Imágenes de página
PDF
ePub

qu'aux soupçons des méchants. Au nom de l'Esprit-Saint, notre Dieu tout-puissant, qui, par la voix de Pierre, condamna Simon le magicien pour avoir cru que la grâce de la bénédiction pût être achetée à prix d'argent, je déclare que, dans le choix de l'homme que j'ai cru le plus digne, je n'ai été influencé ni par l'argent ni par la faveur; et qu'après avoir examiné, autant et plus même qu'il ne fallait, ce qu'étaient la personne, le temps, la province et cette ville, j'ai jugé que celui qui convient le mieux de vous donner est l'homme dont je vais rappeler la vie en peu de mots. » Alors Sidoine leur parle d'un personnage d'une illustre famille, Simplicius, dont il fait un pompeux panégyrique; mais ce qu'il y a de plus curieux, c'est qu'à l'éloge du mari succède celui de la femme. « L'épouse de Simplicius, dit-il, descend de la famille des Palladius, qui ont occupé les chaires des lettres et des autels; et comme le caractère d'une matrone ne veut être rappelé qu'avec modestie et succinctement, je me contenterai d'affirmer que cette femme répond dignement au mérite et aux honneurs des deux familles, soit de celle où elle est née et a grandi, soit de celle où elle a passé par un honorable choix. Tous deux élèvent leurs fils dignement et en toute sagesse; et le père, en les comparant à lui, trouve un nouveau sujet de bonheur en ce que déjà ses enfants le surpassent 1. »

Lors de ces élections, on voyait les candidats se livrer à toutes les brigues, à toutes les intrigues qui ont lieu de nos jours pour les élections politiques; on les voyait conclure de ces honteux marchés qui, plus tard, déshonorèrent la papauté. En 515, saint Quintien, ayant

'L. VII, epist. 9. Guizot, Histoire de la civilis., p. 95 et suiv.

été élu évêque de Clermont par le peuple, deux sœurs d'un candidat, nommé Apollinaire, allèrent le trouver, et lui dirent: «Saint homme, qu'il suffise à ta vieillesse d'avoir été désigné pour évêque, et permets à ton serviteur Apollinaire de monter à ce poste d'honneur. S'il parvient à cette dignité, il sera soumis à ton plaisir, et c'est toi qui gouverneras. » Quintien ayant accepté 'cette offre moyennant une pension alimentaire, Apollinaire alla trouver le roi Théodoric, lui fit beaucoup de présents, et en obtint l'épiscopat 1. »

Les vies de saints et les chroniques fournissent de nombreux exemples de l'influence que les femmes, en Gaule, exerçaient souvent au moment des élections, influence qui rappelle celles dont jadis les druidesses avaient été en possession.

« Après la mort de Vénérande, évêque de Clermont, il s'éleva parmi les citoyens une honteuse querelle au sujet de l'épiscopat, dit Grégoire de Tours; et comme les partis en désaccord voulaient chacun élire un évêque, il y avait parmi le peuple une division très-animée. Pendant que les évêques siégaient un dimanche, une femme voilée et vouée à Dieu s'avança hardiment vers eux, et leur dit : « Ecoutez-moi, pontifes du Seigneur : les hommes « que ces gens-là ont élus pour le sacerdoce ne plaisent point à Dieu, car le Seigneur choisira lui-même aujour« d'hui son évêque. Ne soyez donc pas en contestation, et << ne troublez pas le peuple; mais soyez un peu patients, car le Seigneur vous amène maintenant celui qui doit « gouverner cette Eglise. » Tandis qu'ils s'étonnaient de ces paroles, arriva tout à coup un homme appelé Rusti

1 Grég, de Tours, 1. m, ch. 2.

que, prêtre du diocèse même de la ville de Clermont; il avait déjà été désigné à cette femme dans une vision. L'ayant vu, elle dit : « Voilà celui qu'a choisi le Sei

gneur; c'est là le pontife que le Seigneur vous a «<< destiné qu'il soit nommé évêque. » La foule, entendant ces paroles, mit un terme à toute querelle, proclamant que c'était un bon et digne évêque; Rustique fut donc placé sur le siége épiscopal, à la satisfaction du peuple1. ».

