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autres, auoient quelques huict pieds en carré, et luy qui estoit si grand Roy, auoit vne petite court de chasteau à se pourmener, encores n'y venoit il gueres : mais se tenoit en la galerie, sans partir de là, sinon par les chambres, et alloit à la messe, sans passer par la dite court. Vouldroit lon dire que ce Roy ne souffrit pas aussi bien que les autres? qui ainsi s'enfermoit, qui se faisoit garder, qui estoit ainsi en peur de ses enfans, et de tous ses prochains parens, et qui changeoit et muoit de iour en iour ses seruiteurs qu'il auoit nourris, et qui ne tenoient bien ne honneur que de luy, tellement qu'en nul d'eux ne s'osoit fier, et s'enchainoit ainsi de si estranges chaines et clostures? Si le lieu estoit plus grand que d'une prison commune, aussi estoit-il plus grand que prisonniers communs On pourroit dire que d'autres ont esté plus suspicion neux que luy mais ce n'a pas esté de nostre temps, ne par auenture homme si sage que luy, ne qui eust si bons subiects: et auoient ceux-là par auenture esté cruels et tyrans mais cestuy-cy n'a fait mal à nul, qui ne luy eust fait quelque offense. Ie n'ay point dit ce que dessus est dit, pour seulement parler des suspicions de nostre Roy, mais pour dire que la patience, qu'il a portée en ses passions, semblables à celles qu'il a fait porter aux autres, luy est par moy reputée à punition, que nostre Seigneur luy a donnée en ce monde, pour en auoir moins en l'autre, tant és choses dont i'ay parlé, comme en ses maladies, bien grandes, et douloureuses pour luy, et qu'il craignoit beaucoup, auant qu'elles luy aduins sent et aussi afin que ceux qui viendront apres luy, soient vn peu plus piteux au peuple, et moins aspres à punir qu'il n'auoit esté combien que ie ne luy veux pas donner charge, ne dire auoir veu meilleur Prince: et s'il pressoit ses subiects, toutesfois il n'eut point souffert qu'vn autre l'eut fait, ne priué, ny estrange.

Après tant de peur, et de suspicions et douleurs, nostre Seigneur feit miracle sur luy, et le guerit tant de l'ame que du corps, comme tousiours a accoustumé, en faisant ses miracles: car il l'osta de ce miserable monde en grand' santé de sens et d'entendement, et bonne memoire, ayant receu tous ses Sacremens, sans souffrir douleur que l'on congneut, mais tousiours parlant iusques à une Patenostre auant sa mort, en ordonnant de sa sepulture : et nommoit ceux qu'il vouloit qu'ils l'accompagnassent par chemin et disoit qu'il n'esperoit à mourir qu'au Samedy, et que

nostre Dame luy procureroit ceste grace, en qui tousiours auoit eu fiance et grand' deuotion et priere: et tout ainsi luy en aduint : car il deceda le Samedy, penultiéme iour d'Aoust, l'an mil quatre cens quatre vingts et trois, à huict heures au soir, audict lieu du Plessis, où il auoit prins la maladie le Lundy deuant. Nostre Seigneur ait son ame, et la vueille auoir receuë en son royaume de Paradis.

Peu d'esperance doiuent auoir les pauures et menuës gens au faict de ce monde, puis que si grand Roy y a tant souffert et trauaillé, et puis laissé tout, et ne peut trouuer vne seule heure pour eslongner sa mort, quelque diligence qu'il y ait sceu faire. Ie l'ay congnu, et ay esté son seruiteur à la fleur de son aage, et en ses grandes prosperitez; mais ie ne le veys onques sans peine et sans soucy.

Conclusion de l'Autheur.

