Imágenes de página
PDF
ePub

vagabonde qui les disperse chaque année sur toute la surface du globe. « L'habitude de faire des pèlerinages, dit un écrivain du neuvième siècle, Walfrid Strabon, est devenue presque une seconde nature chez les Ecossais. >>

Les autorités ecclésiastiques et civiles cherchèrent à s'opposer à ces déplacements continuels, si propres à favoriser le vagabondage, qui devait avoir tant d'attraits pour les classes inférieures d'une société constituée comme l'était celle du moyen âge.

D'après le 11 canon du concile tenu à Chalcedoine, en 451, les pauvres et les pèlerins devaient, pour recevoir l'hospitalité sur leur route, être munis d'une lettre de paix, qui attestait que le porteur appartenait à la communion catholique 1. On trouve, dans un recueil de formules qui, comme celles de Marculfe, paraissent être du septième siècle, la teneur de l'une de ces lettres dont voici la traduction :

<< Aux saints, apostoliques et vénérables pères en JésusChrist, rois, comtes, évêques, abbés, prêtres, clercs, et à tous les chrétiens servant Dieu dans les monastères, les cités, les bourgs et les campagnes, moi, intendant de la maison, me nommant en Dieu N, j'adresse cette lettre. Que Votre Grandeur (ou Votre Sainteté) sache que notre frère nommé N, votre serviteur, nous a demandé la permission d'aller prier pour ses fautes ou pour nous à la basilique de saint Pierre, votre père. C'est pourquoi nous vous adressons ces lettres par son intermédiaire, et le chargeons de salutations pour vous, afin que, pour

1 Voy. sur ces lettres Sozomène, Histoire ecclésiastique, 1. vt, ch. 46. - Suivant le 6e canon du concile de Tours, en 566, les évêques seuls pouvaient donner ces lettres de recommandation.

l'amour de Dieu et de saint Pierre, il reçoive de vous hospitalité, secours et consolation, et puisse aller et revenir sain et sauf, etc. 1. »

L'un des canons du concile tenu à Châlon-sur-Saône, un an avant la mort de Charlemagne, en 813, contient le passage suivant:

<< Ils se trompent grandement les hommes qui, sans réflexion et alléguant des raisons de piété, se rendent à Rome, à Tours ou ailleurs. Il est des prêtres, des diacres et d'autres membres du clergé qui vivent dans le désordre, et croient se purifier de leurs fautes et s'acquitter de leurs devoirs, s'ils visitent des lieux de sainteté; il est encore des laïques qui, en allant y prier, espèrent y trouver l'impunité de leurs péchés. Il est des hommes puissants qui, prétextant un voyage à Rome ou à Tours, lèvent des tributs, amassent des richesses, oppriment les pauvres, et ce qu'ils font dans un but unique de cupidité, ils le colorent d'un motif pieux. » Enfin, comme les pèlerins se recrutaient aussi parmi les voyageurs et les gens sans aveu, le même canon ajoute: « Il est jusqu'à des pauvres qui donnent les mêmes raisons, afin de trouver plus de facilité à mendier.... Il faut demander au seigneur empereur le moyen de remédier à ces abus. >>

D'après le 8 canon du concile de Rouen, en 1189; aucun clerc ne devait sortir de sa paroisse pour aller étudier ou faire un pèlerinage, sans la permission de son évêque.

Tout en essayant de réprimer le vagabondage, on cherchait aussi à protéger les véritables pèlerins. « Que per

1 Charta tracturia, Marculfi monachi formulæ veteres, 1666, in-4, p. 228. Voy. encore p. 124, Tracturia pro itinere peragendo.

sonne, dit la loi des Bavarois, n'ose inquiéter les étrangers ou leur faire du tort, parce que les uns voyagent pour Dieu, les autres pour leur nécessité, et cependant une même paix leur est nécessaire. »

Le 4 canon du concile de Metz, en 756, défendait d'exiger aucune espèce de tribut, soit pour eux, soit pour leur bagage, des pèlerins qui se rendaient à Rome ou ailleurs, de les arrêter au passage des ponts, des écluses, des bacs; celui qui leur ferait quelque donimage devait payer 60 sous d'amende, dont la moitié serait adjugée au pèlerin, l'autre moitié à la chapelle du roi. Le concile de Narbonne, en 1054, renferme à peu près les mêmes prescriptions.

Le 16 canon du concile de Latran, en 1123, excommuniait ceux qui oseraient piller ou vexer par des exactions quelconques les pèlerins qui se rendraient à Rome ou dans d'autres lieux de dévotion.

