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SERMENTS, ÉPREUVES ET COMBAT

JUDICIAIRES.

Les anciens Grecs avaient deux serments, le grand et le petit 1. Suivant quelques auteurs, le premier était celui par lequel on invoquait un dieu; le second celui où l'on prenait à témoin les créatures et les objets inanimés. Chaque peuple avait son serment particulier 2. Il en était de ¡même des individus qui, pour l'ordinaire, choisissaient le dieu protecteur de la profession à laquelle ils appartenaient 3.

<< Dans nos vieux auteurs, dit Aulu-Gelle, les femmes ne jurent pas par Hercule, ni les hommes par Castor. On comprend que les femmes n'aient point juré par Hercule, puisqu'elles s'abstiennent de lui sacrifier. Il est moins aisé de dire pourquoi les hommes n'ont pas juré par Castor; mais nulle part, au moins dans les bons auteurs, une femme ne dit mehercle, ni un homme mecastor. Ædepol, serment par Pollux, est commun aux deux sexes. Cependant Varron assure que, dans le très-vieux temps, les

1 Voici, au dire de Plutarque, en quoi consistait le grand serment à Syracuse: Celuy qui doit prester ce jurement entre dedaus le temple des déesses Thesmophores, qui sont Cérès et Proserpine; et, après quelques sacrifices faicts, il vest la chappe de pourpre de la déesse Proserpine, tenant en sa main une torche ardente, et jure en cest état. D Vie de Dion, ch. 70, trad. d'Amyot, éd. Clavier, t. Ix, p. 93.

Les Spartiates juraient par Castor et Pollux, les Athéniens par Isis, les Thébains par Osiris. On jurait aussi quelquefois par des animaux, comme un chien, une oie, etc., ou par des objets inanimés. Les Ioniens juraient par le chou.

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3 On jurait aussi par les instruments de sa profession: ainsi le pêcheur jurait par ses filets, le guerrier par sa lance, etc.

hommes ne juraient ni par Castor ni par Pollux; que ce serment était laissé aux femmes, qui l'avaient pris des initiations aux mystères d'Eleusis. L'oubli des anciennes coutumes a fait dire aux hommes ædepol, et l'usage s'en est établi; mais nulle part, dit-il, un homme ne dit mecastor dans les vieux auteurs 1. »

On jurait aussi par les animaux. Abraham, pour confirmer le traité qu'il avait conclu avec Abimélech, donna à celui-ci sept brebis qu'il prit à témoin de leur alliance.— On sait qu'au moyen âge les chevaliers juraient sur le faisan, le paon, le héron, le cygne, etc. Quelques-uns de ces vœux sont devenus célèbres dans l'histoire.

Les cérémonies qui, dans l'antiquité, accompagnaient le serment, variaient à l'infini. Nous mentionnerons seulement les deux suivantes.

Les Phocéens abandonnant leur ville, dont Harpage s'était emparé, montèrent sur leurs vaisseaux et «firent, dit Hérodote, les plus terribles imprécations contre ceux quise sépareraient de la flotte, jetèrent à la mer une masse de fer ardente, et jurèrent de ne jamais retourner à Phocée, tant que cette masse ne reviendrait pas sur l'eau 2. »

Lorsque Aristide fit jurer aux peuples grecs alliance avec les Athéniens << en prononçant les exécrations, malédictious à l'encontre de ceulx qui faulseroyent leurs serments, dit Plutarque, il feit jetter des masses de fer ardent dedans la mer, comme priant aux dieux que ainsi fussent esteincts, exterminez ceulx qui violeroyent leur foy 3. »

Chez les peuples de race germanique, quand la femme

'Nuits attiques, 1. x1, ch. 6, collect. Dubochet, p. 609.

↑ Hérodote, l. 1, ch. 465.

3 Vie d'Aristide, ch. 70, trad. d'Amyot, éd. Clavier, t. III, p. 383.

venait à réclamer le morgengabe, don que son mari lui faisait le lendemain de ses noces, elle était crue en jurant par son sein, suivant la loi des Alamans; en jurant sur ses deux mamelles, et sur ses deux tresses, suivant le droit d'Augsbourg 1.

Un Frison n'était cru que lorsqu'il jurait en touchant ses cheveux. Le serment par la barbe se rencontre à chaque instant dans les romans et dans les poèmes carlovingiens. On trouve souvent dans les actes, la mention que celui qui y apposait son sceau insérait dans la cire des poils de sa barbe.

