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peut que s'arrêter, à cet égard, à une règle générale : celle de la tradition religieuse; et il a été démontré que chez tous les peuples, sous toutes les théogonies, la femme avait été admise au partage des attributs de la Divinité, au sacerdoce et à toutes les prérogatives de l'homme.

En aurait-il été autrement chez les Celtes d'origine asiatique, ayant transporté dans leurs migrations le souvenir effacé, il est vrai, mais enfin le souvenir de la religion native?

Ici l'auteur auquel on s'attache à répondre, M. Koenigswarter, invoque les récits de Tacite et les lois barbares comme il les invoquait pour établir le rapt qu'il élève à l'état originaire de l'institution du mariage.

On a examiné le texte de Tacite et fait voir que, d'après ce texte, ce qui était considéré comme un achat n'était qu'un symbole de l'association de la femme et de son partage de la destinée de l'homme.

En consultant les lois barbares, on arrivera à la même conséquence pour répondre à la question de rapt et d'achat.

La première observation de M. Koenigswarter porte sur le mundium et sur l'état de minorité perpétuelle et de tutelle dans lequel la femme était placée; il invoque encore Tacite : intersunt parentes et propinqui ac munera probant; et sur ce texte, il transforme en un contrat de vente un usage qui s'est perpétué jusqu'à nous1.

Cette autorité et cette tutelle ne peuvent pas plus autoriser la pensée de l'achat de la femme, que son incapacité civile ne peut l'autoriser dans les temps modernes.

Ce texte, dans ce seul passage et dans toutes ses parties, démontre, ainsi qu'on l'a fait remarquer déjà, que ces munera étaient donnés à la femme elle-même, et non à ses parents qui n'avaient d'autre mission que d'en constater la valeur.

On doit ajouter que s'il était possible de concéder que les pa

Tous les peuples primitifs obéissent à cette pensée, inhérente à la barbarie, de se glorifier, comme d'une conquête, des prémices de la femme, et de manifester leur joie grossière par des libéralités. (M. Troplong, préface du Contrat de mariage, p. 107.)

Cette pensée semble avoir survécu à la barbarie, ou tout au moins la civilisation la plus avancée lui ressemble beaucoup à cet égard.

V. M. Konigswarter, Développements de la société humaine. (Revue de législation, 1, 1846, p. 164.)

rents y eussent un droit quelconque, ce n'était que des arrhes du mariage avancées au moment des fiançailles; et en admettant que ce fût le prix du mundium, cette donation n'était qu'un précompte du douaire de la femme.

Cela est si vrai qu'il est admis comme un fait incontestable que, sous les lois qui régissaient le mundium, l'usage s'introduisit bientôt d'abandonner partie du prix du mundium à la femme, et enfin la totalité de ce prix.

Mais entre ce prix payé comme compensation de la tutelle exercée par les parents sur la femme et celui du rapt, il y aurait une différence tellement considérable que rien de commun n'existerait entre eux; et cependant on persiste à le considérer comme le prix du rapt se transformant en prix de la virginité de la jeune épouse, et, enfin, en une marque de sollicitude conjugale prévoyant le sort de la femme devenue veuve'.

Il n'existe aucune trace de cet usage dans l'histoire des mœurs des Germains et des Gaulois. EUGENE BIMBENET.

(La suite à une prochaine livraison.)

1 Loin que cette tutelle perpétuelle soit démonstrative de l'achat de la femme, elle en est la démonstration contraire la plus manifeste.

Chez les Lombards, dit M. Konigswarter (Rev. de lég., 1, 1849, p. 153), tonte femme sans exception devait avoir son mundualdus; la fille avait « son père, la femme mariée son époux, la sœur son frère; dans les degrés « plus éloignés c'étaient les agnats, et, à leur défaut, la Cour du roi qui ⚫ tenait la femme en garde ; quant au mundium de la veuve, il appartenait « soit au fils, » etc.

Si le mundium était le signe de l'achat de la femme, il faudrait donc admettre qu'elle était vendue, non pas seulement par son père, ce que l'on pourrait admettre, mais par la Cour du roi et par son fils.

Cette simple réflexion démontre bien l'impossibilité de confondre le prix du mundium avec un prix d'achat.

LA SÉPARATION DE CORPS RÉFORMÉE.

Par M. Paul BERnard, docteur en droit, procureur impérial
à Château-Thierry (Alsne).

QUATRIÈME ARTICLE 1.

Capacité de la femme séparée de corps. - La séparation. de biens, aux termes des articles 217 et 1449, modifie l'autorité maritale en ce que le mari est dessaisi de l'administration des biens de sa femme. L'autorisation maritale est maintenue pour les actes de disposition; elle est en effet éminemment protectrice, parce qu'elle veille aux dissipations que la femme pourrait faire comme aux donations qui lui proviendraient d'une source impure. Elle doit donc être maintenue en principe, Mais il est des cas cependant où l'obligation qu'on en fait à la femme est injuste, lorsque la séparation de corps est définitivement prononcée. Mon système, comme toute innovation, soulèvera peut-être de nombreuses objections; il n'est pas nouveau cependant, car il a sa source dans certaines coutumes. Avant de réclamer une réforme, je devrais sans doute me livrer à une longue dissertation sur l'un des principes qui servent de fondement à l'autorisation maritale; je veux parler de l'infériorité de la femme; je me bornerai à contester son incapacité. Rejetons l'exemple du droit romain, car si la femme était incapable, il faudrait faire revivre ces prétendues protections qui n'étaient que des chaînes barbares brisées par la civilisation; la tutelle perpétuelle n'avait pas pour but de protéger les femmes contre leur incapacité, on sait que c'était une institution politique toute dans l'intérêt des agnats (Gaïus, 1, 192). Le droit français n'a pu considérer la femme comme incapable qu'en la comparant au mari, parce que, dans une société de deux personnes, il fallait donner la prééminence à celui que la nature a fait plus fort et plus apte aux affaires. Mais considérée d'une manière absolue, la capacité de la femme est légalement la même que celle de l'homme. Or le système de la loi, protecteur pour les femmes mariées que leur légèreté rend suspectes, est tyrannique pour celles que leur vertu, leur raison,

