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prosternés, et enfin à prier debout comme les autres. On les distinguait encore d'une autre manière du reste des fidèles, en les plaçant dans l'église du côté gauche. Il y avait donc quatre ordre de pénitents: les pleurants, les auditeurs les prosternés, les consistants, c'est-à-dire, ceux qui priaient debout; et tout le temps de la pénitence était distribué en ces quatre états. Nous les trouvons marqués dès le temps de saint Grégoire Thaumaturge, vers l'an 260. Par exemple, celui qui avait tué volontairement était quatre ans entre les pleurants, c'est-à-dire qu'il se trouvait à la porte de l'église aux heures de la prière et demeurait dehors, non pas sous le vestibule, mais dans la place, exposé aux injures de l'air. Il était revêtu d'un cilice, il avait de la cendre sur la tête, et se laissait croître le poil; en cet état, il priait les fidèles qui entraient dans l'église d'avoir pitié de lui et de prier pour lui; et en effet, toute l'église priait pour les pénitents, comme elle fait encore pendant le carême. Les cinq années suivantes, il était au rang des auditeurs, il entrait à l'église pour entendre les instructions; mais il demeurait sous le vestibule avec les catéchumènes, et en sortait avant que les prières commençassent. De là, il passait au troisième rang et priait avec les fidèles, mais au même lieu, près de la porte, prosterné sur le pavé de l'église. et il sortait avec les catéchumènes. Après qu'il avait été sept ans dans cet état, il passait au dernier, où il demeurait quatre ans, assistant aux prières des fidèles, et priant debout comme eux, mais sans qu'il lui fût permis d'offrir ni de communier. Enfin, les vingt ans de sa pénitence étant accomplis, il était reçu à la participation des choses saintes, c'est-à-dire, de l'eucharistie. Les quinze ans de l'adultère se passaient de même à propor

tion. Il était quatre ans pleurant, cinq ans auditeur, quatre prosterné, deux consistant; et l'on peut juger par là des autres sortes de pécheurs.

< Quand l'évêque jugeait à propos de finir entièrement la pénitence, il le faisait d'ordinaire à la fin du carême, afin que le pénitent recommençât à participer aux saints mystères à la fête de Pâques. Le jeudi saint, les pénitents se présentaient à la porte de l'église; le prélat, après avoir fait pour eux plusieurs prières, les faisait rentrer, à la sollicitation de l'archidiacre, qui lui représentait que c'était un temps propre à la clémence. Le prélat leur faisait une exhortation, les obligeant à lever la main, pour signe de cette promesse, et leur donnait l'absolution solennelle. Alors ils se faisaient faire le poil, quittaient leurs habits de pénitents, et recommençaient à vivre comme les autres fidèles 1. >>>

« On comptait une pénitence par chaque crime: ainsi, un homme qui avait commis trente homicides et autant de parjures et d'adultères, aurait eu à faire plusieurs siècles de pénitence; et « de là sont venues, dans la suite, dit Fleury, ces indulgences de tant d'années, que l'on trouve en quelques bulles. Mais on soulageait quelquefois ceux qui étaient chargés de pénitence pour toute leur vie, par la commutation des œuvres satisfactoires. Pierre Damien (mort en 1072) nous rapporte l'estimation de ces pénitences équivalentes. Trois mille coups de discipline pouvaient racheter une année de pénitence ordinaire; et dix psaumes, chantés en se flagellant continuellement, faisaient mille coups; en sorte que le psautier entier valait cinq années de pénitence... Il y avait même, en ce

1 Fleury, Mœurs des chrétiens, ire partie, ch. 22.

temps-là, des saints qui se consacraient à la pénitence pour les autres 1. »

Il était défendu aux pénitents de voyager pendant le temps de leur pénitence, afin que le prêtre chargé de veiller sur eux pût rendre témoignage de leur conduite. Il leur était défendu d'aller à Rome, pour obtenir la rémission de leurs péchés, avant d'avoir reçu de leur évêque une pénitence proportionnée à la grandeur de leurs crimes. (Conc. de Selingstadt, en 1022, canons 18 et 19.)

Les conciles renferment de nombreuses prescriptions relatives aux pénitences à imposer dans certains cas. Les canons suivants, concernant l'homicide, nous ont paru les plus curieux.

