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metières, qui étaient alors, comme aujourd'hui chez les Turcs, un lieu de rendez-vous et de débauche.

Le 35° canon du concile d'Elvire, en 303, défend aux femmes de passer les nuits dans les cimetières, « parce. que souvent, sous prétexte de prier, elles commettent des crimes en secret. >>

« Il est à Paris, dit Guillaume le Breton, un lieu que l'on appelle Champeaux, où sont ensevelis, de droit commun, les corps de tous ceux qui meurent dans cette ville. Ce lieu était d'ordinaire ouvert à tout venant, même aux porcs, et rempli d'immondices, de pierres et de fumier; et, ce qui était pis encore, les courtisanes s'y livraient à la prostitution. Le roi Philippe-Auguste, indigné de pareilles profanations, le fit entourer de murailles élevées et sur une circonférence assez vaste, telles qu'on les fait dans les châteaux ou dans les villes. Par là, ce lieu sacré fut purgé de toute souillure, et, dès ce moment, on lui rendit l'honneur qui lui était dû1.»

« On ne souffrira ni les danses, ni les jeux indécents, ni les luttes, ni les plaids dans les cimetières. On ne souffrira pas non plus que les animaux y entrent. » (Concile d'Ecosse, 1225, can. 67 et 75.)

Le concile de Winchester, en 1240, défend de laisser entrer ou paître des animaux dans les cimetières, d'y tenir des marchés, d'y juger des affaires criminelles, d'y construire des fortifications, de s'y livrer à des jeux déshonnêtes, surtout aux veilles des fêtes des églises ou des saints.

Le 1er canon du concile de Cognac, en 1260, défend dans les cimetières les assemblées dites Vigiles, à cause

1 Philippide, ch. 1, collect. Guizot, t. xi, p. 22.

des actions déshonnêtes et des meurtres qui s'y commettaient; ce qui obligeait souvent les évêques de s'y rendre pour purifier ces lieux ainsi profanés.

Ces prescriptions furent renouvelées plus d'une fois, entre autres par le concile général de Lyon, en 1274, et par ceux de Bude (1279), de Pont-Audemer (1279), de Narbonne (1551), de Reims (1583), d'Avignon (1594), 'Aix (1585).

Ces deux derniers défendaient aussi de planter des arbres dans les cimetières. L'évêque de Rennes, en 1637, ordonna de faire abattre les ifs dans les cimetières de son diocèse.

Au neuvième siècle, on ne célébrait de service funèbre dans les églises paroissiales que quand on ne pouvait le faire dans la cathédrale ou dans les monastères. C'est du moins ce que l'on peut conclure du canon suivant (le 15°) du concile de Tribur, en 895. « On fera les funérailles dans l'église du lieu où l'évêque réside, c'est-àdire, dans l'église cathédrale; si cette église est trop éloignée, on les célébrera en quelque autre église où il y aura une communauté de chanoines, de moines ou de religieuses, afin que le défunt soit soulagé par leurs prières. Si cela n'est pas possible, on enterrera le mort dans le lieu où il payait la dîme de son vivant, c'est-à-dire, dans sa paroisse. >>

<< Si quelqu'un pendant la guerre, dit le concile de Lillebonne, en 1080 (can. 12), se construit une demeure dans un cimetière situé sur la frontière, l'évêque du diocèse n'aura sur lui d'autre droit que ceux qu'il avait antérieurement.-Quand la paix sera faite, ceux qui s'y étaient réfugiés à cause de la guerre, seront forcés de sortir de l'asile sacré et replacés sous les lois épisco

pales. Mais ceux qui auront de toute antiquité habité ces cimetières continueront d'y rester tranquilles comme par le passé1. »

« On n'exigera rien pour la sépulture, dit le concile de Meaux, en 845, mais si les parents, ou les héritiers, offrent quelque chose en aumône, on pourra le recevoir, sans toutefois le demander 2. » Cette prescription ne fut guère observée, et, loin de se conformer à l'ancienne discipline de l'Eglise, il fut, aux derniers siècles, permis aux curés d'intenter action en justice pour être payés de leurs droits funéraires, pourvu toutefois que le fait qui donnait lieu à l'action ne datât pas de plus d'un an.

Parmi les nombreux articles de conciles refusant la sépulture aux excommuniés, aux suicidés, etc., nous avons remarqué le suivant, qui nous fait connaître un étrange préjugé.

« On ne refusera pas la sépulture et les prières de l'Eglise à ceux qui meurent subitement, à moins qu'ils ne fussent alors dans le crime, non plus qu'aux femmes qui meurent enceintes ou en travail d'enfant. » (Concile de Rouen, en 1074, can. 9o.)

