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autre individu, nommé Olivier de Iscani (?), du nom d'un village de l'abbaye de Vézelai, et la femme flamande de ce dernier, ont fait hommage du manuscrit à la cathédrale de Saint-Jacques de Compostelle.

Cet Aimeri Picaud, qui était un prêtre, car il s'appelle dans le manuscrit «Aymericus Picaudi presbyter de Partiniaco,» a travaillé à la composition du livre. Il y est nommé comme l'auteur de plusieurs hymnes à chanter sur la route par les pèlerins, dont quelques-uns ont été publiés par M. Le Clerc et par le P. Fita, et du 5e chapitre du Ve livre, intitulé: de nominibus quorumdam qui beati Iacobi viam refecerunt. En outre, il a mis la dernière main au Recueil des miracles de saint Jacques. On remarque dans ce livre la relation d'un miracle opéré en 1139 en faveur d'un pèlerin de Vézelai, et le compilateur place ce récit sous l'autorité de l'abbé Aubri, dont il énumère les titres avec un soin remarquable: << Miraculum sancti Iacobi, a domino Alberico, Viziliacensi abbate atque episcopo Ostiensi et Romæ legato editum.» La complaisance avec laquelle sont ici rapportés les titres d'Aubri, abbé de Vézelai, dénote un écrivain qui se rattachait par quelque lien à l'église de Vézelai, et nous avons vu tout à l'heure qu'Olivier, le compagnon d'Aimeri Picaud, celui qui, conjointement avec lui, avait fait hommage du manuscrit à la cathédrale de Compostelle, avait emprunté son nom à une terre de l'abbaye de Vézelai 1.

1) Delisle, p. 13 (j'ai dû modifier le résultat auquel il est arrivé, parce que, dans la lettre d'Innocent, j'ai suivi une autre leçon); cp. les Acta Sanct., p. 58 D et note c. Dans le man. de Compostelle, comme le P.

Une autre preuve de sa collaboration a encore été signalée par M. Delisle, qui s'exprime ainsi : «A la suite des miracles de saint Jacques, on trouve dans les deux manuscrits de Paris, une prétendue note du pape Calixte qui annonce avoir trouvé à Constantinople, et traduit en latin, la passion de saint Eutrope, que saint Denis, évêque de Paris, avait écrite en grec et qu'il avait adressée aux parents du martyr par l'intermédiaire du pape saint Clément. Suivent tout au long une lettre apocryphe de saint Denis à saint Clément, la passion de saint Eutrope attribuée à saint Denis, et un passage de Grégoire de Tours sur saint Eutrope.>>

<< Comment expliquer ce long hors d'œuvre, demande avec raison M. Delisle, si le compilateur n'appartenait pas, comme le Poitevin Aimeri Picaud, à la province de Saint Eutrope, et s'il n'attachait pas un prix particulier à célébrer la mémoire de ce saint évêque ?» Rien ne nous empêche donc d'admettre le résultat déjà obtenu par M. G. Paris, à savoir que cet Aimeri Picaud, qui est l'auteur d'une partie du livre et qui a si hardiment attribué à Calixte ses élucubrations sur saint Eutrope, a aussi forgé les deux lettres qu'il a mises sur le compte de ce pape, et qu'il a ajouté le nom de Calixte au titre du second supplément du faux Turpin, car c'est bien de son manuscrit que tout cela nous est

Fita (p. 302 c) le dit formellement, le récit de ce miracle se trouve à la fin du Recueil des miracles de saint Jacques; de même dans le man. le plus ancien du Musée britannique, mais dans l'autre il en est séparé par la translation de l'apôtre, la chronique de Turpin, l'itinéraire à Compostelle et les hymnes.

venu,

de son manuscrit, que les pèlerins aimaient à copier en entier ou en partie 1. Ceux qui provenaient d'une autre source n'avaient pas le nom de Calixte. Celui que Guibert abbé de Gembloux trouva dans l'abbaye de Marmoutiers du temps de l'abbé Hervé (qui se démit en 1187) et qui contenait le Recueil des Miracles de saint Jacques et le faux Turpin, était sans nom d'auteur et il ne l'attribue point à Calixte 2. << Est-il croyable, demande avec raison l'auteur du Xe, volume de l'Histoire littéraire de la France, est-il croyable qu'il eût manqué de le faire, si la lettre en question avait été à la tête de l'écrit? N'aurait-il pas témoigné à l'abbé et à

«

1) Voir Delisle, p. 5 et suiv.