Or voyez vous la mort de tant de grands hommes, en si peu de temps, qui tant ont trauaillé pour s'accroistre, et pour auoir gloire, et tant en ont souffert de passions et de peines, et abregé leur vie et parauenture leurs ames en pourront souffrir: En cecy ne parle point dudict Turc car ie tien ce point pour vuidé, et qu'il est logé auec ses predecesseurs. De nostre Roy i̇'ay esperance (comme i'ay dit) que nostre Seigneur ait eu misericorde de luy, et aussi aura il des autres, s'il luy plaist. Mais à parler naturellement (comme homme qui n'a aucune literature, mais quelque peu d'experience et sens naturel) n'eust il point mieux valu à eux, et à tous autres Princes, et hommes de moyen estat, qui ont vescu soubs ces Grands, et viuront soubs ceux qui regnent, eslire le moyen chemin en ces choses ? C'est à sçauoir moins se soucier, et moins se trauailler, et entreprendre moins de choses, et plus craindre d'offenser Dieu, et à persecuter le peuple, et leurs voisins, et par tant de voyes cruelles, que i'ay assez declarées par cy-deuant, et prendre des aises et plaisirs honnestes? Leurs vies en seroient plus longues. Les maladies en viendroient plus tard, et leur mort en seroit plus regrettée, et de plus de gens, et moins

desirée et auroient moins à doubter la mort. Pourroit lon veoir de plus beaux exemples pour congnoistre que c'est peu de chose, que de l'homme, et que ceste vie est miserable et briefve, et que ce n'est rien des grands et des petits et qu'incontinent qu'ils sont morts, que tout homme en a le corps en horreur et vitupere: et qu'il faut que l'ame sur l'heure qu'elle se separe d'eux, qu'elle aille receuoir son iugement? Et à la verité, en l'instant que l'ame est separée du corps, la sentence en est donnée de Dieu, selon les œuures et merite du corps: laquelle sentence s'appelle le iugement particulier.

OLIVIER MAILLARD.

Sermon prêché à Bruges en l'an 1500, le cinquième dimanche de Carême.

Seigneurs et povres pecheurs sy vous avez detenu la matiere d'hyer, l'on doit faire quelque chose pour avoir paradis. Isaye nous disoit hier, que Dieu le createur deslye son poeuple par sa benoicte passion des lyens de l'ennemy d'enfer. Pour joindre la matiere d'hyer à celle du jourd'huy sainct Pol en nostre epistre nous presente Dieu le createur en fourme d'evesque prest pour dire la messe, ayant les sandales vermeilles aux pieds, les rubys vermeils aux doys, la cappe rouge, la mittre sur la teste et la croche en la main.

Il est anuyt que le cincquiesme dimence de quaresme, à l'aventure qu'il en na de vous aultres qui ne le verrez jamais. Et des cy en avant se commence le mistere de la benoiste passion du doulx Jhesucrist. Frere, mon amy, nous n'y entendons rien. Distesnous, s'il vous plaist, de quoy sert ceste epistre du jourd'huy au mistere de la passion. Que voeult dire cest evesque, prest pour dire la messe? que voeult dire la croche, la mittre, les sandales, le rubys et la chappe vermeille? Seigneurs, tout à la maniere. que l'evesque se presente à la messe pour faire sacrifice à Dieu :

↑ Crosse.

en telle forme et maniere se presenta Dieu le createur le jour du grand vendredy pour faire sacrifice à Dieu son pere pour nos pechiez. Il porta la croche, ce fut la croix; la mittre sur la teste, ce fut la couronne d'espines; les sandales et les rubys vermeilz, ce furent les cloux qui luy percherent les mains et les pieds ; la cappe vermeille, ce fut son precieux sang qui le couvrist depuis la teste jusque aux piedz. Et comme dist nostre epistre: il ne sacrifia pas du sang des chevreaux ne des veaulx; mais son propre sang il respandit tout pour l'amour de nous. Puis donc que le cas est itel que Dieu le createur a tant souffert pour l'amour de nous, faisons quelque chose pour l'amour de luy; mectons la main à l'œvre, lessons nostre meschante vie, rasons et destruisons la mauldite vile de Jherico, la vie des pechiés. Et c'est de quoy je veulx suader en mile teusme allegué. Secundum verba assumpta quae præsunt sit civitas Jherico anathema, et omnia quae in eâ sunt. Vela, seigneurs, que disent les paroles

hem hem hem

Afin que à l'honneur de Dieu, au salut de vos ames et de la myenne, je vous puisse dire quelque chose dont, vous soyez meilleurs; nous saluerons la doulce Vierge bien eurée, advocate des pecheurs, et dirons le beau Ave Maria.