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Chez les Francs, dans les affaires importantes, l'accusateur et l'accusé ne se bornaient pas à jurer seuls. Ils appelaient à leur aide un certain nombre d'hommes libres, nommés conjuratores, qui venaient prêter serment en leur faveur, et dont, dans certains cas, les lois barbares fixaient le nombre 2. On trouve dans les chroniqueurs de nombreux exemples de cet usage. Suivant Grégoire de Tours (1. viii, ch. 9), Gontran doutant fort que Clotaire, alors âgé de quatre mois, fût réellement fils de Chilpéric, « Frédégonde fit venir trois évêques et trois cents des principaux du royaume, qui firent serment que l'enfant était bien issu de Chilpéric. De cette manière, les soupçons du roi furent effacés. >>

Ces réunions de jureurs donnaient souvent lieu à de sanglantes querelles.

Une femme de Paris, dit Grégoire de Tours, fut accusée; plusieurs assuraient qu'elle délaissait son mari, et s'approchait d'un autre homme. Les parents du

1

Voy. Grimm, Antiquités du droit germanique, p. 897-8.

• Chez les Ripuaires, il pouvait y en avoir jusqu'à cent.

mari allèrent trouver le père, et lui dirent : « Amène ta file à une meilleure conduite, ou certainement elle « mourra, afin que sa honte n'inflige pas de déshonneur « dans notre race. Je sais, dit le père, que ma fille se «conduit bien, et que ce que disent des hommes mé<< chants n'est point véritable: cependant, pour que

l'on

« ne la calomnie pas de nouveau, je ferai serment de son << innocence. » Et eux lui dirent : « Si elle est innocente, « affirme-le sur le tombeau du martyr saint Denis.

« Je le ferai dit le père. » Alors, au jour fixé, ils se réunirent à la basilique du saint, et le père, les mains levées sur l'autel, jura que sa fille n'était point coupable. Ceux qui étaient du parti du mari soutinrent contre lui qu'il se parjurait; il s'éleva donc une altercation, et les épées furent tirées; ils se jetèrent les uns sur les autres, et se tuèrent jusque devant l'autel. C'étaient des gens de la plus haute naissance et des premiers auprès du roi Chilpéric. Beaucoup furent frappés de l'épée, et la sainte basilique fut arrosée du sang humain; les portes furent percées de coups d'épée ou de javelot, et des traits impies insultèrent jusqu'au saint tombeau... Peu de jours après, la femme fut mise en jugement, et étranglée 1. » Au seizième siècle, on retrouvait encore en Allemagne quelque vestige des conjuratores.

<< Est la coustume en Germanie, dit Martin du Bellay, qu'en toutes les assemblées qui se font à la requeste d'aucun personnage, et pour ouïr et décider ses propres et particulières affaires, ledit personnage y mène le plus grand nombre qu'il peult assembler de ses familiers, amis et adhérants, ou leur commis et députez, pour as

1 Liv. v, ch. 33, collect. Guizot, t. 1, p. 268.

sister à l'audience et décision de sa matière; lequel nom et tiltre d'assistance est de telle condition, que quiconque assiste à autruy, faict la cause et matière sienne, et tacitement s'oblige à luy donner ayde et faveur, et jusques à prendre les armes pour luy en cas de dénégation et maligne dissimulation de justice1. »

En l'absence des conjuratores, les serments se faisaient sur un certain nombre d'autels. Gontran-Bozon ayant été chercher à Constantinople Gondo vald, fils naturel de Clotaire, qu'il voulait placer sur le trône, ne le décida à venir en Gaule, qu'en lui faisant serment de fidélité dans douze lieux saints différents 2.

« On abolira, dit le 11° canon du concile de Valence (Dauphiné) en 855; on abolira l'abus introduit dans les tribunaux séculiers, de faire prêter serment aux deux parties qui sont en procès; car il n'est pas possible que l'une des deux ne soit parjure. »

Le serment des enfants, admis par la loi Gombette, fut défendu par le canon 45 du concile de Francfort-sur-Mein, en 794.

Un concile d'Angleterre, celui de Bergamstede, tenu en 696, contient, relativement aux serments, les prescriptions suivantes :

La parole de l'évêque et du roi tiendra lieu d'un serment. Les abbés accusés et interrogés feront, comme les prêtres et les diacres, serment, devant l'autel, en ces termes: «Je dis la vérité en Jésus-Christ; je ne mens point. » — Les autres clercs prendront avec eux quatre personnes, pour se purger, par un serment qu'ils fe

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Mémoires, année 4533, collect. Michaud-Poujoulat, 4r série, t. v, p.267.

2 Grégoire de Tours, 1. vi, ch.36.

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