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bien de la dépense (il y était ambassadeur pour obtenir une fille du roi Philippe II pour son maître), il trouva sa femme grosse du fait d'un jésuite; tout son bien se dissipa; il mourut de regret, et trois filles mariées qu'il avait furent toutes trois des abandonnées. On ne saurait dire de quelle matière sont ces gages; cela est rude et grossier.

«La marquise d'Havrée, de la maison de Croye, en montrant le gobelet, le laissa tomber; il se cassa en plusieurs pièces, elle les ramassa et les remit dans l'étui en disant : « Si je ne puis l'avoir tout entier, je l'aurai au a moins par morceaux. » Le lendemain, en ouvrant l'étui, elle trouva le gobelet aussi entier que devant. Voilà une belle petite fable 1. »

Il y avait jadis en France, comme dans les autres pays, un certain nombre de châteaux que les traditions populaires racontaient avoir été bâtis par les fées. Le plus célèbre d'entre eux était le château de Lusignan (en Poitou), construit par la célèbre Mélusine, et qui fut pris et rasé par le duc de Montpensier, en 1575. Catherine de Médicis, se rendant, l'année suivante, à Poitiers, se détourna de son chemin pour aller visiter les ruines de ce château, « la plus belle marque de forteresse antique et la plus noble décoration vieille de toute la France, » dit Brantôme. Suivant le même historien, la reine prit plaisir à se faire raconter les légendes du pays par de vieilles femmes. « Les unes lui disoient qu'elles voyoient quelquesfois Mélusine venir à la fontaine pour s'y baigner, en forme d'une très belle femme et en habit de vefve; les autres disoient qu'elles la voyoient, mais

• Tallemant des Réaux, t. iv, p. 195 et suiv.

très-rarement, et ce les samedys, à vespres (car en cest estat ne se laissoit guières veoyr), se baigner moictié le corps d'une très-belle dame, et l'autre moictié en serpent1; les unes disoient qu'elles la voyoient se pourmener toute vesteue avecques une très-grave majesté; les autres, qu'elle paroissoit sur le haut de la grosse tour (la tour qui portoit son nom), en femme très-belle et en serpent; les unes disoient que, quand il debvoit arriver quelque grand désastre au royaume, ou changement de regne, ou mort ou inconvénient de ses parents, les plus grands de la France, et fussent roys, que trois jours avant on l'oyoit cryer d'un cry très-aigre et effroyable par trois fois: On tient cestuy-ci pour trèsvray; plusieurs personnes de là qui l'ont ouy l'asseurent, et le tiennent de peres en fils; et mesme que lorsque le siège y vint, force soldats et gens d'honneur l'affirment qui y estoient; mais surtout, quand la sentence fut donnée d'abattre et ruyner son chasteau, ce fut alors qu'elle fit ses plus hauts crys et clameurs; cela est très-vray, par le dire d'honuestes gens. Du despuis on ne l'a point ouye. Aucunes vieilles pourtant disent qu'elle s'est apperçue, mais très-rarement 2. »

Une tradition semblable se racontait sur le château de Pirou, situé dans le Cotentin, et où venaient s'abattre, tous les ans, des troupes d'oies sauvages. On prétendait que longtemps avant l'occupation de la Neustrie par les Normands, il avait été bâti par des fées, filles d'un grand seigneur du pays; que celles-ci se métamorphosèrent en oies sauvages, lors de l'invasion des hommes du Nord,

'C'était une transformation qu'elle subissait toutes les semaines. -Voy. l'Histoire de Mélusine, par Jean d'Arras. Paris, 1698, in-12. 2 Vie de M. de Montpensier, édit. du Panthéon, t. 1, p. 483.

et qu'elles revenaient, tous les ans, faire leur nid dans le château.

« J'ai connu un vieux gentilhomme bas Normand, raconte Vigneul-Marville, qui disait qu'étant enfant, il avait appris à lire dans une très-ancienne chronique, qui rapportait que quand il naissait un garçon dans l'illustre maison de Pirou, les mâles de ces oics paraissaient revêtus de plumes grises, et prenaient le dessus du pavé dans les cours du château; mais que quand c'était une fille, les femelles, en plumes plus blanches que neige, prenaient la droite sur les mâles; que si cette fille devait être religieuse, on remarquait une de ces vies entre les autres, qui ne se nichait point, mais demeurait solitaire dans un coin, mangeant peu, et soupirant dans son cœur, je ne sais pourquoi 1. »