"

2) L'auteur du Xe volume de l'Hist. litt. se trompe quand il dit (p. 533) que la lettre de Guibert se trouve parmi celles de cet abbé que Martène a publiées dans le Ier volume de son Amplissima collectio; il ne la connaissait que par l'extrait qu'en a donné Mabillon (Vetera analecta, éd. de 1676, t. II, p. 547), qui avait sous les yeux plus de lettres de Guibert que n'en donne Martène. Cependant son raisonnement était juste. M. Émile Ouverleaux, conservateur adjoint à la Bibl. royale de Bruxelles, a eu la bonté de m'apprendre que la lettre en question se trouve dans le man. 5527-5534, fol. 120, de ce précieux dépôt, et il m'en a envoyé l'extrait que voici : Nec solum prædicto, sed et alio modo peregrinationem meam pluribus et scio et gaudeo, et nunc prodesse, et in posterum profuturam. Nam ex lectione librorum, quos de miraculis sancti Iacobi apostoli, et de prodigiis circa corpus beati Martini, cum ob irruptionem paganorum Burgundiæ illatam ibi detineretur vel in Turoniam referretur, ostensis, de bellis quoque in Hispaniâ a Karolo magno gestis et martyrio Rollandi ducis sociorumque eius, et ex relatu vel auditu cæterorum quæ apud vos commorans transcripsi, tantus admirationis affectus, tanta virtutis æmulatio nonnullis nostrorum excitatur, ut et exemplaria certatim ad transcribendum a compluribus rapiantur, et in venerationem sanctorum de quibus sermo est, et ad eorum suffragia promerenda legentium et audientium mirâ devotione moveantur. Auditui meo et propriæ experientiæ de his, ut vulgariter loquar, credo. Le reste de la lettre ne contient que des compliments et des lieux communs.

ses religieux la satisfaction qu'il aurait eue en découvrant dans leur bibliothèque un ouvrage de ce grand pape, dont il n'avait auparavant aucune connaissance?» Dans l'un des deux manuscrits d'après lesquels les Bollandistes ont publié les Miracles, cet ouvrage, si je les ai bien compris (p. 43 D), n'est pas non plus attribué à Calixte. Quant au second supplément, il n'y a, d'après M. G. Paris (p. 36), que huit parmi les man. de Paris qui en nomment ce pape comme l'auteur; les plus anciens ne le font pas.

Que dire à présent de la prétendue lettre d'Innocent II, si ce n'est que le prêtre si peu scrupuleux qui en a forgé deux autres, était bien en état de forger aussi celle-là.

Sa fraude a eu une pleine réussite. Le respect dont on a environné le faux Turpin, composé par des Français entre les années 1131 et 1140, et le Recueil des miracles de saint Jacques dès leur publication, comme le prouvent l'inscription polychrome du man. de Compostelle et le témoignage de Guibert de Gembloux, qui dit qu'on se les arrachait pour les transcrire, ne pouvait que s'accroître après qu'Aimeri Picaud eut mis leur authenticité sous l'égide de deux papes, auxquels il a rendu, en le faisant, de mauvais services.

OBSERVATIONS SUR DEUX NOMS PROPRES.

I.

Sur les monnaies frappées sous le règne du calife Hichâm II dans les années 391 et 392, on trouve, sous la profession de foi, un mot dont la lecture a fort embarrassé les numismates. Récemment on l'a lu les 1 et cla, leçons qui se condamment elles-mêmes, car elles sont vides de sens. En 1869 M. Karabacek 3 a lu

2

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ce qu'il prononce et traduit par en abondance, et

4

en 1879, M. Stickel a adopté cette leçon, qu'il traduit par avec surpoids. Malheureusement n'existe pas comme substantif, et s'il existait, il ne pourrait avoir ni l'un ni l'autre sens. M. Codera était plus près de la vérité quand il pensait qu'il s'agissait d'un nom propre. Dans un opuscule publié en 18745, il l'a lu

, mais en avouant qu'il n'a jamais rencontré un tel

1) Lane Poole, The coins of the Mohammadan dynasties in the British Museum, t. II (1876), p. 22, no 102. Dans ses Corrections, t. III, p. 252, cet auteur a adopté la leçon qui lui a été fournie par M. Codera. 2) Le même, t. II, p. 25, no 116.

3) Wiener Numismatische Zeitschrift de 1869, p. 147.

4) Zeitschrift der deutschen morgenl. Gesellschaft, t. XXXIII, p. 385. 5) Errores de varios numismáticos estranjeros, p. 19.

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