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123. Un Poète remercie Domitien qui l'avait
invité à dîner.

(Poela Domitiano grates agit quod ab eo ad mensam adhibitus sit.)

2' Ast ego, cui sacræ Cæsar nova gaudia cenæ

Nunc primum dominaque* dedit concumbere mensa,
Qua celebrem mea vota* lyra, quas solvere grates
Sufficiam? non, si pariter mihi vertice læto
Nectat adoratas et Smyrna* et Mantua* lauros,
Digna loquar. Mediis videor discumbere in astris
Cum Jove et Iliaca* porrectum sumere dextra
Immortale merum! Steriles transmisimus annos :
Hæc ævi mihi prima dies, hæc limina vitæ *.
Tene ego, regnator terrarum orbisque subacti
Magne parens, te, spes hominum, te, cura deorum,
Cerno* jacens? datur hæc juxta, datur ora tueri
Vina inter mensasque, et non assurgere fas est?
Tectum augustum, ingens, non centum insigne columnis,
Sed quantæ Superos cælumque, Atlante remisso,
Sustentare queant. Stupet* hoc vicina Tonantis
Regia, teque pari lætantur sede locatum

Numina, ne magnum * properes escendere cælum :
Tanta patet moles, effusæque * impetus aulæ
Liberior campo* multumque amplexus aperti
Ætheros et tantum domino minor; ille penates
Implet et ingenti Genio* juvat.

N° 123 Sacræ, parce que l'empereur est divus. Domina, pris adjectivement. Vota a ici le sens de joie (vœux réa lisés). Smyrna et Mantua: allusion à Homère et à Virgile.

Iliaca allusion au prince troyen Ganymede qui fut, à cause de sa beauté, enlevé par l'aigle de Jupiter et transporté dans le ciel, pour y remplacer Hébé comme échanson des dieux. Vitæ. La seule excuse de Stace c'est qu'il était pauvre, et que Domitien « qui fut, depuis Auguste, le prince qui se montra le plus sévère pour l'ordre public » (Duruy, IV, 692), aimait réellement les lettres et le protégea. Stupet miratur, veneratur. — Magnum. La flatterie est bien outrée. Stace veut dire que le palais de Domitien est un ciel aussi, quoique plus petit que l'autre, mais dont Domitien peut se contenter en attendant l'apothéose. Cf. Silv., V, 1, 240. Effusæque... campo: ces mots désignent poétiquement le développement du palais à la surface du sol. Multumque... ætheros sa hauteur. Genio. Chaque individu, chaque ville, chaque peuple, chaque dieu même a son genius. Voir genius au Lexique. Le génie de l'Empereur est associé depuis Auguste au culte des Lares publics.

124. Les réceptions à la cour de Trajan.

(Quam comiter omnes in aula Trajani excepti sint.)

Ipse ut excipis omnes*! ut exspectas! ut magnam partem 4o dierum inter tot imperii curas quasi per otium transigis! Itaque non ut alias* attoniti, sed securi et hilares, cum commodum est, convenimus; et, admittente principe, interdum est aliquid quod nos domi, quasi magis necessarium teneat. Excusati semper tibi, nec umquam excusandi sumus. Non tibi semper in medio* cibus, semperque mensa communis? non ex convictu nostro mutua voluptas? non provocas reddisque sermones? non ipsum tempus epularum tuarum, cum frugalitas contrahat, extendit humanitas"? Non enim ante medium diem* distentus solitaria cena, spectator adnotatorque convivis tuis immines; nec jejunis et inanibus plenus ipse et ructans, non tam apponis quam objicis cibos, quos dedigneris attingere, ægreque perpessus superbam illam convictus simulationem, rursus te ad clandestinam ganeam occultumque luxum refers. Ergo non aurum, nec argentum, nec exquisita ingenia cenarum, sed suavitatem tuam jucunditatemque miramur: quibus nulla satietas adest, quando sincera omnia et vera et ornata gravitate.

No 124 Omnes. Trajan, comme Nerva, avait écrit sur la demeure impériale: «Palais public ». Il recevait tout le monde. Auguste avait réglé le cérémonial de cour. Aux réceptions officielles, les sénateurs avaient le privilège d'embrasser l'empereur; le prince se contentait de saluer les chevaliers illustres, en prononçant leur nom, quand il voulait leur être agréable (voir le Breviarium d'Auguste, et l'étude de C. Jullian dans les Mélanges de l'Ecole française de Rome, 1883). Pour l'époque postérieure à Trajan, l'étiquette devint de plus en plus minutieuse. Voir la Notitia dignitatum, rédigée vers l'an 400, d'après le cérémonial des cours de Dioclétien et de Constantin. Alias, par opposition à Domitien, qui avait fait de son palais un antre « cujus foribus horror et mina obversabantur » Pline, Panégyr., 48). Admittente: les jours de réception. In medio: il y a table ouverte, comme chez nos anciens rois. Humanitas: la sociabilité. Cf. Bossuet : « Loin de nous les héros sans humanité! Ils pourront bien forcer les respects et ravir l'admiration, comme font tous les objets extraordinaires, mais ils n'auront pas les cœurs... Et les grands dont la bonté n'est pas le partage, par une juste punition de leur dédaigneuse insensibilité, demeureront éternellement privés du plus grand bien de la vie humaine, c'est-à-dire des douceurs de la société ». Ante medium diem. Allusion à Domitien (voir Suét., Domit. 21). Adnotator. Cf. Tacite, Agric., 45: « cum suspiria nostra subscriberentur ». Ingenia cenarum cenas ingeniosas et arte paratas.

