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celui où elle ne les atteindrait pas. Il est conçu sans restriction et régit les deux hypothèses.

M. Coin-Delisle fait une distinction, embrasse cette opinion seulement quand la seconde libéralité concédée par testament est un legs que le grevé accepte après le décès du testa

teur.

M. Troplong, le grand maître du droit civil, aborde la difficülté sans distinction; il détache la réserve franche de toute charge dans la répartition que le père a faite de son patrimoine, soit par acte entre-vifs, soit par disposition testamentaire. Le père est censé, à défaut de volonté formellement exprimée, n'avoir pas voulu porter atteinte à la réserve, méconnaitre les sages prescriptions de la loi édictée en faveur de son sang, et le fils, en respectant le testament et en acceptant la donation, n'avoir pas renoncé au bénéfice attaché à sa qualité d'enfant; il a différé sa résolution définitive jusqu'à l'estimation de l'hoirie qui, en fixant la valeur des libéralités, l'éclairera sur cette résolution. Si le père avait manifesté une intention contraire, en soumettant par une clause expresse la réserve à la charge de restitution, cette clause inofficieuse qui met les dispositions du père de famille au-dessus de l'ordre public serait considérée comme non écrite; la charge de restituer ne vaudrait que jusqu'à concurrence de la portion disponible.

Cette doctrine, la plus équitable, la seule juridique, offre une solution pratique qui ne violente aucune situation en vertu du texte de l'article 1052. Grenier et Toullier en exagèrent la portée et le sens. En effet, il n'est pas vrai que l'article 1052 ne distingue pas entre l'hypothèse où la charge de restitution. entame la réserve et celle où les biens substitués sont disponibles entre les maitis du père. L'acceptation ne formé pas un bien indivisible embrassant irrévocablement la réservé et lé disponible. L'article 1052 ne place pas le réservataire dans cette situation extrême. Il vient à la suite des articles 1048, 1049 qui limitent l'étendue de la substitution à la quotité disponible, et l'article 1052 se meut dans ce cercle. En dehors de cette quotité, on tombe dans la prohibition des substitutions, et alors comment soutenir que le père, méconnaissant les articles 1048

1 Commentaire des donations et des testaments, art. 1052, no 2. Comment. des don. et test., art. 1052, no 2232, 2233, 2234.

et 1049, puisse, en vertu de l'article 1052, qui lui permet de substituer des biens précédemment donnés, réduire le fils à cette alternative, ou de renoncer à toutes les largesses du père en s'en tenant à la légitime, ou de consentir à grever de substi tution ce secours (subsidium) que la loi lui réserve pour son existence? Comment soutenir que le légitimaire ne pourra distinguer ce que les articles 1048 et 1049 délimitent, restréindre au disponible les effets de son acceptation, lorsque l'époque d'évaluer ce disponible sera venue? L'article 1052 consacre une exception à l'irrévocabilité des donations; il permet au donateur d'affecter d'une condition des biens dont il s'était dépouillé. Ce serait sé méprendre sur sa signification que d'accorder à cette disposition d'autres effets exceptionnels.

Il est la reproduction de l'article 16 de l'ordonnance de 1747. Pothier, après avoir commenté cet article 16, au § 4, section 4, article 1", de son Traité des substitutions, se demandé au paragraphe suivant jusqu'à quelle concurrence on peut grever quelqu'un de substitution. Il enseigne, sans distinction, que l'enfant grevé de substitution a droit de distraire sa légitimé quitte de toutes charges sur les biens substitués, s'il n'est pas rempli d'ailleurs.

Furgole, compte les légitimes des enfants du substituant parmi les détractions à opérer sur les biens substitués en vertu des lois romaines dont la sagesse s'est fait jour sous toutes les législations et luit encore dans son plus vif éclat sous l'empire du Code Napoléon. Nulle part dans son commentaire de l'ordonnance de 1747, Furgole n'amoindrit le principe de l'intégrité de la légitime. Il n'entrait donc pas dans les prévisions de cette ordonnance, de l'article 16, d'entamer les biens affectés à la légitime, et cependant cette ordonnance était plus favorable aux substitutions que le Code Napoléon.

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Merlin examine aussi quelle est la portée de l'article 16 de l'ordonnance combiné avec les lois 32 et 36 du Code, De inoff. test., et il reconnaît que cette disposition n'atteint pas la subsistance des enfants. Cet article permet une chose juste en soi,

• Traité des substitutions, sect. 4, art. 1, §§ 4, 5.

2 Commentaire de l'ordonnance de 1747 sur les substitutions, tit. 1", art. 41, p. 214; tit. 2, art. 9, p. 328 et suiv.

Répertoire, v° Légitime, sect. 8, § 3, art. 1o, n° 10.

grève de substitution les biens sortis du patrimoine du donateur en y ajoutant une nouvelle libéralité; mais se servir de cette combinaison pour compromettre la légitime, c'est accorder à cet article un sens qu'il n'a jamais eu.

La réserve est la succession indisponible, sous le Code Napoléon. Les articles 791 et 1130 défendent de pactiser sur une succession non encore ouverte. L'acceptation entre-vifs du fils tombe sous la prohibition de ces articles, ainsi que le remarque M. Coin-Delisle. Lorsque la seconde libéralité est faite par testament, sans doute l'héritier peut renoncer aux droits légitimaires. Les lois romaines n'ont en vue que son intérêt, et chacun renonce valablement à un droit introduit en sa faveur. Au décès du disposant, la réserve entre de plein droit dans le patrimoine de l'héritier, il en dispose dès lors comme de sa chose. Aussi, s'il accepte la substitution et abandonne ses droits légitimaires, sa détermination exprimée d'une manière certaine, soit expressément, soit tacitement, sera la loi de ses héritiers qui seront d'autant plus portés à la respecter qu'elle leur assurera, du vivant du père, une plus grande part de nue propriété, car la substitution ne peut être faite qu'au profit des enfants du grevé. Seulement, la substitution n'étant pas renfermée dans les termes de l'article 1048, ne vaudra que par la volonté de l'héritier, et ses créanciers pourront exercer les droits qu'ils puisent dans les articles 1166 et 1167 du Code Napoléon.