Ces mesures durent rarement être très-efficaces. Les routes, qui, sous la ferme administration de Charlemagne, avaient pu offrir quelque sécurité, devinrent après lui moins sûres que jamais; et l'on sait trop quels horribles brigandages se commirent pendant une longue suite de siècles, pour que nous ayons besoin d'insister sur ce point. Citons seulement le fait suivant, rapporté par Guibert de Nogent. « Il y avait, dit-il, un certain Teudegaud, homme profondément scélérat, serf de l'église de Saint-Vincent, à Laon. Longtemps officier, et préposé d'Enguerrand de Coucy à la recette du péage exigible pour le passage du pont de Sourdes, il pillait souvent les pauvres voyageurs, et, après les avoir dépouillés de tout ce qu'ils portaient sur eux, il les précipitait et les engloutissait dans le fleuve, pour les mettre hors d'état

d'élever des plaintes contre lui. Dieu seul sait combien de fois il fit pareille chose 1.

« Les hommes revêtus de fer, dit Jacques de Vitry, infestaient les routes publiques et n'épargnaient ni les. pèlerins ni les religieux. Ne craignant point le jugement de Dieu, ils se faisaient corsaires et pirates, dépouillaient sur mer les marchands et les pèlerins, et après avoir brûlé leurs navires, ils les précipitaient eux-mêmes dans les flots 2. >>

Les pèlerins, la plupart du temps, partaient sans argent et sans provisions; aussi les dangers et les obstacles de toutes sortes qu'ils rencontraient sur leur route, les fatigues auxquelles ils étaient exposés, avaient nécessité de bonne heure la fondation d'établissements destinés à leur offrir le gîte et la nourriture. Un hospice était annexé à tous les monastères un peu importants, auxquels des donations étaient faites uniquement dans ce but; et il leur fut maintes fois prescrit expressément par les conciles et les capitulaires d'accueillir avec charité les voyageurs et les pèlerins. « Les prêtres doivent savoir, dit un capitulaire, que les décimes et les offrandes qu'ils reçoivent des fidèles sont la solde des pauvres, des étrangers et des pèlerins, et qu'ils doivent en user, non comme de leur bien propre, mais comme d'un dépôt qu'on leur aurait confié3. »

L'hospitalité donnée dans les couvents rappelait beaucoup l'hospitalité antique. Suivant Grégoire de Tours, Sunniulphe, abbé du monastère de Randan, à Clermont

1 De Vita sua, l. 1, ch. 9.

[ocr errors]

2 Historia occidentalis. ch. 3, 1396, in-8, p. 266.

3 Voy. Canciani, Leges barbarorum antiquæ, t. III, p. 150 et 343.

(Auvergne), lavait et essuyait lui-même les pieds des étrangers. « Que l'on ne néglige pas, dit la règle de la célèbre abbaye de Fulde, que l'on ne néglige pas de recevoir les pèlerins et de leur laver les pieds. Mais quand ils se présenteront, que, suivant la règle et la coutume de nos ancêtres, on les accueille avec bonté, et que tous les frères s'occupent de leur laver les pieds 1. »

Les hospices étaient ordinairement placés, soit en dehors des villes, pour que le voyageur attardé pût y trouver un asile, soit sur le bord des fleuves, aux endroits où il n'existait pas de communication d'une rive à l'autre, soit dans les montagnes, aux passages les plus fréquentés. Tels sont encore aujourd'hui les établissements du grand et du petit Saint-Bernard, du Simplon, du Mont-Cenis, etc., dont la fondation remonte à une haute antiquité. Ainsi, au huitième siècle, Adrien Ir recommandait vivement à la générosité de Charlemagne les hospices qui étaient situés dans la chaîne des Alpes. Au siècle suivant, l'hospice du Mont-Cenis fut fondé par Louis le Débonnaire, qui le dota de riches revenus, et Louis II, envoyant des députés en Italie, ordonna, par un capitulaire daté de 855 la restauration de tous les hospices bâtis dans les montagnes ou ailleurs 2. Ceux des Alpes furent surtout d'un grand secours aux pèlerins qui, venant de la Gaule, voulaient soit visiter Rome, soit gagner quelque port de l'Italie, où ils pussent s'embarquer pour l'Orient; mais pour les pèlerins qui se dirigeaient vers la Terre-Sainte, la route de terre jusqu'à Constantinople fut préférée, lorsque cette

Cauciani, t. III, p. 360.

2 Muratori, Antiquitates Italiæ medii ævi, dissertatio xxxvn, De hospitalibus peregrinorum, t, 1, p. 353 et suiv.

« AnteriorContinuar »