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Lettre de BLANCHE à son Père.

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«Si votre mariage avec madame Wandsieden vous rend heureux, mon cœur se réjouira de votre bonheur que ne donnerois-je pas pour en être le témoin, pour le partager avec vous! mais une démarche, sans doute inconsidérée, m'a fermé l'asile paternel. Oui, ma faute est grande, je l'avoue à vos pieds; mais ne trouverai-je pas la pitié au fond de votre coeur ? votre tendresse pour moi est-elle absolument éteinte ? O mon père ! laissez-vous toucher par mon repentir, mes larmes et mon malheur. Daignez consentir à mon mariage avec Delmont, et vos enfans voleront à vos genoux pour mériter leur grâce, et aider madame Wandsieden à embellir le reste de votre vie. Vous noircissez mes mœurs ah! daignez me croire elles sont encore pures comme le rayon du jour; et si ma mère, du haut du ciel, comme vous le supposez, jette les yeux sur moi, non, elle ne rougira point de sa malheureuse fille.

» Je ne m'afflige pas de la perte de votre héritage; c'est votre bien, le fruit de vos longs travaux et de votre génie; disposez-en à votre gré la privation de la fortune est un malheur léger; je n'ambitionne pas les richesses: je ne

demande qu'un asile modeste et vos bontés.. Mais, au nom d'un Dieu de miséricorde et de paix, retirez votre malédiction qui pèse sur ma tête; ayez pitié d'une enfant que vous avez aimée, qui vous aime et respecte toujours: puisse le ciel vous rendre aussi heureux que le désire votre fille infortunée !

>> Je suis avec respect,

>> BLANCHE BERTAUT).

Lettre de BLANCHE à Madame BERTAUT.

«Je vous remercie, madame, de l'intérêt que vous daignez me témoigner dans votre lettre. Je reconnois la sagesse et la solidité de vos préceptes je vous trouve très-heureuse, si vous ne vous en êtes jamais écartée : ma destinée, moins favorable que la vôtre, ne m'a pas permis de régler ma conduite sur mes principes. Forcée de m'en éloigner pour ne pas devenir la plus infortunée des femines, je n'en sens pas moins le charme du devoir et de la vertu, et vous n'aurez jamais besoin de me le rappeler. Si votre union avec mon père, vos soins, votre société assurent son bonheur, loin de m'en plaindre, je bénirai le jour où vous entrez dans la maison; et puisque vous prenez

le titre de ma belle-mère, veuillez me traiter comme votre fille: fléchissez mon père; obtenez de lui mon pardon et mon mariage avec Delmont : comptez alors sur mon attachement et une reconnoissance éternelle.

>> J'ai l'honneur de vous saluer.

» BLANCHE BERTAUT)).

LETTRE

X X X,

DE DELMONT L'AINÉ A SON FRÈRE.

Récit du Mariage de Bertaut.

AVANT-HIER jeudi, à huit heures du matin, le patriarche des amans a épousé LucrècePhilippine, à l'église de Saint-Nizier, où la nocè arriva en deux berlines. Dans la première étoit l'épousée avec madame Dufour, son amie, femme de cinquante- cinq ans, , qui avoit sa têle surchargée de plumes, et son cou jaune de diamans; sur ses joues sèches et oblongues étoit étendue une couche de rouge de quatre pouces de diamètre: cette dame servoit de mère ou de

paranymphe, comme chez les Grecs. Mademoi selle Philippine Bonnard, âgée de trente-six ans, mais n'en déclarant que trente, étaloit une coiffure, une robe, une physionomie tout-àfait virginales. Sa robe étoit blanche; de sim→ ples fleurs de jasmin ornoient de ses cheveux le galant édifice; une légère teinte de rouge nuançoit les lis de son visage; ses yeux baissés de modestie, une mélancolie touchante déceloient sa tendre inquiétude à l'approche de l'hymen. Son frère, l'épée au côté, le plumet au chapeau, la tête haute, l'air d'un Romain qui monte au Capitole, étoit dans cette voiture avec le mari de madame Dufour, vieux procureur vêtu de noir, affublé d'une énorme perruque, armé d'une canne à pomme d'or, le nez bourgeonné, et le corps massif, court et arrondi en tonneau.

L'autre berline contenoit le nouveau Titon, revêtu d'un habit neuf de soie ponceau, relevé d'une veste de drap d'or; la culotte et les bas étoient aussi de soie ponceau, et le tout étoit surmonté d'une perruque à trois marteaux, aussi blanche que la tête des Alpes ou du Chimboraço: un bandeau de taffetas vert, qui n'étoit pas celui de l'Amour, garantissoit ses yeux des rayons trop vifs du soleil. Il paroissoit ra

jeuni de trente ans, et son visage rayonnoit de joie et de tendresse.

Trois autres personnages emplissoient cette berline : c'étoit monsieur Poncet, son premier commis, vêtu d'un habit de soie vert céladon, sous lequel brilloit une veste de taffetas blanc brodée en soie; depuis la ceinture en bas,

.

?

tout étoit en noir, ce qui contrastoit admirablement avec le vert céladon. Monsieur Lebas, marchand drapier, qui avoit fourni les habits de noce, figuroit aussi, dans cette marche triomphale, en habit couleur de marron orné d'un bouton d'or. Mais on le présumoit plutôt dans la voiture qu'on ne le voyoit; car sa tête enfoncée dans ses épaules, et les vertèbres de son dos tournées en arc, le fixoient à quatre pieds de terre. Le quatrième acteur étoit le vieux chevalier du Bocage, ancien mousquetaire, n'ayant pour fortune que sa gloire passée, son titre de chevalier, et son talent pour les énigmes, les bouquets, chansons, madrigaux et toute espèce de vers érotiques à l'usage des dames. Il a la fécondité de feu l'abbé Pellegrin,

Qui dînoit de l'autel, et soupoit du théâtre.

Notre chevalier vit aussi de ses vers; il les

T

porte

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