Au moyen âge, les procédés d'embaumement usités dans l'antiquité semblent avoir été complétement perdus, car rien n'égala la grossièreté et l'insuffisance de ceux que l'on fut alors réduit à employer. Charles le Chauve étant mort, en 877, dans une cabane du MontCenis, « ceux qui étaient avec lui, disent les Annales de Saint-Bertin, ouvrirent son corps, en ôtèrent les en

' Orderic Vital, 1. v, collect. Guizot, t. xxvi, p. 309.- Nous avons corrigé plusieurs contre-sens de la traduction, et entre autres celui-ci : le texte porte: In cœmeteriis quæ in marchis sunt; le traducteur avait rendu par: Les cimetières qui sont dans les marchés.

Voy. encore le conc. de Nantes, en 660, canon 6.

trailles, et l'ayant parfumé, comme ils purent, de vin et d'aromates, ils le renfermèrent dans un cercueil, et se mirent en route pour le transporter au monastère de Saint-Denis, où il avait demandé d'être enseveli. Ne pouvant le porter à cause de l'infection qui en sortait, ils le mirent dans un tonneau enduit de poix en dedans et en dehors, et enveloppé de cuir; ce qui ne put en ôter la puanteur. Arrivés avec peine à une chapelle de moines de l'évêché de Lyon nommée Nantua, ils le mirent en terre avec le tonneau qui le renfermait 1.

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Renaud, archevêque de Cologne, étant mort en Italie dans la seconde moitié du douzième siècle, «ses serviteurs, dit une vie anonyme de Louis VII, transportèrent jusqu'à Cologne le corps qu'ils avaient coupé par morceaux, cuit dans l'eau bouillante et saupoudré de sel. »

Edouard ler d'Angleterre, «avant qu'il mourût (en 1507), dit Froissart, fit appeler son aîns-né fils, qui fut roi après lui, pardevant tous ses hommes, et lui fit jurer sur saints que, sitôt qu'il seroit trépassé, il le feroit bouillir en une chaudière, tant que la chair se partiroit des os; et toutes fois que les Escots (Ecossais) rebelleroient contre lui, il semonceroit ses gens, et assembleroit, et porteroit avec lui les os de son père: car il tenoit fermement que, tant qu'il auroit ses os avec lui, les Escots n'auroient point victoire contre lui. Lequel n'accomplit mie ce qu'il avoit juré; ains fit son père rapporter à Londres, et là ensevelir contre son serment; de quoi il lui meschey depuis en plusieurs manières, premièrement à la bataille d'Esturmelin, où les Escots eurent victoire contre lui 2.

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Henri V d'Angleterre étant mort, en 1422, « son corps,

1 Année 877, collect. Guizot, t. iv, p. 289.

L. 1, part. 1, ch. 59, édit. du Panthéon, p. 53.;

dit Juvénal des Ursins, fut mis par pièces, et bouilli en une paesle, tellement que la chair se sépara des os; l'eau qui en restoit fut jetée en un cimetière, et les os avec la chair furent mis en un coffre de plomb avec plusieurs espèces d'espices, de drogues odoriférantes et choses sentant bon 1. »

Voici maintenant quelques détails sur les cérémonies qui s'observaient lors des funérailles solennelles des princes.- Chez les Byzantins, le corps de l'empereur était d'abord exposé, la face découverte, dans la salle dite des dix-neuf lits, où se faisait le festin de la fête de Noël. Là, on chantait des psaumes, puis on le transportait dans le vestibule du palais nommé Chalcé, où le patriarche, à la tête du clergé, les grands officiers de l'empire, les patrices, le sénat, venaient le saluer et lui donner le baiser. Le maître des cérémonies criait trois fois à haute voix : Sortez, empereur, le roi des rois, le seigneur des seigneurs vous appelle; et chaque fois, ces paroles étaient suivies des lamentations des assistants. Le corps était ensuite porté en grande pompe à l'église des Apôtres, où le chambellan l'enveloppait lui-même d'un suaire, et le déposait dans le tombeau 2.

Le roi Lothaire II, fils de Louis d'Outre-mer, étant mort à Laon, en 986, « on lui fit, dit Richer, de magnifiques funérailles, où l'on rassembla tout ce qu'on put trouver de richesses royales. On lui éleva un lit orné des insignes de la royauté; son corps fut enveloppé d'un vêtement de

• Histoire de Charles VI, collect. Michaud-Poujoulat, 4re série, t. II, p. 567.

2 Voy. Lebeau, Histoire du Bas-Empire, t. xiv, p. 37, édit. Saint-MarCes détails se rapportent aux funérailles de Constantin VI, mort

tin.

en 959.

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