Le 47° canon du concile de Nantes, en 658, impose, pour un homicide volontaire et public, quatorze ans de pénitence pendant lesquels celui qui l'aura commis sera, cinq ans, séparé de l'Église, et, les neuf autres années, pourra assister aux prières, sans offrir et sans communier. Le 18 canon impose cinq ans de pénitence pour un homicide involontaire, quarante jours de jeûne au pain et à l'eau, deux ans de séparation des prières des fidèles, et trois ans de privation de communion.

« L'homicide volontaire, dit le concile tenu à Tribur en 895, fera pénitence pendant sept ans. Les quarante premiers jours, il ne lui sera pas permis d'entrer à l'église; il ne mangera que du pain et du sel, ne boira que de l'eau, et marchera pieds nus; il ne se servira ni d'armes ni de voitures, et vivra dans la continence, sans

1 Fleury, Mœurs des chrétiens, Ive partie, ch. 9. A propos de ces flagellations, voy. dans don Quichotte, part. 1, ch. 55, la manière dont il est prescrit à Sancho Pança de se fustiger four désenchanter Dulcinée.

aucun commerce avec les autres chrétiens, ni même avec un autre pénitent. En cas de maladie, ou si ses ennemis cherchent à le faire mourir, on différera la pénitence jusqu'à ce que l'évêque l'ait réconcilié avec eux. Les quarante jours écoulés, l'entrée de l'église lui sera encore interdite pendant un an; il s'abstiendra de chair, de fromage, de vin et de toute boisson emmiellée, excepté les fêtes et les dimanches. En maladie ou en voyage, il pourra racheter le mardi, le jeudi et le samedi, pour un denier ou par la nourriture de trois pauvres. Cette année finie, l'église lui sera ouverte comme aux autres pénitents. Il passera les deux années suivantes dans les mêmes exercices, si ce n'est qu'il aura le pouvoir de racheter les trois jours de la semaine, en quelque lieu qu'il se trouve. Pendant chacune des quatre autres années, il jeûnera trois carêmes, un avant Pâques, un avant la Saint-Jean et le troisième avant Noël. Dans les autres temps, il ne jeûnera que le lundi, le mercredi et le vendredi : encore lui sera-t-il permis de racheter le lundi et le mercredi. Les sept ans de la pénitence accomplis, il sera réconcilié à la manière des autres pénitents, et admis à la sainte communion 1. »

Le même concile ordonne ailleurs que, dans l'imposition de la pénitence, on traite humainement ceux qui, dans la guerre contre les barbares, ont tué, par mégarde, des chrétiens qu'ils ont pris pour des païens. (Canon 34.)

<< S'il arrive qu'un homme qui abat un arbre, le voyant près de tomber, avertisse son compagnon de se retirer, et que, par malheur, celui-ci ne le fasse pas, et soit acca

1 Canons 54 à 58.

blé dessous; celui qui aura abattu l'arbre ne sera point repris.» (Ibid., canon 56.)

En 895, le roi de Germanie, Arnoul, ordonna à tous les comtes de son royaume de se saisir des excommuniés qui ne se soumettaient pas à la pénitence, et de les lui amener. Si quelques-uns de ces excommuniés périssaient en résistant les armes à la main, leurs meurtriers ne devaient être soumis à aucune pénitence canonique. - De plus, il défendait qu'on leur fit payer le wehrgeld (composition) et que les parents des morts cherchassent à se venger. (Concile de Tribur, en 895, canon 3.)

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La troisième partie du concile tenu à Winchester en 1076 renferme treize canons, tous relatifs à des cas de pénitence. Les prescriptions suivantes nous ont paru assez curieuses:

Celui qui aura tué à la guerre fera autant d'années de pénitence qu'il aura tué d'hommes. S'il a frappé et ignore avoir tué, il fera autant de quarantaines de pénitence qu'il aura frappé d'hommes. S'il ignore le nombre de ceux qu'il aura tués ou frappés, il fera un jour de pénitence chaque semaine, tant qu'il vivra, à la volonté de l'évêque; ou, s'il le peut, il bâtira ou dotera une église. - S'il a eu la volonté de frapper, sans l'avoir exécutée, il fera pénitence pendant trois jours. Les hommes qui auront reçu de l'argent pour combattre feront pénitence comme s'ils avaient commis un homicide. Ceux

qui ont combattu dans une guerre publique feront trois ans de pénitence. Les arbalétriers qui ont tué sans le savoir, ou qui ont blessé sans tuer, feront pénitence pendant trois quarantaines. - Si ces prescriptions avaient eu l'effet qu'on se proposait, on voit que, grâce à elles, guerres seraient bien vite devenues peu meurtrières.

les

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