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125. Un ménage impérial.

(De Trajano et Plotina uxore.)

3o Multis illustribus dedecori fuit aut inconsultius uxor assumpta, aut retenta* patientius: ita foris claros domestica destruebat infamia; et ne maximi cives haberentur, hoc efficiebat quod mariti minores erant. Tibi uxor* in decus et gloriam cedit. Quid enim illa sanctius? quid antiquius? Nonne, si Pontifici* Maximo deligenda sit conjux, aut hanc aut similem (ubi est autem similis?) elegerit? Quam illa nihil sibi ex fortuna tua nisi gaudium vindicat! quam constanter non potentiam tuam, sed ipsum te reveretur! Idem estis invicem quod fuistis probati* ex æquo, nihilque vobis felicitas addidit, nisi quod scire cœpistis quam bene uterque vestrum felicitatem ferat*. Eadem quam modica cultu! quam parca comitatu! quam civilis incessu! Mariti hoc opus, qui ita imbuit, ita instituit; nam uxori sufficit obsequii gloria. An, cum videat quam te nullus terror, nulla comitetur ambitio*, non et ipsa cum silentio incedat, ingredientemque pedibus maritum, in quantum patitur* sexus, imitetur? Decuerit hoc illam, etiamsi diversa tu facias. Sub hac vero modestia viri, quantam debet verecundiam* uxor marito, femina sibi!

N° 125: Retenta. On sait que, sous l'Empire, on usa du divorce avec une facilité parfois scandaleuse. - Uxor. Plotina, en montant les marches du palais impérial, s'était retournée vers la foule pour lui dire « Telle j'entre ici, telle j'en veux sortir » et elle tint parole. Pontifici. Le Grand Pontife ne se mariait qu'une fois, et son épouse devait être d'une vertu exemplaire (Tertull., de Monog. 16). Probati, sous-entendu estis. Ferat. Trajan, devenu empereur, continua à visiter ses anciens amis et à participer à leurs peines et à leurs joies; il se promenait dans Rome, seul et sans escorte. - Sufficit. On retrouve ici les idées romaines sur le rôle de la materfamilias. Ambitio. Plotina ne voulut aucun cérémonial autour d'elle. Patitur. La plupart des femmes sortaient en lectica, plus tard en basterna, accompagnées d'esclaves et d'eunuques. Verecundiam. C'est, en effet, une figure vénérable que celle de l'empereur Trajan (98-117) autant pour ses vertus privées, que pour son amour sincère du bien de l'Etat, sa parfaite équité, son respect absolu de la loi. On sait que Duruy le regarde comme le type de l'empereur idéal. Après sa mort, le Sénat forma toujours le vœu suivant à l'avènement d'un nouvel empereur: « Puissiez-vous être plus heureux qu'Auguste, meilleur que Trajan! » Le Moyen Age a recueilli cette pensée, et Dante a mis Trajan dans son Paradis.

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126. L'empereur Hadrien protecteur des lettres

(Litteras litteratosque fovet Hadrianus* imperator.)

Famæ celebris tam cupidus fuit, ut libros vitæ suæ scrip- 3o os a se libertis suis litteratis dederit, jubens ut eos suis nominibus publicarent*. Amavit genus dicendi vetustum, controversias declamavit. Catonem Ciceroni, Ennium Vergilio prætulit*. Eademque jactatione de Homero ac Platone judicavit. Professores omnium artium semper ut doctior risit, contempsit, obtrivit. Cum his ipsis professoribus, libris vel carminibus invicem editis, sæpe certavit. Et Favorinus quidem, cum verbum ejus quoddam ab Hadriano reprehensum esset, atque ille cessisset, arguentibus amicis quod male cederet Hadriano, de verbo quod idonei auctores usurpassent, risum jucundissimum movit. Ait enim «< non recte suadetis, familiares, qui non patimini me illum doctiorem omnibus credere qui habet triginta legiones ». Sed quamvis esset in reprehendendis musicis, tragicis, comicis, grammaticis, rhetoribus, oratoribus facilis, tamen omnes professores et honoravit et divites fecit, licet eos quæstionibus semper agitaverit. In summa familiaritate Epictetum* et Heliodorum philosophos, et grammaticos, rhetores, musicos, geometras, pictores, astrologos habuit: præ ceteris eminente Favorino. Doctores qui professioni suæ inhabiles videbantur, ditatos honoratosque a professione dimisit*.

