où tu nasquis, qui douce te receut,
Alors qu'à Vezelay ta mère te congeut,

Celle qui t'a nourry et qui t'a fait apprendre
La science et les arts de ta jeunesse tendre,
Pour luy faire service et pour en bien user,
Et non, comme tu fais, afin d'en abuser......
Ne presche plus en France une doctrine armée,
Un Christ empistolé tout noirci de fumée,

Qui, comme un Méhémet, va portant en la main,
Un large coutelas rouge de sang humain.
Cela déplaist à Dieu, cela déplaist au prince,
Cela n'est qu'un appast qui tire la province
A la sédition, laquelle dessous toy

Pour avoir liberté ne voudra plus de roy....
Vous ne ressemblez pas à nos premiers docteurs,
Qui, sans craindre la mort ni les persécuteurs,
De leur bon gré s'offroient eux-mêmes aux.supplices,
Sans envoyer pour eux je ne sçay quels novices....
Les Apostres jadis preschoient tous d'un accord;
Entre vous aujourd'hui ne règne que discord;
Les uns sont Zuingliens, les autres Luthéristes,
Les autres Puri'ains, Quintins, Anabaptistes;
Les autres de Calvin vont adorer les pas;
L'un est prédestiné et l'autre ne l'est pas ;
Et l'autre enrage après l'erreur Muncérienne
Et bientôt s'ouvrira l'escole Bézienne :

Si bien que ce Luther, lequel estoit premier,
Cassé par les nouveaux est presque le dernier....
Mais montrez-moy quelqu'un qui ait changé de vie
Après avoir suivy vostre belle folie?

J'en voy qui ont changé de couleur et de teint,
Hideux en barbe longue et en visage feint,.....
Mais je n'en ay point veu qui soient d'audacieux,
Plus humbles devenus, plus doux ny gracieux;
Chastes de débauchés, de menteurs véritables,
D'effrontés vergogneux, de cruels charitables,
De larrons aumosniers, et pas un n'a changé
Le vice dont il fut auparavant chargé.

RÈGLEMENT DE VIE DU POÈTE.

Nous pensons que le lecteur sera curieux de connaître le genre de vie de notre poète; il a pris soin de le décrire en détail.

M'éveillant au matin, dvant que faire rien,
J'invoque l'Eternel, le Père de tout bien,
Le priant humblement de me donner sa grâce,
Et que le jour naissant sans l'offenser se passe :
Qu'il chasse toute secte et toute erreur de moy,
Qu'il me veuille garder en ma première foy,
Sans entreprendre rien qui blesse ma province,
Très-bumble observateur des lois et de mon Prince.

Après je sors du lict, et quand je suis vestu
Je me range à l'estude et apprend la vertu,
Composant et lisant, suivant ma destinée,
Qui s'est dès mon enfance aux Muses euclinée:
Quatre ou cinq heures seul je m'arreste enfermé ;
Puis sentant mon esprit de trop lire assommé,
J'abandonne le livre et m'en vais à l'Eglise :
Au retour pour plaisir une heure je devise:
De là je viens disner, faisant sobre repas,
Je rends grâces à Dieu : au reste je m'esbas.
Car si l'après-disnée est plaisante et sereine,
Je m'en vais pourmener tantost parmy la plaine,
Tantost en un village, et tantost en un bois,
Et tantost par les lieux solitaires et cois.
J'aime fort les jardins qui sentent le sauvage,
J'aime le flot de l'eau qui gazouille au rivage.

Là, devisant sur l'herbe avec un mien amy,
Je me suis par les fleurs bien souvent endormy
A l'ombrage d'un saule, ou lisant dans un livre,
Jay cherché le moyen de me faire revivre,
Tout pur d'ambition et des soucis cuisans,
Misérables bourreaux d'un tas de mesdisans,
Qui font (comme ravis) les Prophètes en France,
Pippans les grands Seigneurs d'une belle apparence.
Mais quand le Ciel est triste et tout noir d'espesseur,
Et qu'il ne fait aux champs ny plaisant ny bien seur,
Je cherche compagnie, ou je joue à la Prime;
Je voltige, ou je saute, ou je lutte, ou j'escrime,
Je dy le mot pour rire, et à la vérité

Je ne loge chez moy trop de sévérité.

Puis, quand la nuict brunette a rangé les estoilles, Eucourtinant le Ciel et la Terre de voiles,

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