Il faut rattacher au même genre de légendes celle du grand veneur de Fontainebleau; elle avait cours encore à la fin du seizième siècle. « Le mercredi 12 d'août 1598, dit l'Estoile, un bruit courust dans Paris et dans les environs que le roy (Henri IV), chassant dernièrement dans la forêt de Fontainebleau, auroit entendu le japement des chiens, les cris et les cors de chasseurs, autres que ceux qui étoient avec lui. Sur quoi ayant cru que d'autres chassoient aussi, et qu'ils avoient la hardiesse d'interrompre sa chasse, il commanda au comte de Soissons de pousser avant, pour voir quels étoient ces téméraires. Le comte de Soissons, s'étant avancé, a entendu le même bruit de chasse; mais il n'a vu autre chose qu'un grand homme noir qui, dans l'épaisseur des broussailles, lui cria : « M'entendez-vous, ou m'attendez-vous?» ct soudain disparut. Cet événement, faux ou véritable,

1 Mélanges de littérature et d'histoire, 1787, t. 1, p. 444.

interrompit la chasse du roy, qui s'en retourna en son chastel, et donna sujet à maints propos et histoire 1. »>

Dans l'antiquité comme au moyen âge, les animaux jouèrent un grand rôle dans les légendes. Ce furent des abeilles qui découvrirent à un Acrépbien nommé Saon l'oracle de Trophonius 2; ce furent des chèvres, errantes parmi les rochers du mont Parnasse, qui firent connaître l'oraclede Delphes aux habitants du voisinage; ce fut une génisse qui apprit à un berger l'endroit où était enterrée l'épée de Mars, que le pâtre alla porter à Attila, etc. 3,

« Des chasseurs de la nation des Huns, dit Jornandès, cherchant, selon leur coutume, du gibier sur la rive du Palus-Méotide, virent se présenter à eux, à l'improviste, une biche qui entra dans le marais, s'avançant et s'arrêtant tour à tour, et leur servit ainsi de guide. Les chasseurs la suivirent, et traversèrent à pied le PalusMéotide, qu'ils croyaient infranchissable comme la mer. Dès que la terre de Scythie se fut offerte aux regards de ces inconnus, la biche disparut. Je crois que les esprits dont ils tirent leur origine les poussèrent dans cette voie, par haine contre les Scythes". »

Des rats, envoyés par Vulcain au secours de Séthos, attaqué par Sennacherib, roi des Arabes, « rongèrent, dit Hérodote, les carquois, les arcs et les courroies qui servaient à manier les boucliers; de sorte que, le lendemain, les Arabes étant sans armes, la plupart périrent dans la fuite 5. »

** Journal de l'Estoile, collect. Michaud-Poujoulat, t. 11, p. 295.

2 Voy. Pausanias, 1. 1x, ch. 40.

3 Jornandès, de Rebus Geticis, p. 525.

4 Ibid. ch. VIII. Voy. plus haut. p. 138.

5 « On voit encore aujourd'hui, ajoute le même historien, dans le tem

Ce furent des rats qui, au dixième siècle, dévorèrent dans la tour des souris (Mausethurne), située au milieu du Rhin, non loin de Bingen, Hatto II, archevêque de Mayence, dont l'avarice et l'impiété avaient excité le courroux du ciel.

La croyance aux loups-garous se retrouve dans Hérodote. « Il parait, dit-il, que les Neures sont des enchanteurs. S'il faut en croire les Scythes et les Grecs établis en Scythie, chaque Neure se change une fois par an en loup, pour quelques jours, et reprend ensuite sa première forme 1. >>

Cette croyance, si populaire au moyen âge, avait encore une telle consistance au seizième siècle, qu'en 1591, un nommé Gilles Garnier fut condamné à mort comme loup-garou par un arrêt du parlement de Dôle 2.

C'était une opinion générale, au moyen âge, que le

ple de Vulcain, une statue de pierre qui représente ce roi, ayant un rat sur la main, avec cette inscription: QUI QUE TU SOIS, APPRENDS, EN ME VOYANT, A RESPECTER LES DIEUX. » L. II, ch. 144. L'explication que l'on a cherché à donner de cette statue est peut-être le seul fondement de la légende.

1 L. IV, ch. 405. Voy. encore Pausanias, 1. vIII, ch. 3. Un médecin grec, Marcellus, avait composé un poème sur ce sujet.

2 Voy. cet arrêt dans le t. vi des Archives curieuses de l'histoire de France. Voy. aussi Mélanges tirés d'une grande bibliothèque, vol. L. - Voici encore l'indication de quelques ouvrages sur ce sujet, réunis avec plusieurs autres sur la sorcellerie, et l'épreuve par l'eau froide, dans un volume de la Bibliothèque du roi, coté Z, 261: de la Lycanthropie; transformation et extase des sorciers, par Nynaud, Paris, 1615, 140 p. in-8; Discours de la lycanthrophie ou de la transmutation des hommes en loups, par le sieur de Beauvoys de Chauvincourt, Paris, 1599, 31 p. in 8; Dialogue de la lycanthropie ou transformalion d'hommes en loups, vulgairement dits loups-garous, et si telle se peut faire, par Claude Prieur, Louvain, 1596, 144 p. in-8.

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