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tionnel ne soit pas inscrit dans les lois de tous les États civilisés.

Et pourtant, on a honte de le dire, ces notions de justice, si vulgaires et si simples pour le bon sens de nos aïeux, se trouvent être aujourd'hui un progrès et presque une hardiesse !

Tant il est vrai qu'on ne les rencontre à cette heure inscrites que dans un seul document de la législation moderne : le Code pénal portugais de 1852.

Son article 19 est ainsi conçu :

Sont réputés circonstances aggravantes:

No 14. « L'avantage manifeste du coupable sur la victime à raison de son sexe. »

M. le docteur Lévy Jordão, n'a eu garde d'omettre cette disposition dans le nouveau projet de Code pénal dont il est l'éminent rapporteur; il explique ainsi qu'il suit les motifs et la portée de cet article :

« Celui qui frappe une femme est d'autant plus criminel qu'il sait, en commettant son crime, rencontrer moins de résistance dans la victime2, » Ce qui veut dire qu'il doit être d'autant plus puni qu'à un méfait de violence il joint un acte de lâcheté!

C'est à raison de ce respect dû aux femmes, spécialement à cause de leur sexe, que le même projet, édictant des peines contre l'outrage public à la pudeur, ajoute la disposition suivante, dont je ne puis trop signaler la nouveauté et la haute

convenance:

« Il y a circonstance aggravante, si l'outrage public a été commis en présence d'une femme (em presença de mulheres ) ou d'un mineur de 14 ans 3.

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Du reste, je suis fier de trouver dans notre ancienne législation française un exemple analogue de protection accordée à la seule considération du sexe :

Nous lisons dans une charte, concédée par Philippe-Auguste à la ville de Sens (Yonne) en 1189 et confirmée par Louis XIII en 1225, la curieuse disposition ci-après :

1 Loi salique, tit. 26, art. 4.

2 Lévy Maria Jordão, Comentaria ao Codigo penal portugues, sur l'art. 19 (tome 1, page 51).

3 Projet du nouveau Code pénal de Portugal (art. 407, § 2).

« Si quelque personne vile ou déshonnête injurie femme honnête, il sera loisible à un prudhomme qui surviendra, de tancer la dite personne et de lui bailler un, deux, ou trois soufflets et un coup de poing, sans encourir aucun forfait 1.

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N'est-il pas étrange qu'il faille remonter de sept siècles en arrière pour trouver dans nos lois la pensée généreuse d'une protection qui, dans tous les États civilisés, devrait être le prilége naturel et incontesté de la moitié la plus faible du genre humain !

Conclusion.

Ce long travail peut se résumer en quelques mots :

La femme remplit dans la société humaine une mission civilisatrice, inhérente à sa constitution même, et qu'attesterait au besoin son évidente supériorité morale.

Elle est l'âme et le cœur de la famille; à elle, le touchant devoir de féconder et d'épurer le foyer domestique par tous les genres de sollicitude, de sacrifices et de dévouements!

A l'homme, les travaux et les dangers de la vie extérieure; à lui, tous les droits politiques, administratifs et judiciaires; à lui, qui a la force physique et intellectuelle, à lui surtout, qui a l'autorité, incombe l'étroite obligation d'assurer à la femme la protection, les égards, les ménagements qu'exige sa faiblesse.

Ces seules considérations suffiraient déjà pour que la loi pénale fit une différence essentielle dans la répression applicable à l'homme et à la femme.

Mais il est désormais prouvé par des documents officiels irrécusables que la femme de ce siècle, fidèle à la destination supérieure que j'ai indiquée, se montre, au point de la sécurité sociale, infiniment meilleure que l'homme, en ce sens qu'elle commet 5 et 6 fois moins de crimes et de délits que lui, et qu'elle est 2 fois plus impressionnable à la peine, 2 fois plus accessible au repentir et à l'amendement; d'où, cette conséquence, que le danger et le dommage que ses méfaits peuvent causer à la société sont moitié moindres que ceux résultant des méfaits commis par les hommes!...

1 V. la coutume de Sens.

Nous sommes donc au-dessous des exigences normales de la vérité, lorsque nous nous bornons à réclamer, en faveur des femmes, une simple attenuation des peines communes, réservées aux infractions; peines que la législation actuelle applique indistinctement aux deux sexes.

Depuis que la statistique a fait si clairement ressortir la supériorité morale relative des femmes, il ne nous paraît plus possible, sans une évidente injustice, de maintenir cette parité indistincte de répression

En effet, si les lois pénales, attentives au progrès des mœurs, doivent aigrir ou adoucir leurs rigueurs, suivant que la criminalité de l'époque augmente ou diminue, il en résulte que la différence considérable et permanente de perversité constatée entre les deux sexes implique au profit de la femme une raison inévitable d'adoucissement des peines.