Mais, en l'absence d'une renonciation expresse ou tacite, résultant d'actes qui ne laisseront aucun doute sur l'intention du grevé de ne pas se prévaloir de sa qualité de légitimaire pour réduire la substitution, son acceptation du legs n'équivaudra pas à une renonciation à la réserve. Cette renonciation ne doit pas s'induire facilement. La légitime reste, à raison de son inviolabilité, en dehors des agissements ordinaires que provoque l'ouverture d'une succession; l'acceptation décèle la volonté de l'héritier de profiter de la libéralité, mais elle ne prouve pas qu'il abdique les droits du sang. Nous étayons notre opinion sur l'autorité du droit romain et d'anciens jurisconsultes.

A la constitution qui forme la loi 35, Code, De inoff. test., § 2, Justinien pose en principe général, et generaliter definimus, que, quand un père a laissé à son fils moins que sa légitime ou lui a donné soit à cause de mort, soit entre-vifs à la condi

tion d'y imputer quelque chose d'une valeur inférieure, si ce fils a simplement reçu, après la mort du père, ce qui lui a été laissé ou donné, en souscrivant quittance aux héritiers, sans se réserver la répétition du surplus, il ne se préjudicie pas et peut demander à être rempli de sa légitime, à moins que dans un écrit, une transaction ou une convention expresse, il n'ait formellement déclaré que, content de ce qu'il a reçu, il renonce à toute répétition du surplus; alors seulement toute voie lui sera fermée, comme ayant approuvé le jugement du défunt. Les jurisconsultes enseignent, d'après cette constitution inpériale, que le légitimaire n'est jamais censé renoncer à ses droits par une approbation ou une exécution des volontés du défunt qui n'est pas accompagnée d'une renonciation expresse ou d'un fait équivalant à un abandon exprès. Sans les suivre dans les diverses applications de leur doctrine, nous nous bornerons à la question qui nous occupe.

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Nous avons déjà vu que Fachinée relève de toutes conditions l'enfant qui approuve le testament, lors de l'ouverture de l'hérédité, « ergo quando filius testamentum patris approbat, non intelligitur onus istud agnovisse. »

Péregrinus nous fait entrer plus profondément dans le cœur de la difficulté à l'article 36, no 82, où il dit : « Respondit Cæphalus, filium per fideicommissum universali gravatum simpliciter agnoscentem paternam hæreditatem sibi prejudicare in legitima, attamen male in re hac locutus fuit et contra sentit ipsemet Cæphalus, Cons. 42, n° 4 et 281, n° 35 et illum reprehendit Menochius, lib. IV, præsump. 196, n° 22; in supplemento autem legitimæ fatentur majores nostri quod detrahatur ex legis auctoritate contra votum testatoris, Bart. in L. Libert. Sfilium, ff., De annuis leg., etc. »

Enfin Ricard importe cette doctrine dans l'ancienne jurisprudence française; il s'exprime ainsi au no 991: « Les docteurs tiennent communément que combien que le fils accepte l'institution faite de sa personne sous cette condition expresse qu'il ne pourra distraire sa légitime des dispositions particulières dont il le charge, que cette acceptation, quoique faite purement et sim

1 V. Ant. Faber, Code, lib. III, tit. 19, défin. 10, où il cite à l'appui un arrêt du sénat de Savoie du 8 septembre 1588... Pérégrinus, art. 36, n° 80, 82. Fachinée, Controv., lib. XII, cap. 7. donations, no 989, 991.

Ricard, Traité des

plement sans aucune protestation, ne l'exclut pas du supplément ou de la rétention de la légitime, parce que, disent-ils, il est présumé avoir accepté aux termes de droit, n'ayant pas eu besoin de réclamer en particulier, attendu que la loi conservait les intérêts 1. » CH. FRETEL.

(La suite à une prochaine livraison.)

BIBLIOGRAPHIE.

LA JUSTICE ADMINISTRATIVE EN FRANCE,

Ou TRAITÉ DU CONTENTIEUX DE L'ADMINISTRATION, par M. DARESTE, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation".

Compte rendu par M. REVERCHON, avocat à la Cour impériale de Paris, ancien avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, ancien maître des requêtes.

La science du droit donne lieu à deux ordres de travaux ; les traités généraux et les monographies spéciales. Au point de vue pratique, celles-ci peuvent rendre et rendent souvent d'incontestables services; elles contribuent, d'ailleurs, à assurer la marche du jurisconsulte qui aspire à embrasser dans une vue d'ensemble les grandes divisions de la législation et de la jurisprudence. Mais ce dernier avantage que nous leur reconnaissons indique suffisamment que, selon nous, un degré plus élevé est dû, dans l'échelle de l'estime publique, aux traités généraux : car ils exigent à la fois les qualités qui font le succès des bonnes monographies et celles que suppose l'esprit généra lisateur.

Parmi les difficultés de diverse nature qu'ils présentent, il en est une qui a, dans le droit administratif, une gravité particulière elle se rapporte au plan qu'il convient d'adopter. Dans

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1 V. en ce sens arrêt de la Cour de cassation, Req., Rej. du 20 avril 1859; Journal du Palais, 1860, p. 934.

Un volume in-8°. Paris, chez Durand, libraire, rue des Grès.

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