N° 126 Hadrianus (117-138). « Quand la gloire des princes se mesurera au bonheur qu'ils ont donné à leurs peuples, Hadrien sera le premier des empereurs romains », dit Duruy Hist. des Rom., V, 148). Publicarent. Cf. Richelieu proposant à Corneille de signer le Cid. Prætulit. Il y eut à la fin du 1er siècle après J.-C. une violente réaction contre Cicéron et en général contre la littérature du siècle d'Auguste. On se fit archaïque par dénigrement: de mėme nos romantiques imitaient Ronsard et le Moyen Age. Favorinus, sophiste, ami de Plutarque, Epictetum, philosophe stoïcien, exilé de Rome par Domitien. Son disciple Arrien a rédigé, d'après ses idées, le fameux Manuel, où se trouvent tant de nobles pensées. Habuit. Ces goûts si divers éclatent dans la Villa d'Hadrien, près Tibur (voir Boissier, Promenades archéologiques). — Dimisit. « Hadrien voulait tout voir, il s'intéressait à tout, voulait qu'on restaurât tout ce qui avait existé. Autour de lui pullulaient les philosophes, les rhéteurs, les critiques. C'était Néron, moins la folie. Il favorisa une renaissance universelle du monde antique, renaissance brillante, mais peu sincère, un peu théâtrale » (Renan).

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127. L'empire libéral sous les Antonins.

(Quam civiles fuerint T. et M. Antonini.)

T. Antoninus procuratores* suos modeste suscipere tributa jussit excedentes modum, rationem factorum suorum reddere præcepit; nec umquam lætatus est lucro quo provincialis oppressus est. Contra procuratores* suos conquerentes libenter audivit. Imperatorium fastigium ad summam civilitatem deduxit. Neque de provinciis, neque de ullis actibus quidquam constituit nisi quod prius ad amicos* rettulit, atque ex eorum sententia formas * composuit. Tanta sane diligentia subjectos sibi populos rexit, ut omnia et omnes, quasi sua essent, curaret. Post eum, Marcus Aurelius senatum multis cognitionibus *, et maxime ad se pertinentibus, judicem dedit. Multis senatoribus. pauperibus factis sine crimine dignitates tribunicias ædiliciasque concessit, nec quemquam in ordinem legit nisi quem ipse bene scisset. Cavit et sumptibus publicis, et omni frumentariæ rei* consuluit. Denique, cum populo non aliter egit quam est actum sub civitate libera. Fuitque per omnia moderatissimus in hominibus deterrendis a malo, invitandis ad bona, remunerandis copia, indulgentia liberandis fecitque ex malis bonos, ex bonis optimos *.

N° 127 T. Antoninus, surnommé le Pieux, ou le Père du genre humain, régna de 138 à 161, et Marc-Aurèle, son successeur, de 161 à 180 ce sont peut-être les deux plus belles âmes du monde païen finissant. Procuratores. Voir ce mot au lexique. Conquerentes. La ler Calpurnia de pecuniis repetundis avait institué un jury criminel permanent chargé de juger les malversations des gouverneurs de province. - Amicos, c'est-à-dire ses conseillers. Voir consiliarii au lexique. Formas ce sont des instructions, des édits (voir rescripta, au lexique). Cognitionibus. Voir ce mot au lexique. Frumentariæ rei. C'est le service de l'annona. Voir ce mot au lexique. Antonin le Pieux avait fait élever, par des institutions alimentaires, des jeunes filles pauvres appelées Faustiniennes (Faustinianæ). Marc-Aurèle ajouta un fonds pour les nouvelles Faustiniennes (Faustinianæ novæ). Optimos. Lire Renan, Marc-Aurèle. Voir les notes des versions 129 et 131. Duruy (V. 177) l'appelle «ce héros moral de l'antiquité païenne ». Cf. ces mots de Martha (Les Moralistes sous l'Empire romain) : «< cette âme si sainte et si pure, où brille dans son dernier et dans son plus doux éclat la vertu antique ». Citons ici quelques-unes de ses paroles d'or: « Aime les hommes, mais d'un amour véritable... Souviens-toi que la bonté est invincible... Il faut être comme la vigne qui donne son fruit, et puis ne demande plus rien... C'est le propre d'un homme d'aimer ceux mêmes qui l'offensent... La meilleure façon de se venger d'un ennemi, c'est de ne pas lui ressembler... O Univers, je veux ce que tu veux! >>

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