Le Code criminel français devra donc s'empresser d'emprunter au nouveau Code portugais les généreuses dispositions que nous avons relatées et que ce Code a lui-même puisées dans les remarquables documents, statistiques recueillis par M. le garde des sceaux de France.

S'il est vrai, suivant la belle expression de M. le ministre, « que la statistique, en constatant chaque année, l'état moral du pays, prépare les améliorations législatives,» le moment est. venu d'utiliser ces précieuses données afin d'imprimer à nos lois pénales ce caractère absolu de logique et d'équité sans lequel la répression ne peut avoir d'influence sérieuse sur les mœurs publiques.

Du reste l'amélioration de la loi, sur le point qui nous occupe, est plus qu'nne mesure juridique ; c'est une œuvre philosophique, éminemment propre à relever le niveau de la moralité sociale.

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Quand on veut tenter une réforme dans les mœurs publiques, disait Rousseau, c'est par les MOEURS domestiques qu'il faut commencer 2. »

Cela étant, comment douter que les légitimes immunités que nous revendiquons ici pour les femmes ne soient une des plus urgentes et salutaires réformes à tenter, en vue de la régéné

1 Domat, Lois criminelles.

2 Préface de la Nouvelle Héloïse.

ration de l'humanité? Oui, je n'hésite pas à l'affirmer, faire aux femmes une situation grande et honorée, c'est accroître le rayonnement et la propagande du bien; car alors leur vertu s'épanouissant ou se fortifiant sous le respect public, projetera partout, dans l'intimité du foyer domestique comme au dehors, les plus fécondes et les plus bienfaisantes lueurs 1!

1

« Il est rare, a dit un éloquent publiciste, que la vue d'un être meilleur et plus parfait que nous ne nous rappelle à des honorables et saintes aspirations. La véritable vertu produit toujours sur nos dispositions morales le même effet que la vue d'une belle et noble statue sur notre attitude extérieure. Par une force d'imitation instinctive, notre âme se relève et prend à son insu une pose plus digne! »

Tel est le phénomène que vous verrez apparaître! En grandissant la femme, l'homme se grandit lui-même dans le présent et dans l'avenir!

"Mulier familiæ caput et finis! »

Ce résultat, ne fût-il point une certitude, est au moins une espérance qu'autorise la logique des faits, et que tous les esprits devraient s'empresser d'accueillir!

Dans tous les cas, je serai heureux si, par cette étude touchant la moralité comparée des deux sexes, étude en quelque sorte applicable à tous les pays, j'ai pu appeler enfin l'attention des criminalistes sur un des plus importants sujets du droit pénal, et, par suite, contribuer à une amélioration législative, qui intéresse au plus haut degré le progrès de la civilisation moderne!

BONNEVILLE DE MARSANGY.

1 « Lucete super terram et dies sole candens eructet diei verbum sapientiæ. » (Saint Augustin, Confess., lib. XIII.)

BIBLIOGRAPHIE.

L'ANCIEN BARREAU DU PARLEMENT DE PROVENCE,

OU EXTRAITS D'UNE CORRESPONDANCE INÉDITE ENTRE FRANÇOIS DECORMIS ET PIERRE SAURIN,

Par Charles DE RIBBE1.

Compte rendu par M. L. CABANTOUS, professeur à la Faculté
de droit d'Aix.

Depuis quelques années l'attention des jurisconsultes se porte avec ardeur vers le passé. On explore les monuments de l'ancienne législation, on discute les origines et l'on retrace les diverses phases de la jurisprudence; on écrit l'histoire de la magistrature et du barreau. C'est à ce mouvement d'idées, c'est à cette tendance d'esprit que se rattache l'ouvrage que nous

annonçons.

M. Charles de Ribbe, déjà connu par de curieuses recherches sur l'ancienne organisation politique et administrative de la Provence, sur les règlements et les usages suivis dans la même contrée en matière d'eaux et forêts, vient d'acquérir un nouveau titre à la reconnaissance de son pays natal, aux encouragements et à l'estime de tous ceux qui étudient les antiquités judiciaires de la France. En publiant un choix d'extraits d'une correspondance inédite entre François Decormis et Pierre Saurin, il a eu pour but de rendre en quelque sorte vivantes et actuelles, par les libres réflexions que se communiquent ces deux avocats, les pensées les plus intimes, les traditions, les opinions, les habitudes professionnelles, et jusqu'à la manière de vivre des membres du barreau provençal au commencement du XVIIIe siècle.

L'époque de la correspondance dont il s'agit était celle de la peste de 1720, qui fit tant de ravages en Provence, et qui a laissé d'ineffaçables souvenirs dans l'esprit de ses habitants.

Aix, Achille Makaire, libraire; Paris, Durand, libraire, rue des Grès, 7. • In-8° de 192 pages.

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