1 V. t. XIX, p. 334.

leur affection maternelle mettent au-dessus de ces mesures de défiance. L'exagération ou plutôt l'uniformité de la loi excite des réclamations contre leur dépendance vis-à-vis d'un époux qui s'est fait marquer d'indignité. La séparation de corps est alors pour l'épouse une chaîne lourde à porter, car à toutes les douleurs qui l'ont précédée et qui la suivent, il faut ajouter l'obligation cruelle qui lui est imposée d'avoir recours chaque jour aux conseils, aux ordres de celui qu'elle méprise; ces relations d'affaires lui deviennent odieuses et peuvent susciter mille tracasseries. Pourquoi ne pas accorder aux tribunaux le droit de relever la femme d'une autorité que le mari est indigne d'exercer, si elle donné par ses antécédents des garanties qu'elle n'abusera pas de sa liberté? Il faut, comme le faisait le parlemont de Dijon en cas de séparation de biens, rendre à la femme l'exercice d'une capacité que suspend le mariage. C'est alors qué la séparation de corps deviendra une institution vraiment utile en affranchissant la femme de soupçons injurieux et d'une dépendance qui lui inspire de monstrueux désirs; car la femme séparéé portant toutes les chaînes du despotisme marital, sans l'affection qui en modifie les aspérités, et sans cette souveraineté sécrète et insensible que la femme exerce par le cœur dans les mille détails de la vie quotidienne comme dans les affaires les plus importantes, aspire à la délivrance, c'est-à-dire au veuvage. C'est la loi qu'il faut accuser. La veuve n'obtientelle pas de notre législation les priviléges de l'homme lui-même? Mère, elle est tutrice; femme, elle est indépendante; elle a pouvoir sur elle et sur les autres. Donnons-lui les mêmes droits quant à ses biens; les tribunaux garantiront les priviléges de l'autorité maritale en n'accordant qu'exceptionnellement cette faveur à la femme.

Je ne discuterai pas toutes les questions que les textes de la séparation de biens ont fait surgir; elles n'appartiennent plus aussi spécialement à mon sujet. Je signalerai toutefois en courant quelques améliorations. Il faudrait déclarer que la femme ne pourra disposer de son mobilier que pour des actes d'administration; car depuis que les fortunes mobilières ont pris tant d'importance, il est irrationnel de soumettre la femme à l'autorisation maritale pour la moindre aliénation immobilière, et de lui laisser la libre disposition de capitaux considérables qu'elle aurait retirés de la communauté. Il faudrait restreindre

le pouvoir de la femme en ce sens qu'elle ne pourrait employer ses capitaux sans l'assistance et le consentement du mari, dans la crainte qu'elle ne les dissipe ou ne les livre aux chances de l'agiotage; car la prohibition d'aliéner le mobilier est une lettre morte si, avant que le mari ait pu suivre la trace des capitaux, ils sont engloutis dans un coup de bourse. C'est bouleverser, me dira-t-on, tous les principes établis. Qu'importe! si l'on veut protéger la fortune mobilière, et il y a urgence à le faire, il faut resserrer les mailles du réseau pour que les capitaux ne glissent pas à travers.

Il faut garantir la femme contre une trop grande facilité à consentir la subrogation à son hypothèque légale, car elle peut subir la pression des tiers et celle de son mari. C'est à l'approbation de la justice qu'il faudrait recourir. On a proposé de > n'autoriser la renonciation que lorsqu'elle serait l'accessoire d'une obligation contractée par la femme, afin qu'elle n'abandonnât les garanties données par la loi que lorsque son intérêt serait réellement engagé; mais il y aurait alors ce nouveau danger que le mari et les tiers s'entendraient pour lui faire contracter une obligatión de garantie. Les formalités exigées pour la réduction de l'hypothèque légale en faveur du mari par les articles 2144 et 2145 me paraîtraient devoir être suivies.

Des effets de la séparation de corps et de biens sous le régime dotal. Lorsque l'emploi des sommes dotales avait été imposé au mari par le contrat de mariage, il n'est pas douteux que la femme n'y soit pareillement assujettie, puisqu'elle succède à son administration; mais il est admis aussi qu'elle en est affranchie quand cette condition n'est pas écrite. Ce point devrait être l'objet d'une réforme. Il est inutile de démontrer que la famille est désarmée contre l'aliénation ou la dissipation de la dot mobilière. Guidée le plus souvent par l'amour maternel, la femme emploiera tous ses soins, toute son intelligence à la conservation de ce patrimoine sacré; mais n'y aurat-il pas des exceptions? Lorsqu'elle a réclamé l'administration de sa dot parce qu'elle était exposée par suite de l'imprudence de son mari, il est naturel de supposer qu'elle cherchera à conjurer les périls qui l'ont menacée, et que séparée principalement de biens elle opposera une sage résistance aux volontés de son époux. Mais lorsqu'elle est saisie de cette administration par sa propre inconduite, parce que la séparation de corps

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