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TRAGEDIE.

EN CINQ ACTES.

PAR MONSIEUR

DE RACINE.

175027 A

VIENNE EN AUTRICHE,

Chez JEAN PIERRE VAN GHELEN, Imprimeur de la
Cour de fa Majefté Imperiale & Royale.

M D CC LHI.

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ACTEURS.

ANDROMAQUE, Veuve d'Hector, Captive de Pyrrhus.

PYRRHUS, Fils d'Achille, Roi d'Epire. ORESTE, Fils d'Agamemnon. HERMIONE, Fille d'Héléne, accordée auec Pyrrhus.

PYLADE, Ami d'Orefte.

CLEONE, Confidente d'Hermione.

CEPHISE, Confidente d'Andromaque.

PHOENIX, Gouverneur d'Achille, & enfuite de Pyrrhus.

Suite d'ORESTE.

La Scêne eft à Buthrote Ville d'Epire, dans une Salle du Palais de Pyrrhus.

AN

ANDROMAQUE. TRAGEDIE.

ACTE I.

SCENE PREMIERE. ORESTE, PYLADE.

ORESTE.

Ui, puifque je retrouve un ami fi fidelle,

Ma fortune va prendre une face

nouvelle ; Et déja fon courroux femble s'être adouci

Depuis qu'elle a pris foin de nous rejoin

dre ici! Qui l'eût dit, qu'un rivage à mes yeux fi funeste,

Préfenteroit d'abordPylade aux yeux d'Orefte, Qu'a

A 2

Qu'après plus de fix mois que je t'avois perdu, A la Cour de Pyrrhus tu me ferois rendu! PYLADE.

J'en rens graces au Ciel, qui m'arrêtant fans

ceffe, Sembloit m'avoir fermé le chemin de la

Gréce,

Depuis le jour fatal que la fureur des eaux, Prefqu'aux yeux de l'Epire, écarta nos vaiffeaux. Combien dans cet exil ai-je fouffert d'allar

mes,

Combien à vos malheurs ai-je donné de larmes!

Craignant toujours pour vous quelque nou

veau danger, Que ma triste amitié ne pouvoit partager. Sur-tout je redoutois cette mélancolie, Où j'ai vu fi long-tems votre ame enfevelie. Je craignois que le Ciel,par un cruel fecours, Ne vous offrit la mort, que vous cherchiez toujours.

Mais je vous vois, Seigneur, & fi j'ofe le
dire,
Un deftin plus heureux vous conduit enEpire.
Le pompeux appareil qui fuit ici vos pas,
N'eft point d'un malheureux qui cherche le

trépas.

ORE

ORESTE.

Hélas! qui peut favoir le deftin qui m'améne? L'amour me fait ici chercher une inhumaine. Mais qui fait ce qu'il doit ordonner de mon

fort, Et fi je viens chercher, ou la vie, ou la mort! PYLADE.

Quoi! votre ame à l'amour, en efclave af

fervie, Se repofe fur lui du foin de votre vie? Par quel charme, oubliant tant de tourmens foufferts, Pouvez-vous confentir à rentrer dans fes

fers?

Penfez-vous qu'Hermione, à Sparte inexo

rable, Vous prépare en Epire un fort plus favorable? Honteux d'avoir poufsé tant de vœux fuper

Alus,

Vous l'abhorriez. Enfin, vous ne m'en par liez plus.

Vous me trompiez, Seigneur.

ORESTE.

Je me trompois moi-même. Ami, n'accable point un malheureux qui

t'aime. T'ai-je jamais caché mon cœur & mes defirs? Tu vis naître ma flamme & mes prémiers foupirs.

En

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