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de M. Feydeau, une source janséniste modeste, mais très-pure. Un respectable sulpicien, l'abbé Faillon, auteur de la Vie de M. Olier, en avait déjà signalé l'existence.

Un homme savant et qui, jeune encore, est de la vieille roche pour l'érudition, M. de Chantelauze, a bien voulu, sur un sujet où il est maître et où il a fait de véritables découvertes (le cardinal de Retz ), anticiper en ma faveur sur ses futurs travaux, et je lui devrai pour mon troisième volume une note résumant les relations du célèbre prélat avec les Jansénistes. Pour ce côté si intéressant de l'histoire du dix-septième siècle, c'est beaucoup d'atteindre enfin à des données précises, positives, et de n'en être plus réduit à la conjecture. Je ne saurais assez exprimer à M. de Chantelauze ma profonde reconnaissance pour un bon office de cet ordre.

J'ai tâché ainsi, par tous les moyens, d'arriver au complet dans mon cadre et dans ma mesure.

Quant à mon but, tant de fois défini dans le courant de ce travail, je le résumerai encore rejeter le plus possible les scories scolastiques, laisser voir pourtant à certains endroits l'alliage, mais avant tout dégager et produire partout où il y a lieu l'or pur, je veux dire l'héroïsme chrétien de cette race de Port-Royal, cette vertu singulière qui était un anachronisme sans doute, mais qui tendait à retremper les âmes, et que le caractère français n'a

pas eu la force de porter: La littérature de cette forte école, en prenant le mot de littérature dans le sens le plus étendu et le plus élevé, tel est proprement mon sujet.

Mars 1868.

La première édition portait cette dédicace :

A MES AUDITEURS DE LAUSANNE.

Pensé et formé sous leurs yeux, ce livre leur appartient.

PRÉFACE

DE LA PREMIÈRE ÉDITION.

Voyageant en Suisse durant l'été de 1837, au milieu des émotions poétiques et de ce bonheur de chaque moment que suscite à l'âme la nature du grand pays dans sa magnificence, j'y rêvais aussi de plus longs loisirs pour achever une histoire depuis longtemps méditée et déjà ébauchée. J'en parlais un jour au hasard, sans autre but que de m'épancher et de me plaindre un peu des obstacles; mais j'en parlais à des amis en qui nulle parole ne tombe vainement. Ce mot recueilli, porté ailleurs, également agréé et favorisé par d'autres amis inconnus, fructifia à mon avantage, et me revint tout mûri et sous une forme bien flatteuse. Il en résulta l'honorable proposition qui me fut faite d'un Cours à professer

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sur Port-Royal à l'Académie de Lausanne. Après quelque première méfiance de mes forces, je me décidai et n'eus ensuite qu'à m'en applaudir. Une bienveillance sérieuse m'y a pris au début et m'a soutenu, jusqu'au terme. Je serais trop simple de sembler croire cette bienveillance tout à fait unanime, rien n'est unanime nulle part; mais il serait ingrat à moi de ne pas la croire générale. Le livre que j'offre maintenant aux lecteurs, et qui est sorti de ces leçons, porte en plus d'un endroit la trace de son origine locale, et j'avoue que j'ai peu cherché en ce sens à y effacer. Cette destination particulière d'une histoire toute particulière elle-même me plaît, et, ce semble, ne messied pas. Le beau lac, au cadre auguste, dont les rivages tant célébrés ont eu de tout temps de délicieuses retraites pour les gloires heureuses et des abris pour les infortunes, a offert un nid de plus à une doctrine étouffée, qu'il plaisait à un esprit libre d'y transplanter un moment, et dont l'exposition n'aurait jamais eu ailleurs tant de soleil et de lumière. Là, me disais-je, Rousseau jeune a passé; plus tard, son souvenir ému y désignait, y nommait pour jamais des sites immortels. Là-bas, Voltaire a régné; madame de Staël a brillé dans l'exil. Byron, dans sa barque agile, passait et repassait vers Chillon. Ici même, Gibbon.accomplissait avec lenteur l'œuvre historique majestueuse, conçue par lui au Capitole. J'y viens avec mes ruines aussi :

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pauvres ruines de Port-Royal, combien modestes et imperceptibles auprès de celles de l'antique Rome ! mais c'est le cas de se répéter avec Pascal que la vraie mesure des choses est dans la pensée. Ici, à Lausanne encore, me disais-je, le mysticisme de madame Guyon, repoussé d'autre part, s'est réfugié, s'est ramifié non sans fruit, et n'a pas tout à fait cessé de vivre; le Jansénisme, son vieil ennemi, trouvera-t-il asile à côté ? Dans cette patrie de Viret, dans ce voisinage de Calvin, il me semblait que c'était le lieu de tenter, s'il se pouvait, l'alliance autrefois tant imputée à Port-Royal et tant calomniée, mais de la tenter surtout à l'endroit de la fraternité chrétienne et de la charité intelligente. Ainsi allaient mes pensées, cherchant partout à l'entour dans cet horizon et se créant à plaisir des points d'appui, des rapports de contraste ou de convenance.

Aujourd'hui que, détaché de ce premier cadre, le livre paraît dans un monde plus vaste et devant un public plus indifférent, la perspective est autre. Je ne dirai pas qu'elle me sourit autant que la première, ce serait mentir. Je ne dirai pas que je compte trouver pour le livre ce que j'ai obtenu ailleurs pour les idées, abri et soleil. Mais, en ayant si longtemps commerce avec des hommes de constance, mainte fois contrariés et battus, j'ai du moins appris d'eux à ne pas trop me fonder au dehors, même quand je suis forcé de m'y produire. Quoi qu'il en

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