....

.. Qu'en dites-vous, dames, serez-vous bonnes theologiennes? et vous aultres gens de court, que vous samble-il ? metterez-vous la main à l'œuvre ? vous y devez le guet, dictes moy par vostre ame, s'il vous plaist, avez-vous point poeur d'estre dampnez? Et frere, direz-vous pourquoy serons-nous dampnez? Ne veez-vous pas que nous sommes si soingneulx de venir en vous sermons tous les jours, et puis nous allons à la messe, nous jeusnons, nous faisons des aulmones, nous disons tant d'orisons, Dieu aura pitié de nous et nous exaulcera. Seigneurs, vous dictes bien, mais vous ne dittes point tout, je vous asseure, seigneurs. Si vous estes en pechié mortel, Dieu ne vous exaulcera pas en vos prieres et oraisons, Erubescimus sine lege lo

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5

Enmi, emmi, parmi.

Thème, sujet, texte.

3 Le guet est ici l'action de veiller. Vous devez y veiller.

4 Gr. $ 27.

2

qui, ce nous seroit honte de dire quelque chose que ne fust fondée en raison et en droit, si vous estes legistes nulz' de vous, vous avez une belle loy civile: là où dist l'empereur que si ung homme est serf ou esclave, il doit estre degecté et debouté de toute procuracion et advocasserie et ne sera point ouy en justice que s'il a desservi la mort: il ne porra appeler qu'il n'aye la teste trenchie ou ne soye pendu au gibet. Je requiers au grant empereur qui est là sus, qu'il ne nous face mye le tour. Apres vient le pape, qui ne porte pas d'espée, et dist en sa decretale que nul de servile condicion ne poeult estre promeu à quelque benefice espirituel. Vous avez ung aultre loy civile qui dist que quant l'on achate ung heritaige, se le vendeur y met des conditions, il les faut toutes garder sans en laisser une aultrement le marchié est nul. Nous achetons l'heritaige du paradis: le vendeur, c'est Dieu; le Createur nous y met des condicions, ce sont ses commandemens si nous en laissons ung, le marchié est nul. Vous plait-il oyr non pas le droit civil ne le droit canon, mais le droit et commandement divin? Je cuyde que celluy-là ne mentist oncques du premier, quant il dist: In peccatis vestris moriemini. Ce fust Dieu le createur qui le dist aux Juifz: « Vous morrez, dist-il, on poeult ainsy dire en vos pechiez et sy ne faites penitance et vous ostez hors de la servitude du dyable, jamais ne serez exaulcez en vos prieres; » car tant que nous sommes en ung soeul pechié mortel, nous sommes serfz et esclaves au dyable d'enfer. Et du second, frere, qu'en direz-vous? Or acoutez, m'entendez. Saint Jaques nous en parle en sa canonique. Or dictes, saint Jaques mon amy. Si quis totam legem servaverit, offenderit aulem in unum, factus est omnium reus. Vela le texte à la paine du livre. Il n'y a un mot qui ne vaille son pesant d'or. Acoustez : ce n'est ne fable ne mensonge. Il est escript du doit de Dieu, dit le benoit saint Jaques. Quiconques aura gardé toutte la loy, et deffaillera en l'ung des commandemens: il sera coupable de tous les aultres. Certes, seigneur, il ne souffist pas de dire: je ne suys pas murtrier, je ne suys pas larron, je ne suys pas adultere si tu as

1 Gr. $ 19.

De sorte que.

3 Gr. $9.

4 Gr. § 48.

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