Un prêtre de la même Eglise, nommé Caton, que sa réputation de sainteté avait fait choisir par les clercs et le peuple de Clermont pour être évêque de cette ville, choix que Clotaire ne voulut pas ratifier, «fit, dit Grégoire de Tours, venir une fois pour de l'argent une femme dans l'église, et lui ordonna de crier, comme si elle eût été emportée par la force de sa conviction, qu'elle le reconnaissait pour un grand saint chéri de Dieu 2. »

Les conciles d'Antioche, en 341, de Rome, en 465, de Paris, en 615, défendaient aux évêques de se donner un successeur, même à leur lit de mort, et déclaraient nulle toute nomination faite de cette manière. En 530, le pape Boniface II, ayant, après un schisme d'un mois, succédé à Félix IV, assembla dans la basilique de SaintPierre un concile, où il fit signer aux évêques un décret qui l'autorisait à se choisir son successeur. Il nomma le diacre Vigile, que les évêques jurèrent de reconnaître. Mais plus tard, s'étant aperçu qu'il avait contrevenu aux canons, il assembla un autre concile où il fit casser le décret du premier, et le brûla en présence du clergé et du sénat.

L. II, ch. 13, collect. Guizot, t. 1, p. 7.

2 L. IV, ch. 14.

[merged small][ocr errors]

Suivant le 3o canon du concile de Barcelone, en 599, le clergé et le peuple devaient choisir deux ou trois candidats dont les noms seraient tirés au sort. Le métropolitain et les évêques de la province consacreraient celui des trois que le hasard aurait ainsi désigné.

« On n'élira pour évêque d'une ville, dit le 25° canon du concile de Reims, en 625, qu'une personne qui soit de la ville même; et l'élection se fera par le suffrage de tout le peuple, du consentement des évêques de la province. Si quelqu'un est promu à l'épiscopat par une autre voie, qu'il soit déposé; et que ceux qui l'auront ordonné soient suspendus trois ans des fonctions de leur ministère.»> Cette législation changea au neuvième siècle, car le 8° canon du concile de Savonnières, près de Toul, en 859, ordonna que dans la promotion d'un évêque, on s'en rapporterait au métropolitain et aux évêques voisins. Le peuple ne devait prendre aucune part à l'élection.

Jusqu'au règne de Charlemagne, on vit le clergé essayer de lutter contre l'influence exercée par le pouvoir temporel dans les nominations d'évêques. Le concile d'Orléans, en 549, en défendant d'acheter l'épiscopat par la corruption ou des brigues, dépose tout évêque qui aurait été imposé au peuple par des personnages puissants. Seulement, comme le consentement du roi était nécessaire, on se figure facilement que ces prescriptions durent avoir peu d'effet. Grégoire de Tours offre à chaque instant des preuves de ce que nous avançons 1.

Ce fut assez tard (concile de Barcelone, en 599) que l'on défendit de promouvoir des laïques à l'épiscopat,

1 Voy. dans les formules de Marculfe, I. 1, les formules ▼, vi et vii, intitulées Præceptum de episcopatu; Indiculus Regis ad episcopum ut alium benedicat; Concessio civium pro episcopalu.

défense qui ne fut guère observée, car sous les rois francs cette dignité semble, dans quelques provinces de la Gaule, en Auvergne, par exemple, avoir été le partage exclusif de quelques anciennes familles nobles et puissantes. Un évêché se donnait souvent, comme plus tard on donna des fiefs. Le beau-père de Sidoine Apolli

[ocr errors]

eu l'empereur Avitus, ayant été chassé du trône en 455, on lui donna l'évêché de Plaisance en compensation. En 928, le comte Herbert ayant fait la paix avec le roi Raoul, « obtint de lui, dit Richer, l'évêché de Reims qui fut donné à son fils encore enfant; et comme ce dernier était trop jeune pour remplir les fonctions épiscopales, il fut permis à un nommé Odelric, que les brigandages des pirates avaient forcé de quitter l'évêché d'Acqs (en Gascogne), de régir à sa place l'épiscopat 1. >>

Les évêques ainsi nommés menaient une vie digne des peuples barbares qu'ils étaient appelés à gouverner. Tel était l'évêque Parthenius, auquel Palladius, comte de Javoulx, disait : « Où sont tes maris avec lesquels tu vis dans la honte et l'infamie 2. » Tels étaient les deux frères Sagittaire et Salone qui passèrent leur vie au milieu des combats; et Cautin, évêque de Clermont, qui « avalait quelquefois une telle quantité de vin, que quatre hommes suffisaient à peine pour l'emporter de table 3. » Tels étaient encore les évêques Pallade et Bertrand qui, à la table même du roi Gontran, « s'étant émus de colère l'un contre l'autre, se reprochèrent mutuellement beaucoup

1 L. 1, ch. 55. A la fin du quinzième siècle on retrouve encore un exemple d'un abus pareil. Ainsi le cardinal Georges d'Amboise n'ayant que quatorze ans, fut, en 1470, nommé évêque de Montauban.

2 Grég. de Tours, 1. iv, ch. 40.

3 Ibid., ch. 12.

« AnteriorContinuar »